Libéralisation de l’électricité : Bilan catastrophique

Libéralisation de l’électricité : Bilan catastrophique

Par Charles Cuvelliez & Patrick Claessens, Ecole Polytechnique de Bruxelles, Université de Bruxelles.

C’est l’ACER, qui regroupe les régulateurs européens, qui en prend (un peu trop) pour son grade, tout au long du texte du rapport (*) de la Cour des comptes européenne : si l’ACER avait fait son travail correctement, s’il y avait eu plus de discipline dans la libéralisation du secteur, nous n’en serions pas là. La libéralisation visait à intégrer les marchés nationaux de l’électricité grâce à l’interconnexion des bourses nationales de l’électricité et à suffisamment de capacité d’interconnexion entre les États membres pour la transformer en réalité physique.

Il y a bien eu couplage volontaire de 19 bourses d’électricité mais, pourquoi s’est-il limité à la fourniture d’électricité pour les besoins à J+1. Les autres composantes comme les marchés à terme et celui de l’équilibrage sont restées nationales. Ne comptait que l’utilisation efficace des capacités d’interconnexion quand on a imaginé la libéralisation du secteur. Cela ne suffisait pas, comme nous le rappelle l’absence de convergence des prix au niveau transfrontalier. Pourtant, le législateur de l’Union européenne (UE) a demandé que 70 % de la capacité d’interconnexion entre États membres soit disponible pour les échanges entre pays. En vain. La cour a son explication, qui surprendra : la faute au développement des énergies renouvelables intermittentes qui augmentent la congestion pour les échanges transfrontaliers. Il eût fallu une meilleure planification des capacités d’interconnexion en fonction de l’évolution attendue du mix électrique (intermittent) différent entre Etats membres. La Commission a aussi trop délégué les détails techniques de l’harmonisation des règles en matière d’échanges transfrontaliers aux régulateurs nationaux…….

Il y a eu trop peu d’analyse d’impact par la Commission : les coûts de la libéralisation (sa mise en œuvre) n’ont pas été évalués. Il y avait bien quelques indicateurs de suivi mais sans les définir clairement et sans valeur cible. Cette absence était patente pour les méthodes de fixation des prix de l’énergie négociée sur les bourses de l’électricité surtout dans les situations de crise. C’est la raison des profits excessifs.

La gouvernance de la libéralisation en prend pour son grade. On a l’impression que qu’elles eurent été les règles de fonctionnement du marché, on en serait arrivé là. Il y a aussi le rapport de force entre le côté centralisateur de la Commission et décentralisateur des Etats membres parce qu’ils restent compétents pour le choix du mix énergétique et de leur sécurité d’approvisionnement. Ne faut-il pas aussi accepter que le choix d’un mix électrique essentiellement renouvelable intermittent complexifie le modèle car il nécessite de viabiliser économiquement les colossales capacités de stockage (et des productions en back ups). Il faut se donner les moyens d’harmoniser plus de 20 marchés nationaux reposant sur autant de mix électriques différents tout en garantissant la sécurité d’approvisionnement de tous. Ce n’est pas gagné !
_______
(*) Pour en savoir plus : Cour des Comptes européenne, Rapport spécial sur l’intégration du marché intérieur de l’électricité. Janvier 2023.

0 Réponses à “Libéralisation de l’électricité : Bilan catastrophique”


  • Aucun commentaire

Laisser un Commentaire




L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol