La Chine s’enrichit mais pas les chinois !
Avec des excédents commerciaux record, mais de fortes tensions sur le marché immobilier et une hausse du chômage des jeunes, la solidité de la Chine de Xi Jinping repose sur une « base fragile »constate Frédéric Lemaître correspondant du » Monde » à Pékin.
Omniprésent dans les discours politiques, le découplage des économies reste étrangement absent des statistiques. En juillet, la Chine a même pour la première fois de son histoire enregistré un excédent commercial supérieur à 100 milliards de dollars (97 milliards d’euros) : 101,3 milliards de dollars exactement. Un résultat mensuel spectaculaire qui n’a rien d’accidentel : sur les sept premiers mois de l’année, l’excédent s’est élevé à plus de 492 milliards de dollars. Les 313 milliards enregistrés sur la même période en 2021 apparaissent déjà bien loin. Pourtant, eux aussi constituaient à l’époque un record. Sauf effondrement de la demande mondiale d’ici à décembre, la Chine devrait donc connaître en 2022 un nouvel excédent commercial historique.
Qui achète à la Chine ? Tout le monde, les Etats-Unis en tête, suivis des Européens et des Asiatiques. Quatre ans après le début de la guerre commerciale lancée par Donald Trump et poursuivie peu ou prou par Joe Biden, le déficit américain envers la Chine reste abyssal (244 milliards de dollars sur sept mois). En 2022, les Etats-Unis ont moins vendu de biens aux Chinois que l’Union européenne, la Corée du Sud, le Japon… et même Taïwan. Qualifié de « deal historique » par Trump, le compromis conclu entre Pékin et Washington en janvier 2020 selon lequel la Chine devait acheter 200 milliards de dollars supplémentaires de biens américains restera dans l’histoire comme l’exemple même de l’accord commercial qui n’a jamais été respecté.
Même si elle monte en gamme, la Chine reste donc bel et bien l’atelier du monde. Est-ce une bonne nouvelle pour Pékin ? En partie seulement. Certes, être le premier partenaire économique d’environ 120 pays dans le monde lui accorde un statut privilégié. Après avoir interrogé des experts du Bengladesh, du Chili, d’Indonésie, du Kazakhstan, du Kenya, du Nigeria, d’Arabie saoudite et de Turquie, l’Institut allemand Merics observe une tendance générale de ces pays à plutôt pencher vers les Etats-Unis pour assurer leur sécurité mais plutôt vers la Chine pour leur économie. « Tous les pays examinés ici refusent de prendre parti. Leurs gouvernements espèrent continuer à saisir des opportunités nées de cette rivalité sino-américaine », écrit Merics dans une note publiée en août.
Mais cette dépendance est à double sens. Si les exportations restent le principal moteur de l’économie chinoise, c’est à la fois parce que son industrie est sortie renforcée de la crise due au Covid-19 et a pris des parts de marché à ses concurrents, mais c’est aussi parce que la consommation des ménages chinois continue de baisser. Grâce à l’export, la Chine s’enrichit, mais plus les Chinois. Malaise. Les importations de biens électriques ou électroniques diminuent. Le chômage des jeunes est au plus haut : il touche 18,4 % des 16-24 ans.
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