Politique et Europe : l’illusion du couple Franco allemand
Pour Guy Maugis , président de la Chambre franco-allemande de commerce et d’industrie, les récents accrocs ne doivent pas faire oublier l’essentiel: la solidité du lien entre les deux plus importantes puissances industrielles et technologiques de l’Union n’est pas une option
Il paraît assez logique que le président de la chambre franco-allemande de commerce défende les relations entre nos deux pays. Il n’est d’ailleurs pas question de divorce d’autant plus que ce concept de couple franco allemand n’existe qu’en France. En Allemagne, la France est un simple partenaire. Et souvent même un concurrent redoutable qui fait tout pour affaiblir l’industrie française ( voir les innombrables obstacles à la mise en œuvre de projets industriels communs) et qui a contribué à tuer la politiques énergétique françaises en s’appuyant sur l’abondant gaz russe à bon marché. Renforcer la coopération et sans doute nécessaire mais de manière lucide en faisant comme l’Allemagne qui en priorité protège ses propres intérêts NDLR
Schadenfreude : « Joie maligne provoquée par le malheur d’autrui ». Il semblerait que ce sentiment pour lequel le français n’a pas de mot tout en le pratiquant avec délices, ait envahi la presse française ces dernières semaines.
Beaucoup de commentateurs mettent en exergue la « crise » qui affecterait la relation politique entre la France et l’Allemagne. De fait, des motifs d’incompréhension, voire de discorde, sont apparus : plan de soutien des entreprises allemandes de 200 milliards d’euros, décisions de Berlin en matière d’armement, visite d’Olaf Scholz en Chine, approches divergentes en matière de stratégie européenne dans le contexte des embargos sur le gaz et le pétrole russe, transition « verte ». Certains y ont vu une résurgence de « l’égoïsme » allemand, symbolisé par des décisions solitaires dont la conséquence serait un effritement de la solidité du couple franco-allemand. Il remettrait même en cause la solidarité, voire la souveraineté européenne dans une période de crises multiples.
Alors que nous approchons du soixantième anniversaire du Traité de l’Elysée, signé en janvier 1963 par le Général de Gaulle et le Chancelier Konrad Adenauer et qui scellait officiellement la réconciliation entre la France et l’Allemagne, il convient de garder la tête froide et de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain.
Divergences. Les divergences de point de vue entre Paris et Berlin sur la défense ou l’énergie existent depuis longtemps. La nouvelle donne géopolitique crée par la guerre en Ukraine et ses conséquences oblige à les traiter « à chaud ». Avec dans chaque pays des situations politiques intérieures singulières. A Berlin, une coalition tripartite inédite donne lieu à d’intenses négociations internes sur des sujets particulièrement stratégiques : la remise en cause douloureuse de la relation avec la Russie, la gestion des conséquences des choix énergétiques passés, le « réarmement » de l’Allemagne. A Paris, l’exécutif doit faire avec une absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale, sans coalition, ce qui n’aide pas à la définition d’axes stratégiques qui feraient consensus.
Ce capital de confiance, accumulé depuis des décennies entre entreprises françaises et allemandes, ne doit pas faire les frais de l’agitation politique de certains. Au contraire, ce sont elles qui détiennent les clés car ce sont elles qui font
Cela ne doit pas faire oublier l’essentiel : la solidité du lien entre la France et l’Allemagne – les deux plus importantes puissances industrielles et technologiques de l’Union – n’est pas une option dans un contexte où l’Europe doit répondre à « l’Inflation Reduction Act » (IRA) américain et la montée en puissance de la Chine. Cela implique que les gouvernements français et allemand soient en mesure de défendre des positions communes à Bruxelles concernant à la fois le dimensionnement des investissements publics, mais aussi la coordination des aides nationales aux activités industrielles et énergétiques.
Coopération. L’Europe y joue une partie de son avenir industriel et les entreprises le savent mieux que quiconque. Elles sont engagées dans de nombreux projets de coopération, s’agissant notamment des énergies propres et de la mobilité.L’attractivité de la France pour les entreprises allemandes n’est d’ailleurs pas remise en cause, si l’on en croit les résultats de la dernière étude menée par EY et la Chambre franco-allemande de commerce et d’industrie et dans laquelle plus de neuf entreprises allemandes sur dix se déclarent satisfaites de leurs activités en France. Par ailleurs, l’Allemagne reste, comme on le sait, le deuxième investisseur étranger en France derrière les Etats-Unis.
Ce capital de confiance, accumulé depuis des décennies entre entreprises françaises et allemandes, ne doit pas faire les frais de l’agitation politique de certains. Au contraire, ce sont elles qui détiennent les clés car ce sont elles qui font. Je forme donc le vœu que des convictions et des décisions communes se dégagent des multiples rencontres politiques qui se sont déroulées ces dernières semaines entre les dirigeants des deux pays, afin que l’esprit du Traité de l’Élysée continue de nous inspirer. Le récent accord sur le SCAF en est bien un signe d’espoir.
Guy Maugis est président de la Chambre franco-allemande de commerce et d’industrie.
0 Réponses à “Politique et Europe : l’illusion du couple Franco allemand”