Pour une politique publique de la santé visuelle
Alors que près de deux millions de personnes sont malvoyantes ou non voyantes en France, et que les projections démographiques anticipent une augmentation, la politique publique esquissée en ce domaine manque d’ambition, alertent, dans une tribune au « Monde », quatre spécialistes du handicap visuel.
Moins on voit, moins on est vu. Les personnes qui perdent la vue, perdent aussi, progressivement, leur autonomie et leur place dans notre société. Ce processus de retrait ou de repli de la vie sociale est en grande partie lié à l’impact physique et psychique du handicap visuel. C’est une double peine pour des personnes qui sont déjà confrontées à l’angoisse terrible de la perte totale ou partielle d’un sens qui, à lui seul, apporte près de 80 % de la perception du monde qui nous entoure.
Cette mécanique d’isolement social et de perte d’autonomie s’est d’ailleurs malheureusement amplifiée avec l’explosion de la numérisation de nos actes de la vie courante. L’association Valentin Haüy l’a d’ailleurs récemment souligné lors d’une campagne de sensibilisation pour faire prendre conscience des difficultés spécifiques que posent les usages du numérique aux personnes en situation de handicap visuel.
Au-delà de cette fracture numérique, c’est plus globalement une fracture sociale qui menace toutes les personnes dont la vue s’abîme. Face à ce constat, la politique publique esquissée pour maintenir et développer l’autonomie des personnes touchées par le handicap visuel manque d’ambition. Comme l’a encore souligné l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), on note en France, pour l’ensemble de la filière visuelle, « une quasi-absence de stratégie au plan national et régional » et des données épidémiologiques largement « insuffisantes ». Ni la « stratégie nationale de santé », définie par le ministère de la santé, ni les « projets régionaux de santé », élaborés par les agences régionales de santé (ARS), n’identifient des axes forts d’intervention consacrés à la santé visuelle.
L’absence de politique publique forte dans ce domaine pose question dans un contexte où l’offre d’accueil, d’orientation, de suivi médical et médico-social et de prise en charge des personnes en situation de déficience visuelle est globalement très insuffisante. Cette insuffisance d’offre est criante dans l’ensemble des régions. Ainsi, en Ile-de-France, une seule institution propose quelques places en soins de réadaptation pour les personnes en situation de handicap visuel, avec par conséquent des listes d’attente de plus de deux ans !
Cette situation est d’autant plus étonnante qu’il s’agit d’un enjeu de santé qui touche des millions de Français. En ce qui concerne le handicap visuel c’est près de deux millions de personnes qui sont concernées. Cela ne devrait pas s’améliorer dans les années à venir, bien au contraire. Les projections démographiques montrent que, avec le vieillissement de la population, les pathologies visuelles, souvent corrélées à l’âge (DMLA, glaucome), vont augmenter très sensiblement.
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