Réforme des Retraites: Un Référendum d’initiative partagé au Conseil constitutionnel
250 députés et sénateurs ont signé une proposition de loi en faveur d’un RIP. De quoi prolonger la crise pendant encore des mois
Les conditions d’un référendum d’initiative partagée pourrait bien être réunies très rapidement et la crise pourrait alors être prolongée pendant des mois. En effet Cette demande a été déposée par les députés de l’opposition au conseil constitutionnel. Les » Sages » ont désormais un mois pour l’examiner et valider ou non cette procédure. « Cela pourrait ne prendre que quelques jours », glisse un sénateur. Selon lui, le RIP devrait même être étudié avant les recours au Conseil constitutionnel sur la réforme des retraites, déposés lundi. Un référendum d’initiative partagée qui risque de faire durer la crise et dont l’efficacité à terme est critiquée
Étape suivante : la proposition de loi sur le RIP devra être soutenue par un dixième des électeurs, soit 4,87 millions de personnes. Les signatures devront être recueillies dans un délai de neuf mois.
On assiste cependant une sorte de vitesse juridique puisque le gouvernement parallèlement a aussi saisi le conseil constitutionnel pour un examen qu’il souhaite très rapide de la réforme des retraites.
Sur BFMTV le député communiste de Seine-Saint-Denis Stéphane Peu s’interroge pense que la consultation pourrait n’avoir jamais lieu
Benjamin MOREL. - Le référendum peut théoriquement se tenir. La jurisprudence en la matière n’est pas abondante, mais l’article 11 de la Constitution dispose que le référendum peut notamment porter sur la «politique économique ou sociale de la nation». On peut donc considérer qu’une réforme des retraites rentre dans ce cadre. Il y a un doute sur la nature du texte. L’article 11 parle de projet de loi. Or, là, nous avons affaire à un projet de loi rectificatif de la sécurité sociale. Est-ce que cela comprend uniquement les projets de loi ordinaire ou s’étend à tous les projets de loi de façon générique… c’est une question à laquelle seul le Conseil peut répondre.
Dans quelles conditions ?
Pour lancer un référendum d’initiative partagée, il faut réunir 1/5 des parlementaires, ce qui ne sera pas difficile. Il faut ensuite réunir la signature d’un dixième des électeurs inscrits, soit un peu plus de 4,5 millions, le tout dans un délai de neuf mois. Il faut bien comprendre que ce chiffre est très élevé. En Italie par exemple, État comparable, il faut 500.000 signatures ou cinq Conseils régionaux pour lancer une procédure de référendum abrogatif. Par ailleurs, dans le cadre du RIP français, si ces signatures sont réunies, le référendum n’a pas forcément lieu. Le texte est d’abord soumis aux deux chambres du Parlement qui peuvent l’examiner. Si elles l’examinent, ne serait-ce que pour le rejeter, alors le référendum n’a pas lieu. Ce n’est que si les chambres ne s’en sont pas saisies dans un délai de six mois qu’on procède à la consultation du Peuple. On a donc à faire à une procédure baroque ayant été conçue pour ne jamais être utilisée. Outre son sigle, RIP, ce qui montre que ses concepteurs eux-mêmes y croyaient peu et le temps c’est que la loi organique que rendait applicable son inscription dans la Constitution en 2008 a mis cinq ans avant d’être votée.
Le RIP est très dysfonctionnel et n’a pas grand-chose du RIC demandé par les gilets jaunes.
Pour autant, en l’espèce, ce n’est pas impossible. La colère des Français sur cette réforme, les réseaux politiques et syndicaux mobilisables peuvent rendre atteignables les signatures. Si un texte devait arriver devant le Parlement, le rejeter pour mettre fin à la procédure serait politiquement difficilement tenable, autant essayer d’éteindre un feu avec de l’essence. L’exécutif se trouverait alors dans une impasse.
Si la réforme des retraites est promulguée avant la validation du référendum d’initiative partagée par le Conseil constitutionnel, pourra-t-il tout de même être organisé ?
C’est le point qui n’a pas été envisagé par l’opposition. Elle aurait dû s’y prendre plus tôt. La loi organique est claire, le RIP doit porter sur un texte qui n’a pas été promulgué depuis moins d’un an. Dès lors qu’Emmanuel Macron promulgue le texte, le RIP à court terme devient impossible. Si le texte est voté ou passe par 49 alinéa 3, alors le Conseil sera saisi, une fois qu’il aura terminé son examen, le Président pourra promulguer. Avant ce moment fatidique, il faut que les signatures parlementaires soient réunies et que le Conseil constitutionnel se soit prononcé sur la constitutionnalité du RIP. Si les deux textes arrivent sur son bureau en même temps, théoriquement il devrait prioriser le projet de loi du gouvernement, théoriquement, cela induit toutefois un sprint.
Le référendum d’initiative citoyenne était au cœur des revendications de certains «gilets jaunes». Le RIP peut-il être une solution à la crise démocratique que nous traversons ?
Pour les raisons que l’on a déjà évoquées, le RIP est très dysfonctionnel et n’a pas grand-chose du RIC demandé par les «gilets jaunes». Il est même assez paradoxal. Dans la plupart des États, dont l’Italie, le RIC est un référendum veto. Si le peuple est en désaccord avec une loi, il peut y faire barrage avant qu’elle ne s’applique. C’est cohérent, car cela évite les désordres législatifs. En suspendant une loi qui ne s’applique pas encore, on évite de créer des situations de droit précaire.
En France, par peur que le peuple ne désavoue les politiques, on a fait tout le contraire et on a exigé non seulement qu’une portion importante des parlementaires aient la clé du dispositif, mais aussi que le nombre de signataires soit prohibitif, en bref, il convient de repenser ce dispositif de démocratie directe qui s’applique aujourd’hui dans beaucoup d’États européens et dans nombre d’États fédérés américains. Les craintes que l’on a vis-à-vis de lui sont paradoxales. On veut constitutionnaliser le droit à l’avortement pour le mettre sous la surveillance du Conseil constitutionnel… pourquoi pas ? Toutefois, aux États-Unis ce n’est pas le peuple, c’est la Cour suprême qui a fragilisé ce droit.
Les référendums d’initiative citoyenne qui ont suivi cette décision et tendaient à supprimer ce droit ont tous donné lieu à un non. En l’espèce, le peuple est donc plus raisonnable que les juges réputés le garder de ses excès. Le RIC produit certes des soucis de désintérêt et d’abstention s’il est utilisé trop souvent comme en Suisse. Toutefois, avec une bonne jauge, on évite la frénésie de RIC. Avec un quorum d’inscrits votant oui, on évite la confiscation du dispositif par une minorité ou le vote stratégique, c’est notamment le modèle estonien. Bref, tout cela a été mis en place ailleurs et ne pose guère de problème d’un point de vue constitutionnel, restent les blocages politiques et psychologiques.
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