Quelle réforme du européen de l’électricité ?
Les appels à la réforme du marché européen de l’électricité, même tardifs, sont salutaires. Mais plusieurs lignes directrices doivent guider cette évolution : assurer la solidarité européenne, définir l’électricité comme un « bien commun » et respecter les objectifs climatiques estime un papier du Monde.
Les conséquences économiques de l’invasion de l’Ukraine par la Russie risquent de faire passer un hiver difficile aux Européens. L’arrêt sine die du gazoduc Nord Stream 1 par la Russie accentue la pression. Même si l’Union européenne (UE) a réduit sa dépendance au gaz russe, s’en passer sera loin d’être indolore.
La hausse des prix du gaz, qui sont dix fois supérieurs à ceux d’il y a un an, contraint déjà des entreprises à cesser leur activité et certains services publics à la réduire.
En France, cette mécanique ne touche pas encore les particuliers, qui sont protégés par le bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement. Mais ces efforts budgétaires ne pourront pas être soutenables très longtemps.
Dans ce contexte, les appels à la réforme du marché européen de l’électricité, même tardifs, sont salutaires. Emmanuel Macron l’a formulé de manière sibylline, lundi 5 septembre, lors de la conférence de presse qui a suivi son entretien avec le chancelier allemand, Olaf Scholz : « Le prix [de l’électricité] doit être formé de façon plus cohérente », a expliqué le président de la République.
C’est un euphémisme. Cette crise énergétique constitue le douloureux révélateur d’un système qui pouvait avoir certaines vertus par temps calme, mais qui est devenu aujourd’hui obsolète en fragilisant les intérêts des Européens eux-mêmes. Longtemps plus préoccupée par la libéralisation de son marché intérieur que par ses enjeux de souveraineté, l’UE se trouve prise au piège de mécanismes conçus dans un cadre politique qui montre aujourd’hui ses limites.
La manière dont les prix de l’électricité sont fixés en Europe est très dépendante du prix du gaz, alors même que plusieurs pays européens – dont la France – ne produisent pas majoritairement leurs électrons à partir du gaz. La logique repose sur un principe : les prix dépendent du coût nécessaire à la mise en fonctionnement de la toute dernière centrale appelée en renfort pour répondre aux pics de demande sur le réseau électrique. S’il est question d’une centrale au charbon ou au gaz, les prix de l’électricité s’indexeront en fonction. L’envolée spectaculaire des prix du gaz a ainsi fait exploser les prix de l’électricité à des niveaux jamais atteints auparavant, fournissant à Vladimir Poutine un puissant moyen de pression.
Cette logique est dénoncée de longue date par la gauche européenne et les syndicats du secteur de l’énergie en France. C’est une bonne nouvelle que le constat soit désormais partagé par un certain nombre de gouvernements et la Commission européenne, même si les modalités de la réforme restent à préciser.
Plusieurs lignes directrices doivent la guider. D’abord, une solidarité européenne – la France va en avoir particulièrement besoin cet hiver, compte tenu du mauvais état de son parc nucléaire. Ces dernières années, notre pays avait besoin d’importer de l’électricité une quarantaine de jours par an pour passer les pics de consommation en hiver. La situation s’annonce beaucoup plus tendue. La coopération en termes de stocks de gaz et d’approvisionnement en électricité est indispensable. Il faut à tout prix éviter le chacun pour soi, qui ferait le jeu de Vladimir Poutine.
Ensuite, il importe de définir l’électricité comme un « bien commun », protégé d’une concurrence parfois artificielle qui privilégie le court terme. Enfin, il faut aligner le nouveau marché de l’électricité avec les objectifs climatiques de l’UE vers la décarbonation de notre énergie. Les aléas du marché ne doivent plus être l’unique boussole de notre politique énergétique.
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