Un risque de guerre nucléaire en Europe ?

Un  risque de guerre nucléaire en Europe  ?

 

 Vladimir Poutine choisit donc l’escalade militaire alors que, sur le front ukrainien, les forces russes ont bien été obligées de reculer ces derniers jours. Le maître du Kremlin a décidé de frapper fort en organisant des référendums d’annexion dans le Donbass et en déclenchant la mobilisation des réservistes russes, voire de plus jeunes inexpérimentés à la chose militaire… Soit, entre 300.000 et 1 million d’hommes selon les sources ! ( un papier de la Tribune)

 

Lors de son allocution télévisée, Poutine explique ensuite qu’il pourrait utiliser toutes les armes à sa disposition (et donc l’arme atomique) pour défendre la sécurité de la Russie et son intégrité territoriale, précisant qu’il ne bluffe pas. Face à ces menaces, le président Macron a préféré temporiser. « Nous sommes une puissance dotée et responsable, et je pense qu’il faut, sur ce sujet, être à la fois clair et rigoureux », a-t-il déclaré, ajoutant : « Et nous resterons, comme les États-Unis d’Amérique, les Britanniques et les grandes puissances de ce monde, dans une conception, une doctrine que j’ai eu l’occasion de clarifier il y a plusieurs mois qui est de ne pas aller et de ne pas participer à quelque escalade que ce soit sur ce sujet. »

Cette fois-ci, le président français n’a pas souhaité répondre aux déclarations de son homologue russe. En février dernier pourtant, la France n’avait pas mâché ses mots face aux premières menaces russes dans ce domaine. Le ministre des Affaires étrangères d’alors, Jean-Yves Le Drian, avait rappelé très fortement que la France disposait aussi de l’arme atomique, et le président avait décidé de mettre en alerte pas moins de trois sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), pierre angulaire des forces de dissuasion française. À cette époque, alors que les troupes russes venaient d’attaquer l’Ukraine, les tensions étaient donc déjà montées d’un cran sur le front nucléaire.

Incontestablement, la guerre en Ukraine comporte une réelle composante nucléaire. Si cette thématique est peu relayée par les commentateurs et les responsables politiques afin de ne pas apeurer les opinions publiques, elle n’en demeure pas moins un enjeu central du conflit. Cet été, l’attention s’est portée sur la centrale nucléaire de Zaporijia, occupée par les forces russes et subissant de multiples bombardements. Le spectre d’un nouveau Tchernobyl planait alors que la Français avaient pris la route des vacances. Qui se souvient en cette rentrée que le 1er août dernier, le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, tira la sonnette d’alarme lors de l’ouverture de la conférence d’examen du Traité de Non Prolifération (TNP) en déclarant : « L’Humanité n’est qu’à un malentendu, à une erreur de calcul de l’anéantissement nucléaire » ?

Ils sont nombreux à préférer détourner le regard et à parier sur un grand bluff russe. Ceux-là n’évoquent jamais l’élément suivant : depuis l’annexion par les Russes de la Crimée en 2014, de nombreuses voix en Ukraine se sont élevées pour rétablir le statut d’État nucléaire (militaire) de leur pays, une ligne rouge pour Vladimir Poutine, la seule peut-être, au-delà même de la question de l’OTAN. Ce dernier n’ignore pas que les Ukrainiens ont, à  de multiples occasions ces dernières années, regretté publiquement d’avoir renvoyé à Moscou, au milieu des années 1990, les milliers d’ogives nucléaires soviétiques qui se situaient alors sur leur territoire.

À l’époque, cet engagement avait été formalisé à travers le Mémorandum de Budapest signé en 1994, entre l’Ukraine et la Russie, mais également avec les autres puissances nucléaires que sont les États-Unis, la Grande-Bretagne, auxquelles se sont jointes par la suite la Chine et la France. En contrepartie du transfert de ces armes à Moscou et de la signature du Traité sur la non-prolifération des Armes nucléaires (TNP), les puissances nucléaires s’engageaient à respecter l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Mais aucune disposition n’obligeait chacune des parties à venir en aide à l’Ukraine en cas d’attaque, d’où les regrets et la rancœur des Ukrainiens aujourd’hui, y compris vis-à-vis des puissances occidentales. Lors de la conférence de sécurité de Munich, le 18 février, six jours avant l’invasion russe, Volodymyr Zelensky expliquait ainsi dans son discours : « Nous n’avons pas cette arme, nous n’avons pas la sécurité ».

