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Santé-Papillomavirus : l’infection sexuellement transmissible massive

Santé-Papillomavirus : l’infection sexuellement transmissible massive

par Nasrine Callet, gynécologue et oncologue à l’Institut Curie. dans le Figaro

• L’infection aux papillomavirus humains (en anglais, human papillomavirus, HPV) est l’une des infections sexuellement transmissibles (IST) les plus fréquentes. On estime qu’environ 70 à 80% des sexuellement actifs – femmes et hommes confondus – rencontrent un papillomavirus au moins une fois dans leur vie. «Dans la majorité des cas, l’infection sera éliminée spontanément par l’organisme et ne provoquera aucune maladie, assure le Dr Callet. Mais dans 10% des cas environ, elle peut provoquer différents types de lésions, bénignes ou précancéreuses. Mal traitées ou non diagnostiquées, elles peuvent donc au fil du temps évoluer en cancer ; de la vulve, du vagin, du col de l’utérus, de l’anus, du pénis, de la bouche et de la gorge.»

• Même lors d’un rapport sexuel protégé, le papillomavirus peut se transmettre. «Et ce pour une bonne et simple raison : les papillomavirus appartiennent à la famille des verrues de la peau. De ce fait, le virus se transmet non seulement durant des rapports sexuels mais aussi par contact intime, de peau à peau, même sans pénétration avec une ou des personnes porteuses du virus», insiste Nasrine Callet. Certaines personnes pensent que l’on contracte le virus par le sperme, mais c’est une idée reçue. Il n’est pas contenu dans les sécrétions et peut donc notamment être transmis par les doigts lors de caresses sexuelles

• Un virus très souvent indétectable à l’œil nu

• Le papillomavirus sévit à bas bruit. «Il détériore les tissus et crée des anomalies, des lésions notamment, mais la plupart du temps, les personnes infectées ne présentent aucun symptôme», prévient le Dr Callet. Résultat : on ne se rend compte de rien, on ne ressent rien, «hormis dans certains cas, où de petites verrues surgissent sur les organes génitaux», mentionne la médecin. Les éventuels symptômes apparaissent tardivement, le plus souvent quand le cancer est déjà présent et qu’il a atteint un stade avancé, comme pour le cancer du col de l’utérus. D’où l’importance de se faire régulièrement dépister.

• Si les hommes comme les femmes peuvent être touchés par le papillomavirus, seules les femmes peuvent être diagnostiquées, via un frottis. «Les hommes, eux, ne peuvent pas savoir s’ils sont infectés, sauf s’ils ont des verrues. Mais cela reste très rare», note Nasrine Callet. Depuis quelques années, les autorités de santé recommandent ainsi fortement à toutes les femmes de se rendre à la visite gynécologique gratuite, accessible dès 25 ans. «À cette occasion, la patiente peut parler de nombreux sujets, de sa sexualité, de sa contraception… Et surtout, elle peut effectuer un frottis, qui consiste à gratter un peu de sécrétions sur le col pour ensuite les analyser.»

• Si le retour du laboratoire ne montre rien, tant mieux, il suffira de refaire un frottis trois ans plus tard. En revanche, si le papillomavirus a été détecté, on regardera de plus près s’il est bénin ou non en pratiquant une biopsie. «Il existe plusieurs papillomavirus, certains sont inoffensifs et d’autres malins, signale la gynécologue. S’il est malin, il faudra faire un examen du col de l’utérus avec une loupe (une colposcopie) pour voir si le col est abîmé.» En cas de lésion pré-cancéreuse, il s’agira de la traiter par laser ou chirurgie. En cas de lésion cancéreuse, le traitement dépendra du type de cancer et de son stade d’avancement. Une chimiothérapie peut être envisagée.

• Il est à l’origine de 98% des cancers du col de l’utérus

• Extrêmement fréquentes, les infections au papillomavirus sont la plupart du temps bénignes, mais elles peuvent persister et aboutir à un cancer. Chaque année, elles sont ainsi responsables de 2.900 cancers du col de l’utérus. Ce dernier, qui est le 12e cancer féminin en France et provoque plus de 1.000 décès par an, est même quasi exclusivement dû aux papillomavirus. «Or, le cancer du col est un des rares cancers que l’on peut éviter, grâce au dépistage et à la vaccination.»
• Les professionnels de santé sont unanimes : la vaccination contre le papillomavirus est un moyen extrêmement efficace pour prévenir un certain nombre de cancers. Elle est préconisée aux filles entre 11 et 14 ans depuis 2007 et aux garçons du même âge depuis le 1er janvier 2021. Le schéma vaccinal contient deux doses espacées de 6 mois, ou trois dans le cadre d’un rattrapage entre 15 et 19 ans révolus. Les personnes homosexuelles de moins de 27 ans bénéficient, quant à elles, d’un délai rallongé pour se faire vacciner. «Lorsqu’elle est effectuée avant le début de la vie sexuelle, l’efficacité de la protection contre les virus est proche de 100%», affirme Nasrine Callet. Si l’on peut se faire vacciner après le début de sa vie sexuelle, le risque augmente de fait avec les rapports, mieux vaut donc se faire vacciner avant.

• À partir du mois de septembre 2023, «la prescription et la vaccination contre le HPV (papillomavirus) pourront être réalisées par les pharmaciens, sages-femmes et infirmiers», a précisé mardi 28 février Emmanuel Macron, lors d’une rencontre avec des élèves dans un collège de Jarnac (Charente), aux côtés des ministres de la Santé et de l’Éducation, François Braun et Pap Ndiaye.

• Grâce à la vaccination, certains pays sont même en passe de vaincre ces cancers. C’est le cas de l’Australie où le taux de personnes infectées par les HPV à l’origine des cancers du col de l’utérus est passé de 22,7% en 2005-2007 à 1,5% en 2015 chez les jeunes femmes de 18-24 ans, relève l’AFP. Là-bas, les autorités de santé envisagent même une éradication du cancer du col de l’utérus d’ici 15 ans.

• Quid de la France ? À la fin de l’année 2021, 45,8% des jeunes filles âgées de 15 ans avaient reçu une dose, et 37,4% des jeunes filles de 16 ans un schéma complet à deux doses, selon les chiffres de Santé Publique France. Chez les garçons, seulement 6% avaient reçu une dose à 15 ans. «Malgré tous les efforts, une défiance vis-à-vis du vaccin demeure», regrette l’oncologue. L’une des raisons est le coût du vaccin, compris entre 95 et 116 euros. S’il est actuellement remboursé à 65% par l’Assurance maladie (le reste est pris en charge par une mutuelle complémentaire), l’avance des frais ou l’absence de mutuelle peuvent freiner. Autre raison de la méfiance ? Le tabou qui plane encore sur la sexualité des (pré)adolescents, selon la gynécologue : «Il y a un amalgame entre l’injection de ce vaccin et l’âge des premiers rapports».

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