La chasse aux religieuses à Nantes !
Marc Eynaud, auteur de Qui en veut aux catholiques?, rappelle que le catholicisme est de très loin la religion la plus attaquée en France et explique le contexte de la chasse aux religieuses à Nantes (Dans le Figaro)
- Après huit ans passés au sein de l’église Sainte-Croix, en plein cœur de Nantes, deux religieuses préfèrent se retirer, minées par un sentiment d’insécurité permanent. La situation à Nantes est-elle particulièrement préoccupante ?
Au-delà du cas précis de ces deux religieuses, c’est effectivement le premier volet de cette information. Nantes s’enfonce dans l’insécurité et on est inondé de témoignages de Nantais fuyant la ville. On ne parle pas seulement d’un ou plusieurs quartiers isolés. De ces territoires « en reconquête républicaine » pour reprendre la pudique terminologie de l’époque. On parle de l’église Sainte-Croix dans le vieux centre historique de Nantes. A tel point que la ville a du bénéficier de renforts et de dispositifs semblables à ce qu’a connu le quartier de la Guillotière à Lyon. A titre indicatif, et même si sa fiabilité est souvent remise en question, le site Numbeo a classé la ville des ducs de Bretagne à la 407e place de son classement mondial en matière d’insécurité derrière Bogota. On peut aussi se référencer sur le site ville-ideale.fr qui compile des centaines de moyennes émises par des internautes. Avec une note de 2,25/10 en matière de sécurité, on peut se faire une idée assez précise du ressenti tout en parcourant les 34 pages de commentaires laissés par des internautes unanimes. En matière d’insécurité, Nantes est deuxième derrière Sarcelles mais devant Grenoble. Mais ce qui demeure totalement significatif, c’est l’auto-satisfaction d’une municipalité qui dit ne pas comprendre la décision des religieuses de quitter la ville. On n’est même plus dans le cas de grandes villes équivalentes qui voient les municipalités s’efforcer non pas d’éradiquer l’insécurité mais tout du moins de la circonscrire. A Nantes, la situation semble hors de contrôle. Une situation qui, au vu des témoignages d’habitants et de forces de l’ordre aurait commencé à dégénérer sous l’effet de deux facteurs : l’élection de la nouvelle équipe municipale en 2014 et la crise des migrants de 2015 qui a rendu visible et réel une délinquance nouvelle.
« Au bout de combien de prêtres assassinés, de religieuses agressées et d’églises profanées allons-nous prendre conscience qu’il ne s’agit, non pas d’actes hostiles à la religion au sens vague ni d’une interprétation dévoyée de la laïcité mais bel et bien une attaque en règle contre le catholicisme pour ce qu’il est mais parce qu’il dit encore ce que nous avons été, ce que nous sommes et ce que nous voulons continuer d’être. »
Cela est-il représentatif des violences que subiraient les chrétiens en France ?
Il faut mesurer effectivement cet aspect. Le fait qu’il s’agisse de deux religieuses a évidemment marqué les esprits. Surtout deux gardiennes d’une église par définition un lieu de paix et d’ouverture mais surtout un lieu sacré. On serait tenté de dire « surtout les religieuses » car les catholiques sont souvent en première ligne face à ce phénomène nouveau. Rien que sur les trois dernières semaines : mi février, une statue de la Vierge décapitée à Choisy-Le-Roi, 10 février une église profanée à Orly, 7 février un islamiste fiché S interpellé pour avoir menacé de mort un prêtre parisien, 10 janvier profanation d’une église, dans la région lyonnaise, deux départs d’incendie dans une église à Ligueuil, et trois départs de feu dans l’église Saint Roch de Chanteloup-Les-Vignes. Ce 3 mars, on apprenait la profanation de l’église Saint-Eustache à Paris. Cela, c’est uniquement ce qu’a rapporté la presse ces derniers jours et ce n’est qu’une partie émergée de l’iceberg.
On peut aussi citer un prêtre et une religieuse poignardés en avril 2022 sans compter l’attentat commis dans la basilique de Nice, l’assassinat du Père Hamel et différents projets d’attentats islamistes dans des églises déjoués in extremis… Sociologiquement, la religion catholique est de très loin la religion la plus attaquée en France et ce sont les chiffres du Ministère de l’Intérieur qui le confirment. Combien de fois allons-nous inlassablement égrainer ce chapelet de violence ? Au bout de combien de prêtres assassinés, de religieuses agressées et d’églises profanées allons-nous prendre conscience qu’il ne s’agit, non pas d’actes hostiles à la religion au sens vague ni d’une interprétation dévoyée de la laïcité mais bel et bien une attaque en règle contre le catholicisme pour ce qu’il est mais parce qu’il dit encore ce que nous avons été, ce que nous sommes et ce que nous voulons continuer d’être.
Les religieuses ont déclaré : « Nous ne sommes pas des franciscaines du Bronx ». Leur rôle n’est-il pas, aussi, en tant que catholiques d’être lumière au milieu du chaos ?
Il serait trop commode de donner à ces religieuses qui ont donné leur vie à Dieu et consacré des années de cette existence au service des habitants du quartier et de cette église une quelconque leçon de courage. Chaque ordre a sa vocation et on ne peut pas exiger de ces femmes de poser les mêmes choix qu’un Christian de Chergé ou de quelque missionnaire jésuite allant se faire massacrer au Japon ou en Amérique pour convertir les peuples. Néanmoins, on ne peut regarder cette décision sans penser à l’actualité récente. Pendant deux ans d’épidémie de Covid dans un contexte de perte de repère généralisé et de détresse morale, on a expliqué au clergé qu’il dispensait un commerce non-essentiel et on l’a contraint à fermer ses portes. On sous-estime sans doute la violence que cela a provoqué chez certains prêtres à qui leurs propres évêques ont interdit la dispense des sacrements, ce qui est la base et le premier sens de leur sacerdoce. En 2023 les curés sont unanimes : la pratique a baissé. Certains paroissiens ont simplement perdu l’habitude d’aller à la messe, d’autres se sont repliés dans une solitude encore plus grande… Abandonnant de surcroît un peu plus les églises à leur sort et à leur vide. Au fond, on peut noter deux facteurs simultanés : la multiplication des attaques contre les catholiques et un déclin généralisé du courage face à cette adversité, tout au moins un terrible sentiment d’impuissance et de tentation d’abandon.
D’ailleurs, ces deux religieuses sont membres de la fraternité apostolique bénédictine. Un ordre religieux qui a pour spécificité de se tenir au cœur des villes. C’est à dire au milieu de ce qu’elles ont de beau et de repoussant et l’explosion de l’insécurité urbaine fait hélas partie des aléas présents dans chaque ville française quelle qu’elle soit. L’insécurité a chassé une communauté monastique d’une ville. Les profanations forcent à laisser les églises fermées. Les crises sanitaires privent les fidèles de sacrements. Des dizaines d’églises brûlent tous les ans. Cela devrait nous inciter à ne plus nous taire car aujourd’hui les pierres brûlent à force de crier en vain.
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