D’ailleurs, que Vladimir Poutine mette en alerte ses forces nucléaires dès le début du conflit, ou que la Biélorussie abandonne dans sa Constitution son statut « d’État non nucléaire » entre novembre 2021 et février 2022, montre que la situation de la sécurité collective en Europe n’est plus assurée. Une situation en réalité ancienne, peu reconnue par nos responsables politiques face aux opinions publiques. En annexant la Crimée en 2014, Vladimir Poutine a ouvert la boîte de Pandore en bafouant le Mémorandum de Budapest. Cette année-là, Ban Ki-moon, alors secrétaire général des Nations Unies, avait lancé une première alerte : « Les implications sont profondes tant pour la sécurité que pour l’intégrité du régime de non-prolifération nucléaire ». Récemment, l’ancien ministre de la Défense et des Affaires étrangères polonais, Radoslaw Sikorski a déclaré que la Russie avait violé le mémorandum de Budapest et que, par conséquent, l’Occident pouvait « offrir » des ogives nucléaires à l’Ukraine afin « qu’elle puisse défendre son indépendance ». Quand Poutine souhaite imposer une « démilitarisation » de l’Ukraine, il a en tête le maintien de son statut d’État non nucléaire militaire. Une question s’impose : le président russe a-t-il décidé de mener une guerre préventive, comme les Américains en Irak ou les Occidentaux en Libye ?

Une chose est sûre : ses déclarations publiques au sujet de l’Ukraine manquent singulièrement de clarté. C’est bien parce que la diplomatie française, et l’Elysée en particulier, s’est concentrée en priorité sur les accords de Minsk  (et leur non-application) dans les semaines qui ont précédé le 24 février fatidique que la France n’a pas réussi à éviter la guerre. Si la France était garante de ces accords, elle l’était pourtant tout autant du Mémorandum de Budapest. On pouvait se demander en début d’année si notre pays avait réellement les moyens de maintenir la paix, mais on voit bien que nos dirigeants n’avaient pas forcément les bons arguments (ni les bonnes analyses) pour convaincre Poutine de ne pas engager une invasion massive de l’Ukraine.

De fait, par plusieurs aspects, la situation pour l’Europe est même plus dangereuse aujourd’hui que du temps de la guerre froide historique. Ces dernières années, on a bien assisté à une fragilisation des mécanismes internationaux de non-prolifération et de l’efficacité de la dissuasion entre puissances nucléaires. Sous Donald Trump, les États-Unis sont ainsi sortis de trois traités dans ce domaine. À bas bruit, tant les Russes que les Américains ont relancé un réarmement nucléaire notamment en construisant des ogives de « faible puissance », dites « tactiques », que certains experts ou généraux, aux États-Unis comme en Russie, souhaitent désormais utiliser sur les champs de bataille, une doctrine ouvrant pourtant la voie à une éventuelle escalade. En février 2020, lors d’un discours à l’École de guerre, Emmanuel Macron s’était fermement opposé à une telle évolution.

Dès 1993, le spécialiste américain de stratégie, John Mearsheimer, chef de file de l’école réaliste dans les relations internationales, avait averti qu’un conflit entre l’Ukraine et la Russie était possible. Dans la revue Foreign Affairs, il avait publié un article retentissant dans lequel il estimait que des « armes nucléaires ukrainiennes sont la seule dissuasion fiable contre une agression russe ». Un an plus tard, le Mémorandum de Budapest était signé, et le désarmement ukrainien était enclenché.

Aujourd’hui, John Mearsheimer estime que les risques d’une « escalade catastrophique » de la guerre en Ukraine sont très sous-estimés, comme il l’écrit dans son dernier article publié fin août dans Foreign Affairs. D’autant plus que, selon lui, les gouvernements russe, ukrainien et américain ont des objectifs contradictoires, mais de plus en plus maximalistes : entre une Russie désespérée, la volonté de revanche ukrainienne, un Joe Biden pressé par son opinion publique à quelques mois des midterms, et un éventuel accident à la centrale de Zaporijia… Le professeur à l’université de Chicago imagine alors dans son article différents scénarios qui pourraient conduire à « une guerre majeure en Europe, et peut-être même une annihilation nucléaire ». Nous n’avons plus qu’à espérer que cette nouvelle prophétie ne se réalise pas. En attendant, aucun camp n’est aujourd’hui prêt à faire des compromis.

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