Les prix de l’énergie : Danger pour notre économie
.Le ministre délégué à l’Industrie, Roland Lescure , s’explique sur la hausse de l’énergie et les mesures pour l’industrie (dans l’Opinion)
Combien d’entreprises sont-elles en danger face à l’envolée des prix du gaz et de l’électricité ?
Toutes les entreprises industrielles qui achètent leur énergie sur les marchés ou qui sont en train de renouveler leurs contrats pour 2023 sont directement impactées par l’augmentation des prix, et voient leurs factures augmenter significativement. Cependant, cette augmentation ne met pas en danger l’ensemble de ces entreprises : elle est surtout très problématique pour celles qui consomment beaucoup d’énergie et qui ne peuvent pas répercuter ces hausses de coûts sur leurs prix de vente. Aujourd’hui, il y a environ 300 entreprises confrontées à des difficultés fortes et suivies de près par mes services. Ce n’est toutefois que la partie émergée de l’iceberg et nous sommes vigilants aux signaux faibles et aux remontées directes des fédérations professionnelles et des entreprises.
Faut-il s’attendre à une multiplication des fermetures d’usines et à une montée du chômage partiel ?
Pour le moment, le nombre d’entreprises qui ont annoncé des réductions d’activité et du chômage partiel reste limité. Notre priorité est de maintenir l’activité. Bien entendu, cela dépendra aussi des niveaux de prix effectivement atteints cet hiver, et c’est pour cela que nous nous mobilisons fortement, tant au niveau européen que national, pour mettre en place des mesures et dispositifs permettant de faire baisser les prix et compenser les hausses. Cependant, certaines entreprises ont déjà dû annoncer des réductions d’activité, je pense notamment aux verriers Arc et Duralex, dont j’ai souhaité aller rencontrer les salariés et les dirigeants sur place ces deux dernières semaines. L’Etat accompagne ces entreprises.
Quels sont les secteurs les plus impactés ?
Il s’agit assez naturellement de ceux qui consomment le plus d’énergie, comme les sidérurgistes (par exemple Ascometal), les fondeurs (Aluminium Dunkerque) ou encore les verriers (Arc, Duralex, etc.). D’autres filières, moins électro-intensives, comme les imprimeurs ou l’agroalimentaire, sont également touchées. Il y a également un enjeu d’exposition internationale qui renforce les risques, dans un contexte où les chaînes logistiques se sont rétablies depuis la crise sanitaire.
Quels sont les dispositifs mis en place par le gouvernement ?
Pour aider les entreprises à faire face, plusieurs dispositifs ont été mis en place dès mars et le début de la guerre en Ukraine dans le cadre du plan de résilience. Pour les entreprises les plus consommatrices de gaz et d’électricité, qui ne peuvent pas passer les hausses dans leurs prix, on dispose d’un fonds qui a été modifié et renforcé ces dernières semaines, car les critères d’accès étaient trop restrictifs. Ce fonds permet aux entreprises les plus touchées d’avoir jusqu’à 2, 25 ou 50 millions de subventions pour couvrir une partie de l’augmentation des coûts. Ce jeudi, j’étais aux côtés des salariés d’Aluminium Dunkerque dans le Nord, cette prolongation et cette simplification vont permettre à cette entreprise de bénéficier de 40 à 50 millions d’euros d’ici la fin de l’année 2022. C’est très significatif, et nous voulons encore simplifier les critères d’éligibilité. Cela fait partie du travail qui se fait au niveau européen, absolument crucial pour agir directement sur les prix. D’autres dispositifs, comme le prêt garanti par l’Etat, existent, et sont repris dans un document que nous avons fait avec toutes les aides, et surtout des points de contact dans chaque région que toutes les entreprises peuvent solliciter.
Le marché de l’énergie est-il un marché comme les autres ? Faut-il le réformer ?
Avec Bruno Le Maire (Finances) et Agnès Pannier-Runacher (Transition énergétique), nous demandons une révision du marché européen, pour faire baisser les prix de l’énergie. Nous souhaitons un découplage entre le prix du gaz et le prix de l’électricité. Nous avons fait des propositions à Commission européenne en ce sens. Ces prix sont totalement anormaux et dangereux pour notre économie. Nous souhaitons que la Commission et nos partenaires valident rapidement une modification du fonctionnement du marché européen de l’énergie.
Chaque crise est une opportunité. Que conseillez-vous aux industriels français ?
Comme le disait Churchill, il ne faut jamais gâcher une bonne crise. La situation actuelle nous montre que notre économie est trop dépendante des énergies fossiles dont les prix, au-delà de la crise actuelle, vont rester élevés. Moins élevés qu’aujourd’hui, mais ils ne redescendront probablement pas au niveau que nous avons connu il y a quelques années. Nous devons transformer notre industrie, pour la rendre plus résiliente, en se décarbonant. Notre industrie doit produire autant et même plus avec moins de gaz, moins de pétrole. Ce n’est pas la décroissance ; bien au contraire c’est rendre notre industrie plus résiliente. C’est une nouvelle révolution industrielle et la France doit prendre ce virage rapidement.
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