Pour un vrai régime de protection des océans

Pour un vrai régime de protection des océans


La politiste Camille Mazé détaille, dans une tribune au « Monde », les manières de concilier souveraineté, liberté, exploitation et intérêt général dans la gouvernance des mers du globe.

Vu de la science, le constat n’est plus à faire : l’océan est un tout. Sur les plans biologique, biogéochimique et physique, il constitue une même entité globale, continue, connectée à d’autres entités comme le climat, la biodiversité ou encore l’humanité. Il est également admis qu’en raison du rôle essentiel qu’il joue dans le fonctionnement de la planète, dans la production de la vie sur Terre et la régulation du climat, il convient de le protéger face aux chocs et aux pressions qui le déséquilibrent et le fragilisent.

Dans le cadre des « limites planétaires » (conceptualisées en 2009 par le scientifique suédois Johan Rockström), l’océan doit rapidement bénéficier d’un régime de gouvernance protecteur et réparateur, effectif et efficace, au-delà des déclarations d’intention ou des textes normatifs non contraignants. Afin de pallier la menace que certains océanographes, tel Daniel Pauly, n’hésitent pas à qualifier d’« aquacalypse », il s’agit de se réorganiser autour d’un intérêt commun lié à l’océan, mais aussi de mettre les mesures de protection en pratique et de s’assurer de leur respect et de leur efficacité, comme par exemple le pourcentage d’aires marines réellement protégées, l’interdiction de certaines pratiques de pêche ou encore les débats sur l’exploration et l’exploitation minières des grands fonds.

La notion de « commun » offre une piste sérieuse et prometteuse. Réapparue sur la scène mondiale grâce aux travaux de la politiste et économiste américaine Elinor Ostrom, la vieille question des « communs » (commons, en anglais), appliquée aux ressources naturelles et à l’environnement, agite aujourd’hui le monde océanique. Tandis que l’océan est régulièrement polarisé entre deux types de visions qui s’affrontent, lanceurs d’alerte, scientifiques et citoyens engagés d’une part, gestionnaires et acteurs privés de « l’économie bleue » d’autre part, s’impliquent pour faire de l’océan un commun afin d’en assurer la durabilité.

Entre liberté de circulation et volonté d’appropriation, souveraineté et propriété, des visions divergentes peuvent conduire à des tensions entre usagers de la mer et à des conflits entre Etats ou groupes aux intérêts opposés. L’océan est un théâtre de convoitises et d’affrontements, qu’il convient donc de réguler et de réglementer.

Le droit international, notamment le droit de la mer, régit les espaces maritimes sous souveraineté ou juridiction des Etats côtiers. Il repose sur la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, signée en 1982 à Montego Bay. Cette convention distingue des zones sous souveraineté nationale : les eaux territoriales, les zones contiguës, les zones économiques exclusives, le plateau continental (et plateau continental étendu). Au-delà, se trouvent les eaux internationales (la haute mer) et les fonds des mers, désignés comme « la zone », au-delà des marges continentales.

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