Métavers (Facebook) : Un échec programmé ?

Métavers  (Facebook) : Un échec programmé ?

Après un lancement international de Horizon Worlds marqué par les moqueries et le départ d’un dirigeant, Meta semble à la peine pour convaincre le grand public d’adopter massivement son métavers. Plus généralement, l’entreprise n’a toujours pas réussi à faire de la réalité virtuelle (VR) un produit de grande consommation, malgré le succès certain de son casque phare, l’Oculus Quest 2. Pour redresser la barre, Mark Zuckerberg a annoncé la présentation à venir d’un nouveau casque de VR et des mises à jour majeures sur les logiciels. Mais cela sera-t-il suffisant ? Un papier de François Manens dans la Tribune. 

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Meta a un problème : son métavers Horizon Worlds, tête d’affiche de sa nouvelle stratégie, semble déjà avoir du plomb dans l’aile. Dès son lancement en France à la mi-août, il peinait à trouver ses utilisateurs. Pire, le déploiement a été obscurci par les vives critiques contre les graphismes de la plateforme, qui ont poussé le CEO de Meta, Mark Zuckerberg, a admettre qu’il fallait les améliorer. Pour couronner le tout, le vice-président en charge de Horizon, Vivek Sharma, a démissionné le week-end dernier.

Essentiel dans la stratégie de Meta pour devenir leader d’un nouveau marché qu’il considère comme « l’Internet de demain« , les débuts d’Horizon ne sont clairement pas le succès espéré. Si les mondes virtuels sont pour l’instant si peu peuplés, c’est aussi parce que l’entreprise n’a pas encore réussi à faire de ses casques de réalité virtuelle un produit grand public, malgré un succès certain.

A l’occasion de la conférence Connect que Meta tiendra en octobre, dans à peine plus d’un mois, le groupe devrait annoncer un nouveau casque, et des « mises à jour majeures » de ses mondes virtuels. Cet événement pourrait déjà être un tournant décisif dans la survie (et la réussite) du projet qui a justifié le changement de nom de l’entreprise de Facebook à Meta l’an dernier.

Horizon Worlds, annoncé en 2019 et déployé aux Etats-Unis fin 2021, était présenté comme le joyau de la stratégie du groupe dans la réalité virtuelle. Concrètement, le logiciel permet à chacun de créer son monde, et de se téléporter de l’un à l’autre. A terme, Meta y voit un pan essentiel de son modèle de monétisation : les entreprises créeraient leurs mondes sur la plateforme, et les développeurs tiers pourraient concevoir du mobilier et des animations pour les remplir. Et bien sûr, Meta prélèverait une importante commission (jusqu’à 47,5%%) sur les transactions.

Sauf qu’Horizon n’attire pas autant que prévu. Un journaliste de Numerama, qui a fait un tour en réalité virtuelle dès le lancement français de la plateforme, explique qu’il a croisé en tout et pour tout environ 80 personnes en trois heures. Un nombre particulièrement faible comparé à la population de nombreux jeux vidéo en ligne. D’ailleurs, Meta n’a plus communiqué sur l’adoption d’Horizon Worlds depuis février, ce qui est mauvais signe. A l’époque, deux mois après son lancement aux Etats-Unis, il revendiquait 300.000 utilisateurs et 10.000 mondes virtuels.

Mais c’est pour d’autres raisons que le déploiement français a beaucoup fait parler de lui. Le jour J, Mark Zuckerberg a publié une capture d’écran de son avatar [projection dans le monde virtuel, ndlr] devant la tour Eiffel. Immédiatement, de nombreuses personnes ont moqué la qualité des graphismes, qui ressemble effectivement à une version légèrement améliorée des Mii de la Nintendo Wii, sortie en… 2006. Le dirigeant de Meta a décidé de ne pas ignorer l’ampleur de la vague de critiques, et a publié peu après une version plus sophistiquée de son avatar. Il a également concédé que la première image était « relativement basique » et il a promis sous peu « des mises à jour majeures«  pour Horizon Worlds et les graphismes des avatars.

Problème : quand bien même les projections des utilisateurs du métavers seraient de meilleure qualité, l’entreprise reste (au moins temporairement) bloquée dans son choix initial d’un moteur graphique plus mignon que réaliste, qui donne un aspect presque enfantin à ses mondes. Un choix utile pour toucher un grand public, mais qui tranche avec l’offre initiale du métavers, celle d’une projection virtuelle de la vraie vie, qui implique plus de réalisme.

Coïncidence ou non, une semaine après cette polémique, Reuters a rendu publique la démission du vice-président en charge de Horizon, Vivek Sharma, à peine un an après sa prise de fonction. Le dirigeant était dans l’entreprise depuis 5 ans, et avait auparavant mené la division produit de Facebook Marketplace et Facebook Gaming. Ses responsabilités ont été transférées à Vishal Shah, vice-président de la division métavers de l’entreprise, jusqu’ici séparée de l’équipe d’Horizon. Cette dernière était en charge de Horizon Worlds et de Horizon Venues, les espaces destinés à accueillir conférences et autres conventions en VR. Le développement de Horizon Workrooms, logiciel de salle de réunion en VR à destination du marché des entreprises, est quant à lui supervisé par encore un autre département.

