• Accueil
  • > justice
  • > « Des juges plus favorables aux grévistes» !!!

« Des juges plus favorables aux grévistes» !!!

«Des juges plus favorables aux grévistes» !!!
Par Corinne Lhaïk

par Joël Grangé est avocat associé, Flichy Grangé avocats.

Un article qui peut se discuter d’abord parce qu’il évite de distinguer la nature des conflits. Or la plupart dans le privé concernent des questions de licenciements collectifs qui ne sont que rarement remis en cause par une décision de justice même en cas biens sociaux, de mauvaise gestion ou de délocalisation peut justifiée. NDLR

Alors que la contestation sur la réforme des retraites présentée par le gouvernement avance, les organisations syndicales invitent les salariés ou les agents à recourir à la grève et envisagent différentes formes de mouvement. C’est l’occasion de rappeler que le droit de grève est un droit constitutionnel. L’article 7 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 le proclame par la formule : «Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». En dehors des services publics, le législateur n’est pas beaucoup intervenu, si ce n’est pour interdire à l’employeur de remplacer les salariés grévistes par des salariés temporaires.

Toute action des salariés destinée à perturber le fonctionnement de l’entreprise ne constitue pas pour autant une grève. Ainsi, la grève ne légitime pas les atteintes aux biens et aux personnes. La dégradation de matériel ou de marchandises ou encore les violences physiques ne constituent pas une grève. Elle n’autorise pas non plus les atteintes à la liberté du travail des non-grévistes et même à la liberté d’entreprendre.

Le silence législatif a conduit les juges à définir ce qu’il convenait d’entendre par grève et les conditions dans lesquelles elle pouvait s’exercer. La grève se définit comme une cessation totale et collective du travail en vue d’obtenir la satisfaction de revendications professionnelles. Cependant, force est de constater que dans le cadre de cette définition, les juges ont tendance à retenir des positions de plus en plus favorables aux grévistes. La grève n’a pas besoin d’être majoritaire au sein du personnel, il suffit de deux salariés… Elle n’est pas subordonnée à un préavis (sauf dans certains services publics). Cette bienveillance des juges peut se comprendre. Il s’agit d’un ultime mode de pression. Le droit de grève est exigeant pour le salarié puisqu’il entraîne une privation de rémunération.

Pour autant, et c’est la difficulté, les modalités de la grève autorisées par les juges sont de moins en moins strictes et conduisent parfois à autoriser des mouvements dont les conséquences sont pour les entreprises sans commune mesure avec la concession inhérente en principe à ce droit de grève, l’abandon de sa rémunération.

Grande souplesse. La jurisprudence sur les débrayages répétés est symptomatique d’une grande souplesse des juges du fond et de la chambre sociale de la Cour de cassation qui englobe dans la notion de grève des pratiques diversifiées. En effet, certaines situations sont distinguées alors même que leurs effets ressentis pour les entreprises sont similaires. Plus précisément, la grève perlée, soit le ralentissement des cadences sans arrêt de travail à proprement dit, n’est pas considérée comme une grève. Or, ce mouvement peut pourtant être assimilé dans ses effets aux grèves de très courte durée dont la brièveté n’affecte pas la régularité. Un arrêt de travail d’un quart d’heure minimum toutes les heures pendant dix jours ou encore un arrêt de travail de deux fois cinq minutes par heure ont pu être reconnus comme des grèves licites.

En outre, si la grève tournante est interdite dans le secteur public, elle est permise dans le secteur privé. Les grèves tournantes prennent la forme d’arrêts de travail de durée variable, affectant successivement les différents secteurs de l’entreprise. Ainsi, des mouvements d’arrêt de travail qui se succèdent presque continuellement pendant plus d’un mois notamment dans un atelier occupé par 600 salariés et ayant entraîné une paralysie croissante de la fabrication puis l’arrêt total de l’atelier ont pu être jugés licites. Ces grèves infligent pourtant un sérieux dommage à l’employeur du fait d’un arrêt continu du travail.

« La grève, bien que licite, peut être abusive. Cet abus est caractérisé dès lors que la grève entraîne la désorganisation de l’entreprise. Mais l’abus du droit de grève est quant à lui de plus en plus rarement retenu »

On relève d’ailleurs que les grévistes empruntent de plus en plus ces voies de conflits beaucoup plus ponctuels et ciblés. On observe en effet la multiplication des cas des grèves de très courte durée créant une rupture dans le parallélisme entre les pertes consenties par les uns et par les autres.

La grève, bien que licite, peut être abusive. Cet abus est caractérisé dès lors que la grève entraîne la désorganisation de l’entreprise. Mais l’abus du droit de grève est quant à lui de plus en plus rarement retenu. Les tribunaux sont très restrictifs sur la notion de désorganisation de l’entreprise : il faudrait une véritable mise en péril, manifeste et anormale, de l’existence de l’entreprise. Il n’y a pas abus du droit de grève lorsque la perturbation n’est que la conséquence normale de la limitation de la durée du travail. Une perte importante et anormale de production provoquée par des arrêts de courtes durées ne rend pas pour autant la grève abusive.

Pourtant, cette distinction opérée entre désorganisation de l’entreprise et celle de la production apparaît artificielle, la survie de l’entreprise étant incontestablement liée au maintien de sa production.

Indulgence. Ce régime particulièrement indulgent érigé par la jurisprudence mériterait d’être mieux encadré surtout lorsque, comme cela risque d’être le cas, les premières victimes de l’exercice du droit de grève n’ont aucun moyen d’agir sur ses causes. Théoriquement la grève est un ultime mode de pression sur celui qui décide. Ici, la réforme des retraites n’est pas décidée par les entreprises mais par le gouvernement.
Ainsi, sans vouloir nier le caractère constitutionnel du droit de grève, il semble nécessaire de pallier le silence du législateur et de rétablir un exercice raisonné du droit de grève en recherchant une proportionnalité entre l’ampleur du mouvement, ses causes et ses conséquences.

Joël Grangé est avocat associé du cabinet Flichy Grangé avocats, spécialisé en droit du travail

0 Réponses à “« Des juges plus favorables aux grévistes» !!!”


  • Aucun commentaire

Laisser un Commentaire




L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol