Retour aux forêts naturelles ?

Retour aux forêts naturelles ?

Alors que le débat bat son plein sur la question des forêts ayant brûlé cet été, le Parlement européen se prononce cette semaine sur deux textes à impact majeur pour les forêts du monde : la lutte contre la déforestation mondiale et la catégorisation ou non du bois brûlé parmi les renouvelables. Par Marie Toussaint, députée européenne au sein du parti Europe Ecologie – Les Verts.

 Une contribution qui n’est pas sans intérêt mais comme souvent chez les écolos d’Europe Ecologie les Verts une sorte de patchwork qui mélange l’approche écologique et l’approche économique avec la problématique de la croissance, des droits de la forêt et des droits humains. Une vision un peu utopique sur la  régénération spontanée des forêts naturelles et les conséquences économiques . Par ailleurs , beaucoup d’écologues soutiennent la thèse selon laquelle une forêt primaire ayant subi un déboisement anarchique a peu de chance de se régénérer naturellement. En effet la repousse des végétaux après coupe ou incendie d’une forêt primaire donne une forêt secondaire. NDLR

 

Tribune

« Si nous voulons des forêts vivantes et une planète accueillante pour l’Humanité, il nous faut d’urgence rompre avec l’idéologie de la croissance infinie et de la supériorité humaine sur les écosystèmes », estime Marie Toussaint. (Crédits : © European Union 2019 – Source : EP)

L’avenir des forêts se joue peut-être ce mardi au Parlement européen. L’heure est grave. Pas moins de 737.083 hectares ont brûlé dans l’Union européenne depuis le début de l’année 2022, dont plus de 60.000 en France. Le désastre environnemental se poursuit en Amazonie brésilienne avec de nouveaux records de feux principalement d’origine humaine, aussi bien qu’en Indonésie, à travers l’accaparement de milliers d’hectares au profit de plantations et d’activités minières. Quant à la forêt du bassin du Congo, ses tourbières, véritables puits de carbone, sont menacées par l’ouverture prochaine de l’extraction pétro-gazière.

Nous aurions tort de considérer séparément toutes ces tensions qui s’abattent sur les forêts du monde. Elles relèvent de la même logique. Partout, acteurs politiques et économiques considèrent les forêts comme des choses, appropriables et manipulables à l’envi. Partout, elles sont accaparées, exploitées et asservies au nom de la croissance. Partout, les populations qui y vivent sont menacées, humiliées, déplacées et parfois tuées -sacrifiées sur l’autel du profit. Si nous voulons des forêts vivantes et une planète accueillante pour l’Humanité, il nous faut d’urgence rompre avec l’idéologie de la croissance infinie et de la supériorité humaine sur les écosystèmes. Il nous faut ériger une nouvelle règle pour les forêts françaises, européennes et du monde et reconnaître leur droit à se régénérer.

 

Si la forêt de la Teste-de-Buch reste soumise à des règles antérieures au mouvement d’enclosure, et est encore aujourd’hui appréhendée comme un commun, les forêts européennes sont aujourd’hui largement soumises aux lois du marché et accaparées par des firmes privées. Quant aux forêts publiques, elles font elles aussi l’objet d’une industrialisation croissante. Toutes sont menacées par le dérèglement climatique et la perte de biodiversité, aussi bien que par les pratiques prédatrices qui s’y déploient.

Grâce à la mobilisation des scientifiques comme des associations, nous savons désormais avec certitude que les mono-plantations, notamment celles de pins ou d’eucalyptus, sont un véritable danger pour le vivant. Que certaines pratiques comme les coupes rases -déjà interdites ou strictement encadrées en Slovénie, en Autriche, ou en Lettonie- constituent, elles aussi, de véritables menaces pour l’intégrité forestière.

Une nouvelle menace est venue s’ajouter aux pressions déjà insoutenables pesant sur les forêts : les tensions sur l’énergie causées par la terrible guerre que Poutine mène à l’Ukraine pourraient bien aboutir à une production accrue d’énergie à partir du bois. Or, au sein de l’Union, la filière bois-énergie est aujourd’hui estampillée comme « renouvelable », quelles que soient les méthodes utilisées. Une aberration lorsque l’on sait que, dans certains cas, l’exploitation du bois émet plus de gaz à effet de serre que le charbon. La commission environnement du Parlement européen propose donc aujourd’hui d’exclure la biomasse primaire des énergies classifiées comme « renouvelables », une impérieuse nécessité si nous voulons faire cesser les pressions sur les forêts européennes et du monde. Seuls les produits issus de la transformation du bois seront ainsi considérés comme renouvelables, et plus aucune subvention ne devrait être versée pour la destruction des forêts.

Le Parlement européen a appelé à reconnaître les forêts anciennes et primaires comme des communs naturels mondiaux, dont les écosystèmes doivent se voir accorder un statut juridique. Une réponse à l’appel de Christopher Stone qui, en 1972 et dans un article désormais célèbre, soulevait déjà cette question cruciale : « Et si les arbres pouvaient plaider ? ». Il y constatait que la défense des stricts intérêts humains était inapte à garantir l’intégrité des écosystèmes et in fine, la persistance de la vie humaine sur Terre. Il est temps de nous saisir du défi qu’il nous a lancé voilà 50 ans et faire des droits des écosystèmes forestiers à la régénération naturelle la boussole de notre politique forestière -en particulier en ce qui concerne les forêts qui ont brûlé cet été et dont il nous faut aujourd’hui décider du sort.

 

Reconnaître la valeur intrinsèque des forêts, leur valeur en soi, suppose de tenir responsables celles et ceux qui leur portent atteinte. Concrètement, nous devons reconnaître et condamner les crimes contre la nature, et le plus graves d’entre eux, le crime d’écocide, mais nous devons aussi faire en sorte que nul ne puisse plus engranger de profits à travers la déforestation.

C’est là l’objet du texte qui devra être adopté au Parlement européen cette semaine, s’adressant frontalement à la question de la responsabilité des entreprises. La proposition de directive, qui reconnait la part croissante de l’Union européenne dans la déforestation mondiale (jusqu’à 16% selon le WWF) devrait établir un devoir de vigilance pour toutes les entreprises, européennes ou non, qui commercialisent des produits issus de la déforestation sur le marché européen. Elle garantirait à chaque personne qui fait ses courses qu’elle ne contribue pas à la déforestation ou à la violation des droits humains.

Le texte concernerait les filières du bœuf, du soja, du maïs ou encore du cuir. Si les entreprises du cacao soutiennent elles aussi cette évolution réglementaire, les lobbies d’autres secteurs d’activité font aujourd’hui pression pour réduire l’ambition du texte : soit en réduisant le nombre de produits concernés par les nouvelles obligations de vigilance, soit en restreignant les territoires concernés aux seules forêts boisées (laissant ainsi hors champs les vastes mangroves ou les savanes comme le Cerrado brésilien), soit encore en dispensant les acteurs financiers de toute obligation en la matière. BNP Paribas est pourtant l’un des plus grands acteurs de la déforestation dans le monde (selon l’ONG Global Witness, elle a soutenu des activités responsables de déforestation à hauteur de 5 milliards de dollars entre 2016 et 2020). Les tourbières du Bassin du Congo, elles, ne seront pas protégées : ni les tourbières ni les énergies fossiles ne sont à ce stade concernés par la législation européenne en cours de négociation.

Les votes de cette première session plénière du Parlement européen sont déterminants pour les forêts d’Europe et du monde. Une étape majeure pour leur protection avant – qui sait ? -  que les accords internationaux sur la biodiversité ne reconnaissent enfin leurs droits.

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