Le fioul a encore un avenir ?
Depuis peu, l’installation d’une chaudière au fioul neuve est devenue interdite en France. Ceux qui en avaient conclu la mort du fioul, entretenant au passage la confusion sur la prétendue obligation de changer d’installation, sont allés un peu vite. Que les 3,5 millions de Français équipés d’une chaudière au fioul se rassurent : il n’en est rien ! Par Alexandre Witkowski, Directeur Général Cuenod SAS.( La Tribune)
Non seulement la loi les autorise à utiliser et à faire réparer leur chaudière actuelle, mais le fioul s’apprête à vivre une seconde vie, grâce à la mise sur le marché d’un nouveau combustible : le biofioul. Composé à 30% d’Ester méthylique de colza (EMAG), celui-ci constitue non seulement une alternative aux énergies fossiles, mais s’avère aussi moins polluant que le bois. Issu des cultures de colza françaises il ouvre, en outre, une piste intéressante en matière de souveraineté énergétique.
Reste cependant posée la pertinence économique et écologique de la reconversion de l’agriculture vers des productions à des fins énergétiques NDLR
La fin du fioul avait été annoncée il y a 4 ans, par Edouard Philippe. En ce mois de septembre, l’entrée en vigueur de la loi, interdisant l’installation de chaudières neuves, semble donc venir sonner le glas de cette énergie jugée trop polluante. Or, de toute évidence, l’annonce de la mort du fioul a été très exagérée, comme le dirait Marc Twain(1). Tout d’abord, redisons-le clairement : les Français peuvent encore tout à fait continuer à utiliser leur chaudière au fioul, ainsi que la faire réparer en cas de panne. La nouvelle interdiction vise en effet exclusivement les équipements neufs.
Par ailleurs, le fioul évolue : les industriels du secteur ont fait montre d’une grande réactivité, en parvenant à développer un nouveau combustible présentant les mêmes performances que le fioul classique, tout en étant plus écologique. Le F30 contient ainsi 1/3 d’Ester méthylique de colza (Emag), produisant des émissions de CO2 en deçà de la limite des 300 grammes par kwatt/heure fixée par le gouvernement. Dans le cadre de la nouvelle réglementation, l’installation de chaudières neuves de type biofioul est donc parfaitement autorisée. Quant aux pétroliers, ils assurent que la mise sur le marché du F30 est imminente et qu’ils seront prêts.
Pour les propriétaires de chaudières qui souhaitent passer au biofioul, nul besoin de se ruiner en investissant dans des équipements neufs. L’évolution peut en effet s’effectuer à l’occasion d’une simple réparation, en équipant la chaudière d’un brûleur universel, adapté au biofioul. Un dispositif peu contraignant qui permet, à moindre coût, de rendre son installation compatible avec les énergies renouvelables, mais aussi de continuer à l’alimenter au fioul classique, en attendant la baisse des prix du marché.
En effet, en l’absence d’exonération de taxes sur la part d’EMAG, le biofioul pourrait, dans un premier temps, coûter entre 7 et 13 centimes de plus que le fioul actuel. Or, en matière de chauffage, l’argent reste le nerf de la guerre. Et les Français recherchent avant tout un moyen performant et économique pour satisfaire ce besoin primaire.
Aussi, les pouvoirs publics devront mettre la main au portefeuille, s’ils veulent encourager les 8 Français sur 10 qui se disent prêts, aujourd’hui, à passer au biofioul(2). Comment ? À travers des mesures de défiscalisation, d’une part, mais aussi via des primes sur les nouveaux brûleurs.
L’État a d’ailleurs tout intérêt à encourager ce mouvement. Le biofioul constitue en effet aujourd’hui une alternative aux énergies fossiles. Il émet, par exemple, nettement moins de particules fines et de NOx (oxydes d’azote) que le bois. Quand ce dernier provient en majorité de forêts éloignées de l’Europe et qu’il faut plus de 20 ans pour le renouveler, le biofioul, lui, est issu des cultures locales de colza, dont la France est le premier producteur européen. À l’heure où les tensions internationales sur l’énergie sont plus vives que jamais, il offre à notre pays de sérieux atouts en matière de souveraineté, d’autant qu’il est aussi très facile de le stocker. Il peut, par ailleurs, s’utiliser en mode hybride, couplé à des panneaux solaires. En n’y ayant recours que l’hiver, les ménages ont ainsi l’assurance de disposer d’un moyen de chauffage sûr et économique.
Sur un plan financier, enfin, la filière « biofioul » s’avère bien plus saine que celle du gaz ou de l’électricité, dont les acteurs dépendent de la construction coûteuse de centrales nucléaires, qui mettront plus de 15 ans à voir le jour.
Mais ne soyons pas naïfs pour autant : l’essor du biofioul dépendra avant tout des volontés politiques. Une chose est sûre cependant, il ne sera pas possible, d’un point de vue économique, de supprimer la totalité des chaudières classiques et d’en faire peser le coût sur les ménages(3). Le biofioul, quant à lui, offre de belles promesses, tant sur le plan de l’environnement que de l’indépendance énergétique.
____
close
volume_off
(1) « L’annonce de ma mort a été très exagérée », Marc Twain.
(2) Selon un sondage OpinionWay mené par téléphone du 5 au 28 août 2020, auprès d’un échantillon de 508 utilisateurs de fioul domestique pour le compte de la FF3C, près de 8 consommateurs sur 10 (78%) se disent prêts à opter pour un biofioul de chauffage, en remplacement du fioul domestique fossile actuellement en usage
(3) Selon Jean-Claude Rancurel, Président de la CAPEB de l’Union Nationale Artisanale Chauffage-Couverture-Plomberie, il sera impossible de remplacer la totalité des chauffages au fioul et au gaz par de nouvelles installations. Table ronde organisée par Effy en collaboration avec Les Echos – Le Parisien, septembre 2021.
0 Réponses à “Le fioul a encore un avenir ?”