Débat fin de vie : fonction de convictions
Priorité au respect absolu de la vie ou à la lutte contre la souffrance ? Puisqu’on ne peut espérer de consensus entre ces positions, il convient de permettre à chacun d’apporter une réponse personnelle à cette question, soutient, dans une tribune au « Monde », le médecin et écrivain Denis Labayle, qui appelle à transformer ce débat sur la dignité en un débat sur la liberté.
Le débat sur la fin de vie revient régulièrement dans l’actualité et reviendra tant que la société n’aura pas résolu le dilemme : doit-elle défendre la vie coûte que coûte ou autoriser dans certaines circonstances la priorité à la lutte contre la souffrance ? Quelle doit être sa priorité ? Un dilemme profond qui aboutit au heurt permanent entre deux camps farouchement opposés.
La défense de la vie comme absolu est souvent liée à la reconnaissance d’une présence divine qui gère le début et la fin de l’histoire humaine. Toutes les religions monothéistes partagent, pour une fois, une même analyse : Dieu est maître de la vie. Il la donne et lui seul peut la reprendre. Avec une note de soumission dans le judaïsme, de fatalité dans l’islam, et même de rédemption dans le christianisme. Ces religions reconnaissent la valeur humaine de lutter contre la souffrance, mais à condition que cette lutte ne s’oppose pas au dessein divin.
A l’inverse, pour ceux qui ne croient pas en une divinité suprême ou qui croient en un mystère non personnalisé, la réponse est autre. S’ils respectent la nature dans ce qu’elle apporte de positif à l’homme, ils s’opposent à ses méfaits, et défendent le principe que la lutte contre la souffrance peut, dans certaines circonstances, supplanter le maintien de la vie. Et pour atteindre cet objectif, ils demandent l’aide à la médecine.
Ces deux points de vue, tout aussi respectables, sont, dans certaines circonstances, difficilement conciliables. Heureusement, le plus souvent, la médecine, en combattant la maladie, permet simultanément de prolonger la vie et de lutter contre la souffrance. Ce résultat s’appelle la guérison. Mais il arrive parfois que la maladie prenne définitivement le dessus, devienne source de souffrances physiques ou psychiques qui rendent l’existence intolérable.
La médecine s’avère alors incapable de satisfaire ces deux désirs humains : vivre et ne pas souffrir. Qui doit l’emporter, et au nom de quelles valeurs ? Est-ce une question de dignité, comme l’affirment certains ? Pas sûr. Chaque camp peut trouver de la dignité dans la défense de sa position : dignité dans l’humble acceptation de son sort et dans sa soumission à Dieu. Ou, à l’inverse, dignité dans le refus d’une souffrance inutile responsable de la déchéance du corps. Autrement dit, refus de voir disparaître ce qui fait le sel de la vie.
Ces deux points de vue sont-ils conciliables ? Peut-on espérer un consensus ? C’est peu probable, tant les positions officielles sont opposées. Mais le consensus est-il nécessaire ? Ne pourrait-il pas reposer simplement sur le respect de la liberté de l’autre ? Transformer ce débat sur la dignité en un débat sur la liberté ? Que chacun puisse choisir en fonction de ses convictions, et n’impose pas à l’autre son point de vue, surtout quand il s’agit de la question ultime que l’être humain doit se poser, l’une des plus complexes à laquelle il doit répondre.
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