Défense: En cas de guerre de haute intensité, la France ne tiendrait pas longtemps (Pierre de Villiers)
On se souvient que l’ancien chef des armées a été brutalement et publiquement écarté par Macron pour avoir critiqué l’insuffisance très grave des moyens de la défense du pays. Certes, tout ne peut pas être imputé à la majorité actuelle car la baisse dramatique des moyens a commencé bien avant, il y a au moins 15 ans.L’ancien chef d’état-major des armées, qui vient de publier un nouvel essai, analyse dans le Figaro la situation géopolitique de la France et de l’Europe sur fond de fortes tensions internationales.
– Vous avez été chef d’état-major des armées. L’armée française de 2022 pourrait-elle faire face à une guerre aussi intense que celle qu’affronte l’Ukraine?
Pierre DE VILLIERS. – La guerre en Ukraine pose cette question de manière quotidienne ces derniers temps, et elle implique de se projeter dans l’avenir. En l’occurrence, si la France se trouvait dans la situation de l’Ukraine, quelle réponse apporterait-elle à une menace ou à une invasion, en fonction des capacités qui sont les siennes? Nous sommes la deuxième armée opérationnelle au monde, et la première en Europe. Et malgré nos qualités, nous serions incapables de tenir sur la durée, et de faire face à la dureté de la guerre telle que nous la voyons en Ukraine. Nous avons perdu cette capacité à cause de choix passés, en l’occurrence la diminution de nos effectifs, en témoigne la baisse de 20 % de 2007 à 2015. Nous avons commencé à remonter le budget de la Défense en 2017 .
A la lumière du conflit qui se déroule en Ukraine, Macron a posé la question de la stratégie militaire française. Jusque-là en effet, experts et professionnels de l’armée considéraient que la défense du pays reposait surtout sur le nucléaire et que les équipements et la défense traditionnelle devaient être en quelque sorte marginalisés.
Une erreur fondamentale car il n’est pas du tout certain que la guerre conventionnelle constitue une hypothèse du passé. Certes l’armée se professionnalise, elle utilise de plus en plus des équipements sophistiqués fait appel à de nouvelles technologies. Mais elle ne saurait se passer notamment d’une forte armée de terre.Pour preuve, l’armée ne parvient même plus à assurer ses objectifs faute de moyens dans les différentes opérations extérieures comme au Sahel par exemple.
Ce qui se passe en Ukraine le démontre par l’absurde puisque par exemple la Russie qui dispose de l’arme nucléaire démontre chaque jour sa grande insuffisance sur le plan de l’infanterie. Elle tente de compenser cette infériorité qualitative et quantitative par une artillerie qui arrose n’importe comment et n’importe où.
En réalité, le budget de la défense n’a cessé de se réduire en France surtout les moyens conventionnels. On a aussi supprimé le service militaire, une surpression qu’on doit aux mêmes experts et aux militaires eux-mêmes qui ont vu là l’occasion d’améliorer leur rémunération. Une suppression qui découle aussi d’une grande lâcheté politique.
L’Ukraine, petit pays, pour faire face aux conflits avec la Russie a réussi à mobiliser 200 000 hommes, à peu près l’effectif de l’armée française.Il y a 15 ans elle en comptait plus du double et il en faudrait sans doute 500 000. Autant dire que la défense française est complètement sous dimensionnée. Alain Bauer le spécialiste emploie le terme diplomatique d’armée échantillonnaire. Une armée qui par ailleurs manque de tout d’équipement, de pièces de rechange et d’effectifs. Par exemple, la moitié des hélicoptères sont en panne et on prend leurs pièces pour réparer ceux qui fonctionnent.
On a pu le vérifier dans la cruelle débâcle de la force Barkhane au Mali. Comment la France pourrait-elle faire face à une éventuelle attaque d’un pays comme la Russie si elle n’est même pas capable de s’imposer face aux rebelles du Sahel.
Tout est à revoir dans la stratégie de défense : l’objectif, les modalités, les équipements , les effectifs et bien sûr les financements.
Il faudra remettre sur le tapis la question du service militaire obligatoire. Comme on l’a vu en Ukraine, c’est parce que des effectifs mobilisables étaient particulièrement bien formés que les forces de Kiev ont fait reculer les Russes. À l’inverse, les Russes ont mobilisé des jeunes sans formation dans beaucoup ont été massacrés. Or en cas de conflit majeur on procède à une mobilisation générale, ce qui suppose une formation préalable. Ce que n’est pas évidemment cet ersatz de service national universel qui ne ressemble à rien.
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