Contraint par des résultats financiers décevants et un cours de Bourse qui s’est effondré, Meta réduit depuis plusieurs mois la voilure dans ses investissements et dans ses recrutements. Sa division Reality Labs, qui intègre les projets de réalité virtuelle, a brûlé 2,8 milliards de dollars au second trimestre (pour 453 millions de dollars de chiffre d’affaires). L’entreprise a également décidé de ne pas remplacer Vivek Sharma dans l’immédiat.

Pour s’exprimer en ces temps de crise, Mark Zuckerberg ne s’est pas tourné vers la presse. A la place, il a accordé trois heures d’entretien à Joe Rogan, qui anime le podcast -The Joe Rogan Experience- les plus écouté sur Spotify. Ancien animateur de l’UFC (une ligue de combat populaire) et comédien, ce dernier est jugé comme très conservateur, et s’illustre régulièrement par des controverses, dont une récente sur le Covid-19 qui a poussé Spotify à retirer des dizaines d’épisodes du podcast. C’est également lui, en 2018, qui avait fait fumer -face aux caméras- un joint de marijuana à Elon Musk sur son plateau.

Lors de l’entretien -qui se tenait avant le départ de Vivek Sharma- Mark Zuckerberg a évoqué les difficultés rencontrées dans le virage stratégique de son entreprise, mais aussi répété sa conviction dans le projet. « Une partie du défi dans la conception de produits, c’est que parfois, il y a une distinction entre là où les personnes affirment qu’elles veulent passer du temps, et là où elles passent en réalité du temps« , professe-t-il.

Une autre façon d’expliquer que les consommateurs ne savent pas toujours ce qu’ils veulent, et que malgré les critiques et les premiers chiffres, le métavers aurait du temps pour convaincre. Le choix du format fleuve du podcast de Joe Rogan était l’occasion pour Zuckerberg de parler de lui en dehors de son rôle de dirigeant, et de se donner une image plus humaine et empathique. Souvent moqué pour sa froideur d’apparence ou comparé à un robot, le fondateur de Facebook doit désormais convaincre les utilisateurs de passer des heures immergés dans des mondes conçus par son entreprise.

Avant même de parler des métavers eux-mêmes, Facebook n’a toujours pas réglé la question de leur accès, qui nécessite un casque de réalité virtuelle. L’Oculus Quest 2, lancé en octobre 2020 devait, à l’instar de son prédécesseur de 2019, rendre la VR accessible. Son atout ? Il suffit de l’enfiler pour commencer à jouer, sans perdre trop de puissance par rapport aux anciens casques haut de gamme. Pas besoin de le connecter à un ordinateur, ni d’avoir un fil, ni de placer des caméras dans la pièce, comme ses prédécesseurs. Avec un prix d’appel à 349,99 euros lors de sa sortie (un montant légèrement inférieur aux consoles de salon, la PS5 et la Xbox Series X), il devait démocratiser l’accès à ces appareils.

Sauf que Meta n’a jamais communiqué les chiffres de ventes de son casque phare (contrairement aux vendeurs de consoles par exemple). Les estimations relèvent que certes, il s’est vendu mieux que tous les précédents modèles Oculus réunis et qu’il absorbe plus de 78% du marché. Avec des estimations (par IDC) à 15 millions d’exemplaires vendus en deux ans, il affiche une bonne performance par rapport aux consoles (20 millions d’exemplaires pour la PS5, sortie la même année).

Le problème, c’est que Meta veut faire de la réalité virtuelle bien plus qu’une console de jeu vidéo, et qu’il ne peut pas seulement se contenter d’écraser le marché : il a besoin de faire de son casque un produit grand public. Or, comparé aux chiffres de vente des smartphones et des ordinateurs, les ventes du Quest 2 font logiquement pâle figure, et les logiciels de Meta, sur lesquels il compte construire son modèle économique, restent donc toujours réservés à une minorité d’équipés. Pour ne rien arranger à la situation, l’entreprise a récemment annoncé une augmentation de 100 dollars (soit +33% aux Etats-Unis) au prix du Quest 2, la justifiant par les conditions macro-économiques difficiles (prix des composants, crise de la logistique…).

Mais Mark Zuckerberg mise sur son prochain casque, qui sera présenté en octobre à la conférence Connect, pour changer la donne. Dans The Joe Rogan Experience, Mark Zuckerberg a indiqué que l’appareil intégrerait de nouvelles fonctionnalités comme le suivi des mouvements des yeux (eye-tracking) et du visage, ce qui permettrait de rendre les avatars plus humains, puisqu’ils feraient miroir avec les expressions des utilisateurs. Cette technologie devrait aussi fluidifier les interactions, puisqu’il sera enfin possible de voir où son interlocuteur regarde, ce qui rend les discussions à plusieurs confuses. Mais est-ce que ce sera suffisant pour convaincre de nouveaux utilisateurs ?

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