Les contradictions de la fin de » l’abondance »
Si « la fin de l’abondance » proclamée par Emmanuel Macron témoigne d’une prise de conscience, la sociologue Dominique Méda pointe dans le Monde les contradictions de l’exécutif sur le sujet.
Le 24 août, en ouverture du conseil des ministres et en guise de discours de rentrée, le président de la République annonçait solennellement « la fin de l’abondance ». La formule a déjà fait couler beaucoup d’encre, de nombreux commentateurs rappelant que des millions de nos concitoyens connaissaient depuis fort longtemps cette situation, voire n’en avaient jamais connu d’autre. Cette affirmation recèle néanmoins une forme de performativité : tout se passe comme si, par cette parole, le politique validait (enfin) les alertes des scientifiques et reconnaissait officiellement l’impérieuse nécessité d’un changement d’ère.
Nous savons désormais assez précisément comment il est possible d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre que nous nous sommes fixés. Il s’agit notamment de modifier nos productions et notre consommation dans le sens d’une plus grande sobriété, grâce à des changements de pratiques individuelles, mais surtout grâce à des transformations structurelles obtenues par des investissements massifs dans les énergies renouvelables, la rénovation thermique des bâtiments, les alternatives aux transports thermiques et l’agriculture, notamment. Mais pour le gouvernement, passer de la parole aux actes exigera de résoudre au moins quatre contradictions.
Il lui faudra d’abord être capable de mobiliser l’ensemble de la population en faveur d’une politique de sobriété, alors qu’il s’est jusqu’à maintenant refusé à user de la contrainte, en particulier à l’égard des plus aisés, au nom de sa croyance à la théorie du ruissellement. Cela suppose, d’une part, de faire comprendre aux 1 %, et plus encore aux 0,1 % les plus riches, qu’il leur revient de faire les plus gros efforts et, d’autre part, de rassurer les plus modestes, qui craignent d’être une nouvelle fois les dindons de la farce.
Sans cela, la « grande bascule » souhaitée par le président de la République pourrait bien se muer en une « grande transformation », semblable à celle décrite par Karl Polanyi dans l’ouvrage éponyme : dans les années 1930, des sociétés traumatisées par les excès du « marché autorégulateur » s’étaient jetées dans les bras de régimes autoritaires en croyant y trouver protection.
Maintenant qu’il est clair que la surconsommation des uns détruit la base de vie des autres, la lutte en faveur de la réduction des inégalités de revenus et de patrimoine apparaît comme une des principales politiques écologiques. Le déploiement de politiques publiques incitant au développement d’activités à l’empreinte écologique légère et contribuant à l’utilité sociale en est une autre. Ceci devrait conduire le gouvernement à prendre au sérieux la question des effectifs et des rémunérations du secteur public, un des avantages de celui-ci étant d’ailleurs de ne pas être soumis à l’obligation de produire plus pour fournir un profit.
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