Afrique: Faire face au terrorisme…. et à la Russie
En sus de la guerre en Ukraine, d’autres menaces persistent et continuent de peser sur le territoire français ou celui de nos alliés. Dans ce contexte et malgré des difficultés avec certains pays africains, la France reste engagée de plain-pied contre le terrorisme, notamment au Sahel où elle fait là aussi face à l’expansionnisme russe. Par Gabriel Robin, Directeur de l’agence Monceau / Consultant en intelligence économique. ( la Tribune)
Frappé sur son sol à plusieurs reprises, depuis une dizaine d’années, lors d’attentats dramatiques, la France a douloureusement pris la mesure de la menace terroriste islamiste. Les gouvernements successifs ont ainsi mis en place un arsenal législatif et judiciaire afin d’anticiper et d’agir efficacement contre de potentielles attaques.
En 2017, le gouvernement d’Edouard Philippe faisait ainsi voter la loi sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme qui a institué des mesures prophylactiques de prévention contre ce phénomène, qui étaient autrefois contenues dans l’état d’urgence [1]. Les conflits internationaux comme l’Afghanistan, la Syrie ou la Libye furent des théâtres offrant aux djihadistes une formation guerrière qu’ils ont pu par la suite exporter dans leur pays d’origine. La France est alors intervenue à l’étranger avec l’aide de ses partenaires pour réduire la menace du djihadisme international. Cette lutte, par nature globale, ne peut être menée par la seule France qui compter sur des partenaires crédibles dans le monde occidental comme en Orient et en Afrique.
La France et ses partenaires opérationnels
Depuis le lancement de l’opération Serval au Mali en 2013 jusqu’à l’opération Barkhane dans le reste de Sahel, la France a pu s’appuyer sur ses alliés dans son soutien aux pays du G5 Sahel. Principal but de l’opération : coordonner régionalement la réponse à la menace terroriste. Le rôle de la France consistant à contenir la menace le temps que les armées des pays du G5 (Mauritanie, Mali, Burkina-Faso, Niger, Tchad) deviennent pleinement opérationnelles. Depuis, la progression a été inégale et le Mali a quitté l’organisation, mais cette dernière garde sa pertinence.
Paris sait jouer d’anciennes fidélités pour nouer des relations privilégiées avec des partenaires internationaux de longue date dans la région. Ainsi, le soutien des États-Unis s’est avéré décisif dans le domaine du renseignement opérationnel : les drones de Washington fournissant près de 50% du renseignement des forces françaises. Un appui ayant permis par exemple l’élimination d’Abdelmalek Droukdel émir d’AQMI[2].
Sur un autre plan, plus modeste, mais décisif, les Émirats Arabes Unis ont fourni un appui volontaire à la France. Dès 2017, les EAU ont contribué avec une enveloppe d’un montant de 30 millions d’euros à la force conjointe du G5 Sahel. En 2019, ils ont poussé leur engagement jusqu’à solliciter auprès du Niger l’installation d’une base militaire[3]. Ils s’investissent aussi dans le domaine institutionnel en soutenant la création du Collège de Défense du G5 Sahel. Alignée sur la stratégie française, la fédération émiratie apporte son soutien financier aux projets de développement locaux (Mauritanie, Burkina-Faso, Mali, etc) et à la lutte contre l’Islamisme politique.
Du côté européen, Paris reçoit l’aide de ses partenaires de l’Union via les missions de formations militaires comme EUTM Mali (Allemagne, Espagne) ou bien policière via EUCAP Niger. On note aussi un investissement ponctuel, sur le terrain, d’hélicoptères britanniques et danois. À noter également la présence d’un contingent d’une cinquantaine de soldats estoniens dans le cadre de l’opération Barkhane dès 2019, puis d’une centaine de forces spéciales dans le cadre de la Task Force Takuba, aux côtés d’autres pays européens. Ce qui fait de l’engagement estonien, proportionnellement, l’un des plus significatifs de tous les partenaires européens de la France, témoignant d’une approche proactive nouvelle à destination des pays de l’est voisins de la Russie qui ont un besoin impérieux de protection [4].
Malgré le changement de cap du Mali qui se tourne désormais vers la Russie, la France reste présente dans la région grâce au Niger qui lui fait désormais office de porte-avion [5].
