Dérèglement climatique : la responsabilité occidentale dans les pays pauvres
L’enjeu de l’adaptation au réchauffement climatique place les Etats les plus riches face à des responsabilités nouvelles. Ces pays portent une responsabilité particulière dans ce dérèglement après quelque deux siècles de développement économique.(Le Monde)
Le Pakistan a souvent mauvaise presse dans les pays occidentaux. Accès d’extrémisme religieux, système politique dysfonctionnel, menaces de défaut sur la dette extérieure sur le modèle funeste du Sri Lanka : le tableau était déjà alarmant avant les inondations dévastatrices dont le pays a été la victime au cours des dernières semaines.
Ce désastre, qui a frappé notamment la grande province du Sind, a entraîné la mort d’au moins un millier de personnes. Les dégâts subis par les infrastructures se chiffreront en milliards de dollars. Cette situation dramatique doit être considérée pour ce qu’elle est : une préfiguration parmi bien d’autres des bouleversements à venir entraînés par le dérèglement climatique. Les pays les plus instables, politiquement et économiquement, y seront malheureusement les plus exposés.
De fait, l’aide dont le Pakistan a cruellement besoin n’a plus guère à voir avec celle habituellement mobilisée pour répondre à une catastrophe naturelle. Il ne s’agit plus seulement aujourd’hui de secours ponctuels avant un retour à la normale. Outre l’aide d’urgence, toujours indispensable, et l’attention portée à la situation alimentaire, qui pourrait se tendre sur place bien après le reflux des eaux, du fait de la destruction de centaines de milliers d’hectares de cultures, il faudrait aussi permettre au pays de se préparer à encaisser des chocs similaires à venir, alimentés par le même réchauffement climatique.
L’enjeu dépasse de beaucoup le seul Pakistan. Il est immense et place les pays les plus riches face à des responsabilités nouvelles. Pour une bonne partie du Sud global, ces pays portent en effet une responsabilité particulière dans ce dérèglement du fait de près de deux siècles d’un développement économique marqué par l’essor de l’industrie.
D’une conférence sur le climat à l’autre, les plus riches prennent des engagements en matière de financement de cette adaptation des plus pauvres au défi climatique qu’ils sont loin de tenir. Ils ont pourtant tout intérêt à réinventer ce soft power dans un contexte géopolitique qui leur est devenu défavorable.
Leur procrastination n’en est certes pas le principal ou unique moteur, loin de là, mais elle contribue, à sa mesure, à creuser le fossé qui sépare l’Ouest du reste (du monde), selon la formule désormais consacrée, que les réactions à l’invasion russe de l’Ukraine ont spectaculairement mis en évidence. A partir d’un cas chimiquement pur de violation des principes fondamentaux dans les relations internationales que sont la souveraineté et l’intangibilité des frontières, l’agression russe a été propice dans de nombreux pays à un relativisme étayé par la dénonciation d’un égoïsme occidental.s
L’accueil par les pays européens des réfugiés ukrainiens, opposé à l’hostilité à laquelle se heurtent les migrants chassés par les guerres ou les dictatures venus d’autres continents, est pour ce Sud global une illustration d’un deux poids deux mesures qui mine la crédibilité occidentale.
Cette mise en cause est évidemment perpétuée par les puissances telles que la Chine et la Russie qui entretiennent la thèse d’un Occident en proie au déclin. Ces dernières ont avancé sans vergogne leurs pions au cours de la dernière décennie, notamment en Afrique, au risque de précipiter des pays dans le piège du surendettement, selon les contempteurs de la stratégie de Pékin sur le continent, ou en proposant un soutien militaire pour mieux mettre la main sur des ressources naturelles pour Moscou. Le réengagement occidental n’en est que plus impératif.
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