Politique et Climat : des objectifs bidon !
En substance, c’est ce que dit Frans Timmermans (Commission européenne) quand il indique «Des objectifs climat sans plans concrets ne sont que des tigres de papier»
Le vice-président exécutif de la Commission de Bruxelles en charge du Pacte vert répond aux critiques dont fait l’objet la gestion européenne de la crise énergétique et met la pression sur les plus grands émetteurs de CO2, dans un entretien exclusif accordé à l’Opinion à l‘aube de la COP 27 de Charm el-Cheikh
Quels résultats attendez-vous de la COP 27 ?
L’année dernière, à Glasgow, tout le monde s’est engagé à viser l’objectif de 1,5° C de réchauffement. Tous les pays doivent donc démontrer comment ils réaliseront les réductions d’émissions requises. Des objectifs sans plans concrets ne sont que des tigres de papier. Parallèlement, il faut progresser dans le financement et l’adaptation, ainsi que sur la manière dont nous traitons les « pertes et dommages » causés par la crise climatique. Chaque pays devrait recevoir le soutien nécessaire pour répondre aux impacts déjà existants. La réduction des émissions est toutefois indispensable : aucun financement ne suffira à couvrir les conséquences si nous consentons à un réchauffement planétaire de 3° C ou 4° C. Regardez ce qui se passe déjà avec une augmentation de température de « seulement » 1,2° C.
L’Union européenne peine à trouver une réponse commune et forte à la crise énergétique, principalement en raison du poids des intérêts nationaux. Son unité à la COP 27 est-elle menacée ?
Non. Nous disposons d’un mandat fort pour les négociations, qui a été adopté à l’unanimité des Etats membres. En ce qui concerne la crise énergétique, il existe bien sûr des visions différentes sur les réponses à apporter aux prix excessivement élevés de l’énergie. Mais aucun pays membre ne conteste nos objectifs climatiques, et personne ne doute que la transition verte est, en fait, la solution. Et voyons également ce qui a déjà été réalisé : les stocks de gaz sont pleins à près de 95 %, nous travaillons à des achats groupés afin d’utiliser davantage notre pouvoir de négociation collectif, nous avons accéléré les économies de gaz et d’électricité, et nous disposons d’un cadre afin de limiter les tarifs pour les consommateurs et d’exiger une contribution solidaire des entreprises du secteur des combustibles fossiles — des acteurs qui ont vu leurs bénéfices s’accroître de façon extraordinaire. L’Europe augmente aussi très rapidement sa capacité de production d’énergies renouvelables (ENR), notamment solaire. Notre objectif est d’atteindre une souveraineté énergétique, ce qui est possible à travers les ENR.
A cause de la crise, les Etats membres doivent relancer des centrales au charbon et investir dans des infrastructures de gaz naturel liquéfié (GNL). Dans ce contexte, est-il encore possible de demander des efforts supplémentaires en matière de climat au reste du monde ?
Certes, il y a des malentendus et des doutes concernant l’utilisation du charbon et les investissements dans le GNL que vous mentionnez. Ces derniers mois, nous avons dû expliquer davantage le fonctionnement de la loi sur le climat et ce que nous faisons au sein de l’UE pour son exécution. Un pays comme la Russie est bien sûr très intéressé à promouvoir l’idée que l’UE fait marche arrière. Mais, jusqu’à présent, j’ai pu assurer à mes collègues que l’UE maintenait son ambition et ses engagements. L’accord atteint sur l’élimination des émissions de CO2 issues des voitures en 2035 — un objectif bien soutenu par l’industrie automobile — en est une preuve solide. Et nous sommes toujours sur la bonne voie pour faire aboutir les autres textes qui font partie du paquet « Fit for 55 » d’ici à la fin de l’année. L’UE reste donc pleinement engagée dans ses objectifs climatiques.
« Avec le Green Deal, l’UE a montré la voie et nous continuerons à le faire, notamment en réalisant chez nous ce que nous avons promis »
La communauté internationale devrait-elle créer un fonds pour réparer les « pertes et les dommages » causés aux pays du Sud par le changement climatique ?
Nous sommes tous d’accord sur le fait que la crise climatique a des impacts qui dépassent la capacité de certains pays à y faire face. Les pertes et dommages sont une question clé de cette COP et l’UE a soutenu les demandes visant à l’inclure dans l’agenda officiel. Nous sommes prêts à parler de différentes solutions, mais cette discussion doit être fondée sur les besoins des pays vulnérables. Le soutien est nécessaire et les besoins sont réels, mais aussi très hétérogènes. Pour certains pays, la question est celle d’une dette excessive, pour d’autres, les problèmes proviennent de la montée du niveau de la mer ou de tempêtes plus extrêmes et plus fréquentes. Nous devons donc trouver les meilleures mesures pour fournir l’aide nécessaire. Il n’existe pas de solution miracle, même avec un fonds, car, au final, il est question d’un véritable « shift » de milliers de milliards d’argent public et privé vers les pays vulnérables. Cela demandera une réforme plus vaste de notre système financier international. A court terme, nous pouvons déjà repenser la manière dont nous utilisons les instruments existants. Le FMI a déjà pris de bonnes mesures en ce sens.
Faut-il compter sur le leadership de l’UE pour amener la Chine et les Etats-Unis à prendre de nouveaux engagements forts ?
Les pays du G20 émettent environ 80 % des gaz à effet de serre et ils ont donc une responsabilité particulière. Mais, depuis la dernière COP, certains des principaux émetteurs mondiaux ont montré des signes inquiétants concernant leur volonté de mettre en œuvre les mesures nécessaires. C’est pourquoi l’UE continue à insister sur l’importance de l’atténuation des émissions. Tous les pays, et les principaux émetteurs de manière plus urgente, doivent mettre en œuvre des politiques de réduction. Avec le Green Deal, l’UE a montré la voie et nous continuerons à le faire, notamment en réalisant chez nous ce que nous avons promis. Si nous continuons à remplir nos obligations, nous aurons une position de négociation beaucoup plus forte. La récente loi américaine sur la réduction de l’inflation montre que les Etats-Unis sont également prêts à passer des paroles aux actes. Certaines dispositions du texte sont discriminatoires à l’égard des fabricants non-américains, et nous sommes en discussion avec les Américains à ce sujet. Mais, du point de vue climatique, l’adoption de telles lois renforce le message à destination du monde entier que l’économie du futur sera bien une économie verte. En ce qui concerne la Chine, nous espérons également voir des mesures démontrant son engagement envers ce qui a été convenu à Glasgow.
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