Éducation nationale : une question de volonté politique
Exemples à l’appui, l’historien de l’éducation Claude Lelièvre démontre, dans une tribune au « Monde », que sous la Vᵉ République, le ministre de l’éducation nationale, s’il le souhaite, est légitime pour orienter la politique dont il est chargé.
On s’interroge sur la possibilité d’action propre au nouveau ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse Pap Ndiaye, alors que s’exerce la forte présence du président de la République. L’histoire des politiques scolaires menées sous la Ve République montre que lorsque les circonstances s’y prêtent et que le ministre de l’éducation nationale en place en a l’ambition et la détermination, ce dernier peut mener une politique scolaire qui ne se résume pas – tant s’en faut – à l’exécution d’une politique définie et décidée à l’Elysée.
Oui, un ministre de l’éducation nationale a des marges d’action sous la Ve République. Et cela dès l’origine, sous la présidence même de Charles de Gaulle. Par exemple, comme l’a montré l’historien Bruno Poucet, « assez rapidement – il est ministre depuis le 7 décembre 1963 –, Christian Fouchet marque sa distance avec les orientations gouvernementales, puisque, au rebours du président de la République et du chef de gouvernement Georges Pompidou, il promeut la nécessité d’un accroissement sensible du nombre des étudiants au cours des années à venir : 800 000 en 1970 contre 500 000 prévus au Plan » (Charles de Gaulle et la jeunesse, Plon, 2014). Or c’est précisément cet objectif qui s’est de fait réalisé.
Après la tourmente de mai-juin 1968, c’est le projet fort novateur d’Edgar Faure appelé à la tête du ministère de l’éducation nationale qui s’impose au général de Gaulle : « Le président de la République s’enquit de savoir où j’en étais parvenu ; j’avais mon dossier avec moi, et je fis lecture de mon texte ; il en approuva l’essentiel » (Ce que je crois, Grasset, 1971).
Pour la longue durée de la période où François Mitterrand a été président de la République, on peut s’appuyer sur la confidence qu’il a faite peu avant sa disparition à l’un de ses proches collaborateurs en la matière : « J’ai pris soin de nommer à la tête du ministère de l’éducation nationale trois politiques de premier plan, trois hommes d’Etat : Alain Savary, Jean-Pierre Chevènement et Lionel Jospin. Chacun d’entre eux a mené une politique différente. Mais aucune ne m’a vraiment convaincu. »
Parfois, le ministre de l’éducation nationale n’hésite pas à « faire de la résistance » par rapport à certaines orientations pourtant bien connues du chef de l’Etat. On peut citer par exemple Olivier Guichard. On le sait, Georges Pompidou était très hostile à la suppression par Edgar Faure de l’enseignement du latin en classe de sixième et de cinquième décidée en 1968, et il s’était prononcé publiquement pour son rétablissement.
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