Il est d’ailleurs intéressant de constater que les attaques informationnelles russes contre l’action française en Afrique n’ont pas les effets escomptés. L’expertise et l’efficacité militaires de la France sont toujours appréciées par ses alliés, qui savent pouvoir compter sur sa détermination sans faille dans la lutte contre le terrorisme et la protection d’un espace commun de prospérité.
La coopération dans le contre-terrorisme ne se limite pas au Sahel, malgré le caractère stratégique de la région. En 2014, la France rejoignait la coalition internationale menée par les États-Unis afin de lancer des frappes aériennes coordonnées contre des cibles terroristes en Irak et en Syrie. Paris a pu y jouer un rôle cadre via son opération Chammal par le déploiement d’artillerie lourde, d’avions de chasses et périodiquement du porte-avion Charles de Gaulle. Le succès des frappes françaises doit beaucoup au fructueux partenariat de défense signé en 2009 avec les Emirats Arabes Unis. L’accord prévoit l’établissement d’une base militaire française (toujours en place) et d’une coopération en matière de forces spéciales et de renseignement.
Autant d’aspects qui ont joué un rôle certain lors des opérations. Le volet renseignement s’est d’ailleurs renforcé en 2016, via l’installation, à Abu Dhabi, du Commandement maritime des navires français déployés dans l’océan Indien.
En ce mois de novembre, Europol a aussi annoncé le démantèlement d’un super-cartel de narco-trafiquants européens. Parmi les 49 suspects appréhendés, six cibles prioritaires l’ont été à Dubaï en collaboration avec les autorités émiraties, dont deux ressortissants français. La mocro-mafia néerlandaise dirigée par Ridouan Taghi, le milieu bosnien, le clan Kinahan irlandais, les familles espagnoles de Galice ou encore la mafia de Raffaelle Imperiale étaient impliquées dans ce trafic qui contrôlaient un tiers du marché de la cocaïne en Europe. Les bonnes relations entre les Emirats Arabes Unis et la France ne sont pas étrangères au succès de cette opération policière internationale.
L’Égypte s’est aussi engagée aux côtés de la France contre la menace terroriste pesant sur son territoire. Le chaos libyen a rapidement fait peser sur Le Caire des risques d’incursions djihadistes. La multiplication des attaques sur des postes frontières a contraint le régime de Sissi à prendre position sur le conflit [6]. Des interventions directes sur le sol Lybien ont de mêmes étés officiellement envisagés [7]. Globalement, l’Égypte s’est alignée sur les positions françaises en Lybie, notamment face aux visées de la Turquie. La résolution de la situation dans le pays entraînant des conséquences directes sur le Sahel. L’Égypte est aujourd’hui un allié majeur de la France en méditerranée orientale, non seulement contre les djihadistes, mais aussi contre les manoeuvres néo-impérialistes d’Ankara. En vertu de cette coopération, la Direction du Renseignement Militaire (DRM) a lancé l’opération Sirli en 2016 qui a pour but de surveiller le désert occidental pour y détecter d’éventuelles menaces terroristes venues de Libye et de transmettre les renseignements recueillis aux militaires égyptiens [8]. Dix-neuf frappes ont ainsi été décidées contre des éléments pénétrant le territoire égyptien.
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[1] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000035932811
[2] https://www.rfi.fr/fr/afrique/20200612-mort-droukdel-aqmi-implication-etats-unis-usa?ref=tw_i
[3] https://mondafrique.com/le-president-issoufou-accueille-une-base-militaire-emiratie-au-niger/
https://www.africaintelligence.fr/afrique-ouest/2019/08/28/le-projet-de-base-emiratie-en-suspens,108369797-bre
[4] https://www.aa.com.tr/fr/afrique/lestonie-décide-de-retirer-ses-forces-déployées-au-mali/2503117
[5] https://www.decryption.fr/le-niger-nouveau-porte-avion-de-la-france-en-afrique/
[6] https://www.bbc.com/afrique/region-53824591
[7] https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/07/21/le-parlement-egyptien-approuve-une-possible-intervention-en-libye_6046815_3212.html
[8] https://egypt-papers.disclose.ngo/fr/chapter/operation-sirli
[9] https://www.revueconflits.com/ces-emirats-unis-a-la-france/
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