Retraites :Un hymne à la capitalisation !
Par Yann Coatanlem , du Club Praxis, co-auteur du «Capitalisme contre les inégalités» lance un véritable hymne à la capitalisation comme remède pour les retraites. dans la Tribune.
La petite musique de la capitalisation monte encouragée par l’appétit des 350 milliards que représente le budget des retraites. Avec un calcul de coin de table qui fait abstraction de l’ampleur de la volatilité des marchés voire d’un éventuel krach des actions structurellement surcotées NDLR
«Pour la génération de 1960, la pension d’une personne ayant passé toute sa carrière au niveau du smic aurait pu s’établir à plus de 2 000 euros au lieu de dépasser à peine les 1 000 euros aujourd’hui» affirme l’auteur après des calculs de coin de table et notamment la perspective d’une retraite non garantie. Une petite musique sur la capitalisation totale ou partielle pour les retraites qui manquent progressivement pousser par l’appétit que représente le bateau des 300 milliards de la retraite.
Comment fortement relever la retraite des salariés au smic sans effort supplémentaire, c’est-à-dire sans changer le niveau des cotisations, ni l’âge de départ à la retraite ou le niveau des pensions ? Réclame d’arracheur de dents ? Non, c’est en fait un objectif parfaitement sérieux et atteignable. Pour la génération de 1960, la pension d’une personne ayant passé toute sa carrière au niveau du smic aurait pu s’établir à plus de 2 000 euros au lieu de dépasser à peine les 1 000 euros aujourd’hui. Il aurait suffi d’introduire une petite dose de capitalisation, de l’ordre de 15 % des cotisations. Même en cas de scénarios extrêmes, l’impact d’une telle mesure a de fortes chances d’être positif.
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Commençons par rappeler quelques éléments de base, issus des analyses du Conseil d’orientation des retraites. Un individu né en 1960 qui commence sa carrière à 18 ans peut prendre sa retraite à 60 ans avec une espérance de vie de 27 ans et en optimisant le rendement de ses cotisations : si son salaire n’a jamais dépassé le smic, le « taux de rendement interne » peut même se situer dans une fourchette de 2 % à 2,5 %, bien au-dessus de celui des cadres. Cela s’explique en partie par des espérances de vie différentes et c’est un des moyens pour le système de répartition de tenir compte de la pénibilité.
Il n’en reste pas moins que le taux de remplacement net pour notre retraité smicard n’est que de 80 %, ce qui limite sa pension à 1080 euros environ, c’est-à-dire pas loin en fait du seuil de pauvreté en France. Dans le même temps, les profits du CAC 40 pendant toute sa vie professionnelle ont pu nourrir de grands fonds de pension américains, mais n’ont certainement en rien contribué à sa qualité de vie. A l’heure du débat sur le « dividende salarié », il est peut-être temps de réaliser que le capital le plus important de l’immense majorité des employés est de loin leur plan de retraite. Il est virtuel dans la mesure où il n’est pas garanti, il n’en est pas moins un actif au moins implicite. Et donc c’est au niveau des retraites que l’on pourrait déployer des mécanismes de participation avec le plus d’efficacité possible.
Simulations. Comment cela peut-il fonctionner en pratique ? Dans notre exemple, le salarié de la génération 1960, employé dans le secteur privé, au lieu de simplement cotiser à 100 % à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), partagerait ses contributions (et celles de son employeur) entre le système actuel de répartition et un pilier de capitalisation, comme en Suède par exemple. Ce n’est pas anodin car si le taux de rendement interne annuel en France ne dépasse pas 2,5 % après inflation, le rendement d’un indice boursier comme le CAC 40 est nettement supérieur : nous prenons dans nos simulations une première hypothèse d’un taux de 7,75 %, correspondant à la performance de l’indice français entre 1988 et 2023 (corrigée de l’inflation).
Dans notre exemple, le montant de cotisation dans le pilier de répartition est cinq fois plus élevé que celui versé au pilier de capitalisation et pourtant, in fine, la part de la pension provenant de la capitalisation est nettement plus élevée (+38 %) que celle issue de la répartition. Au total, le retraité dispose d’une pension très confortable de 2 166 euros, soit le double de sa pension actuelle.
«On peut ainsi imaginer à quel point le financement des entreprises pourrait bénéficier de l’émergence de grands fonds de pension paneuropéens»
Tenons maintenant compte du risque de mauvaise performance des marchés. Pour cela nous considérons d’abord le scénario catastrophique où l’indice boursier perd 60 % au moment même du départ à la retraite : même dans ce cas, la pension de retraite serait toujours en hausse de 30 % par rapport à aujourd’hui. Et au cas où le taux de rendement du marché ne se situerait qu’à deux 2 % au-dessus du taux de rendement de répartition, le gain de pension serait toujours de 17 %.
Cet exercice n’est qu’une illustration, de plus sur un cas particulier, mais il montre le potentiel d’une mesure qui ne doit pas être réservée aux plus riches. Si les assureurs et les réassureurs gèrent leurs risques par une exposition de long terme aux marchés, on voit difficilement comme cette approche ne pourrait pas s’appliquer aussi à l’assurance sociale.
Avantages. Notons d’ailleurs que des solutions ont été élaborées par certains pays pour mieux contrôler la volatilité des marchés. Les Pays-Bas ont ainsi mis en place le système « Collective Defined Contribution », proche des plans existants au Danemark et au Canada. Cette approche a l’avantage de mutualiser les risques (et donc de lisser la performance) à la fois d’un point de vue intergénérationnel et entre membres d’une même génération : le retraité est protégé contre le risque de survivre aux sommes investies dans sa retraite, et dans le même temps contre le risque de mauvaise performance du marché.
Une telle réforme offre aussi de multiples avantages bien au-delà de la seule problématique des retraites. A l’échelle européenne autant que nationale, on peut ainsi imaginer à quel point le financement des entreprises pourrait bénéficier de l’émergence de grands fonds de pension paneuropéens. Ce serait d’autant mieux venu que l’Europe accuse aujourd’hui un fort déficit d’investissement dans la recherche et le développement par rapport à ses concurrents américain et chinois. A terme, on pourrait ainsi remettre sur la bonne voie le chantier de l’Union des marchés de capitaux, et, on peut rêver, rendre plus positive la perception de l’Union européenne par ses concitoyens.
A l’heure où beaucoup d’économistes proposent la capitalisation de manière un peu péremptoire, notre approche a le mérite de s’intéresser de manière concrète aux retraites des plus modestes. On ne peut qu’encourager les pouvoirs publics et les universitaires à se saisir d’une des rares marges de manœuvre face à un problème sociétal sur lequel on butte depuis plus de vingt ans avec des outils dépassés. Il faut aujourd’hui un chiffrage détaillé (surtout pertinent NDLR)et un vrai débat démocratique.
Yann Coatanlem est président du Club Praxis, co-auteur du «Capitalisme contre les inégalités» (PUF).
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