Energies renouvelables : des risques financiers
La volatilité des marchés ou encore la hausse des coûts de développement a engendré une hausse de la prime de risque ces dernières années. Par Frédéric Blanc-Brude, EDHEC Business School; Laurence Monnier, EDHEC Business School et Leonard Lum, EDHEC Business School
Face à l’impérieuse nécessité de lutter contre le changement climatique et de mettre un terme à l’exploitation des énergies fossiles, les énergies renouvelables paraissent promises à un bel avenir. En croissance régulière depuis plusieurs années, elles ont représenté 19,1 % de la consommation finale brute d’énergie en France en 2020. Outre-Manche, 43 % de l’énergie consommée au Royaume-Uni provient désormais de sources renouvelables comme l’éolien, le solaire, ou encore l’hydroélectrique.
Dans ce contexte, l’investissement dans les valeurs du secteur des énergies renouvelables apparaît comme particulièrement attrayant. Une nette accélération des investissements dans les énergies renouvelables reste en effet essentielle pour soutenir la croissance économique, tout en assurant la transition vers un monde plus vert.
Selon l’Agence internationale de l’énergie, plus de 2 000 milliards de dollars d’investissements annuels dans l’électricité propre seront d’ailleurs nécessaires d’ici 2030 pour espérer atteindre la neutralité carbone.
La guerre en Ukraine a en outre mis en évidence les risques posés par la dépendance des États aux importations d’hydrocarbures. Dans ces conditions, les projets de développement des énergies renouvelables s’imposent comme un impératif aussi bien environnemental que politique.
Pour autant, nous soulignons dans une étude EDHECinfra que ce type d’investissement comporte un certain nombre de risques qui lui sont inhérents. Nos travaux ont porté sur le suivi de 20 ans de transition énergétique au Royaume-Uni, un exemple d’économie qui a réussi à s’éloigner du tout-charbon et à effectuer une transition rapide vers les énergies renouvelables, tout en s’appuyant sur des installations hydroélectriques et nucléaires limitées.
Comme dans la plupart des économies développées, la part croissante des énergies renouvelables intermittentes dans le mix énergétique a créé de nouveaux défis :
• une augmentation des coûts de développement ;
• une plus grande volatilité de production ;
• une volatilité accrue des prix du marché.
Ainsi, alors que les énergies renouvelables enregistrent des bénéfices records (une récente note de recherche de l’EDHECinfra a montré que le rendement des actifs liés aux énergies renouvelables européennes a atteint 16 % en 2020, contre 10 % en 2015), les risques que rencontrent les investisseurs augmentent également.
Et si l’intérêt de ces derniers reste fort, la prime de risque exigée par le marché dans les projets éoliens et solaires non cotés a recommencé à augmenter depuis le début de 2022, après avoir diminué pendant une décennie. Cette prime atteint maintenant 700 points de base pour les projets éoliens dans les économies les plus développées, d’après notre indicateur infraMetrics, fournisseur de données, contre un peu plus de 500 à la fin 2020.
La transition rapide vers une production d’énergies renouvelables intermittentes a donc des conséquences non négligeables sur les investisseurs.
Ces conséquences sont de plusieurs ordres : l’instabilité du système énergétique, tout d’abord, mais aussi l’augmentation de la valeur de la production de gaz qui reste l’une des principales sources d’énergie, une volatilité accrue des prix, et bien sûr un impact négatif sur les rendements attendus par les investisseurs.
Pour rééquilibrer les risques, la mise en place de mécanismes de stabilisation des prix pourrait avoir des conséquences positives, aussi bien pour les investisseurs que pour les consommateurs.
Pour ce qui est des investisseurs, il s’agit là d’une opportunité pour mieux penser et gérer les risques auxquels ils sont exposés. Une partie de ces risques peut être gérée par l’investissement vers les technologies qui semblent aujourd’hui les plus nécessaires, comme celles qui permettent d’augmenter des capacités de stockage. À ce jour, la majorité des nouveaux investissements sont en effet orientés vers la production d’énergie intermittente (comme l’éolien et le photovoltaïque). Or, les capacités de stockage peinent à se développer au même rythme, ce qui fragilise la chaîne d’approvisionnement.
Mais d’autres outils que la stratégie d’investissement sont également mobilisables. À cet égard, on peut citer la diversification. Par exemple : associer des investissements dans plusieurs types d’énergies renouvelables, comme les énergies éoliennes et solaires, ou dans plusieurs pays européens.
Les investisseurs peuvent aussi opter pour un recours à des stratégies de couverture comme le hedging (contrats d’assurance ou de garantie contre le risque). Les Power Purchase Agreement (PPAs) et les Contracts for difference (CfDs), des instruments financiers pensés pour limiter les risques de pertes, peuvent également être mobilisés.
Si les investisseurs disposent de levier pour maîtriser les risques auxquels ils s’exposent, une intervention publique forte reste nécessaire pour accélérer le développement des énergies renouvelables. Il s’agit d’abord de protéger les consommateurs de l’envolée des prix (+65,5 % pour l’électricité au Royaume-Uni sur la période de novembre 2021 à novembre 2022, +15 % en France à partir de janvier 2023 grâce au bouclier tarifaire).
Ainsi, la préservation des mécanismes de stabilisation des prix existants comme le bouclier tarifaire en France, les « contrats de différence », ou encore la fin du couplage des prix entre le gaz et l’électricité apparaît comme essentielle.
Ce type de mesure permettrait en effet de pallier les déficiences d’un marché qui se base de plus en plus sur la production d’énergies renouvelables, mais où le gaz reste, paradoxalement, la mesure de toute chose.
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Par Frédéric Blanc-Brude, Directeur de l’EDHEC Infrastructure Institute, EDHEC Business School ; Laurence Monnier, Research Associate and member of the EDHECinfra Advisory Board, EDHEC Business School et Leonard Lum, Data analyst, EDHECinfra, EDHEC Business School
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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