Salaires des enseignants : Un processus de prolétarisation
Professeurs des écoles, certifiés ou agrégés subissent un décrochage salarial d’une telle ampleur depuis les années 1980 que les tentatives, ces dernières années, des gouvernements successifs pour revaloriser cette profession en perte d’attractivité restent insuffisantes. ( Le Monde)
Sur la tendance longue, le salaire d’un enseignant au départ pourrait n’atteindre que le SMIC. Au début des années 1980, un enseignant débutant gagnait l’équivalent de 2,3 fois le smic, aujourd’hui, il touche environ 1,2 fois le salaire minimum. Cette comparaison éloquente, portée par l’économiste Lucas Chancel, a frappé les esprits ces derniers mois tant elle illustre la chute du salaire des enseignants en quarante ans. Avec la pénurie de professeurs qui s’installe – plus de 4 000 postes de titulaires n’ont pas été pourvus en 2022 –, l’opinion publique a soudain pris conscience du phénomène. « Les salaires ne sont plus à la hauteur des travaux et des efforts demandés », a affirmé le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, mardi 30 août, sur RTL. Il a promis de passer les salaires des enseignants au-dessus de 2 000 euros net par mois à partir de la rentrée 2023.
Le salaire moyen des enseignants du public se situe à 2 596 euros net par mois, primes et indemnités comprises (en 2020, dernières statistiques publiées). Cette moyenne cache de fortes disparités entre les catégories d’enseignants (professeurs des écoles, certifiés, agrégés), leur statut (titulaires ou contractuels) et leur ancienneté. Un enseignant professeur des écoles ou titulaire du Capes, soit les trois quarts de la profession, perçoit 1 480 euros net par mois, hors prime, lors de son année de stage, et 1 680 euros quand il devient titulaire. Il gravit ensuite les échelons de la grille indiciaire au fur et à mesure de son ancienneté.
Comment en est-on arrivé là ? La fin de l’indexation du point d’indice sur l’inflation en 1983 a grevé sur le long terme le salaire des enseignants et le gel de ce point d’indice ces dix dernières années – jusqu’en juillet 2022 – a amplifié le phénomène. L’inflation, même comprise entre 0 % et 2 % par an, et l’augmentation des cotisations sociales ont grignoté les avancées obtenues, selon l’analyse de Bernard Schwengler, auteur de Salaires des enseignants. La chute (L’Harmattan, 2021).
Le salaire des enseignants français a subi un triple décrochage en quelques décennies. Un décrochage par rapport aux autres fonctionnaires d’Etat, tout d’abord, pour qui la baisse de la valeur du point d’indice a été davantage compensée par une hausse de leurs primes. Ces dernières représentent entre 10 % et 15 % de la rémunération globale des professeurs, alors qu’elles peuvent atteindre jusqu’à la moitié du montant d’une fiche de paie des cadres de la fonction publique. Un rapport sénatorial le remarquait en juin : « Le salaire net des enseignants se rapproche de celui des brigadiers et gardiens de la paix » dont les niveaux de qualification sont moins élevés.
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