Archive mensuelle de août 2022

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Prisons : « Le vrai scandale » (Dominique Simonnot)

Prisons : « Le vrai scandale » (Dominique Simonnot)

 

Après la controverse suscitée par l’organisation du jeu « Kohlantess » à la prison de Fresnes, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté 

Dominique Simonnot s’indigne de l’hypocrisie des responsables politiques.

C’est l’immense événement de la rentrée ! Non, pas la guerre en Ukraine, ni les feux de forêt, l’eau qui manque partout, ou les pauvres qui dorment à la rue, non, le vrai « scandale » de ces derniers jours est ce jeu organisé à la prison de Fresnes, une des plus vétustes de France, surpeuplée à 144 %. Un jeu nommé « KohLantess », en référence au programme télévisé « Koh Lanta ». Trois équipes – surveillants, détenus, jeunes voisins libres de la ville – s’affrontent autour d’un quiz de culture générale, dans une course en portant des bassines d’eau, puis, d’un côté et de l’autre d’un baquet, pompeusement nommé « piscine », ils tirent sur une corde jusqu’à faire tomber l’adversaire à l’eau.

Enfin et c’est là tout l’objet du « débat », deux des 1 918 prisonniers de Fresnes (Val-de-Marne) participent dans la cour réaménagée de l’établissement à une course de kart.

 

Le « team surveillant » a gagné, chaudement félicité par le « team détenus ». Et le directeur de la prison a distribué – c’était le but de la journée – des chèques venus de dons et de sponsors à trois associations caritatives œuvrant pour les enfants.

Voilà le drame qui a déclenché une avalanche de déclarations indignées, furieuses, dénonçant des prisons « Club Med »« colonies de vacances », mettant en regard « les enfants qui ne partent pas à la mer » avec « des criminels » qui s’amusent en braillant, « sur le dos de nos impôts ». Une telle hypocrisie, c’est rare ! D’abord parce que cette journée n’a rien coûté aux contribuables, tous les frais ayant été réglés par la société de production. Ensuite, ces réquisitoires viennent d’élus et de responsables politiques qui, connaissant l’état honteux de nos prisons et leur surpopulation encore jamais atteinte dans notre histoire, osent, pour des raisons politiciennes, faire croire à nos concitoyens que la vie carcérale se résume à cette journée. Le vrai scandale, ce n’est pas le karting, mais l’état lamentable de nos prisons.

 

Auraient-ils oublié le formidable rapport parlementaire « Prisons, une humiliation pour la République », qui, en 2000, avait secoué la France, démontrant la vie affreuse du peuple des cellules. Un grand peuple de 72 000 habitants aujourd’hui entassés dans 60 700 places. Une partie d’entre eux, qui se trouvent dans des maisons d’arrêt (où sont détenus des condamnés à de courtes peines et des prévenus, donc présumés innocents), enfermés en cellule vingt-deux heures sur vingt-quatre, à deux, à trois, parfois même à six ou huit, voient cavaler des punaises de lit qui les piquent, des cafards qui leur galopent sur le corps.

Protéger les océans : une urgence

Protéger les océans : une urgence

Alors que les gouvernements négocient à l’ONU un nouveau traité sur la haute mer, une cinquantaine d’artistes et d’intellectuels européens et américains, parmi lesquels Jane Fonda, Javier Bardem, Alec Baldwin, Joanna Lumley ou Susan Sarandon, lancent, à l’initiative de Greenpeace, un appel dans « Le Monde » pour protéger ces espaces vitaux pour la planète.

L’avenir des océans se joue cette semaine aux Nations unies (à New York), où les gouvernements négocient un nouveau traité sur la haute mer. Le résultat déterminera le sort de notre Planète bleue pour les siècles à venir.

Nous avons besoin de nos océans. Ils maintiennent notre planète habitable. Ils fournissent de la nourriture et des moyens de subsistance à des milliards de personnes et abritent une grande

Mais ils sont en crise. De la pêche industrielle à l’exploitation minière en fond marin, les océans sont confrontés à de nombreuses menaces. Heureusement, plus de cent gouvernements ont rejoint les scientifiques, afin de soutenir une solution : protéger au moins 30 % des océans d’ici à 2030, l’objectif baptisé « 30×30 », afin de leur donner l’espace nécessaire pour se reconstituer.

Cet objectif est impossible à atteindre sans un accord solide.

Actuellement, les gouvernements n’ont aucun moyen de protéger la haute mer, c’est-à-dire les eaux situées en dehors des juridictions nationales. Un traité solide remédierait à cette situation en permettant la création de vastes sanctuaires marins, interdits aux activités humaines destructrices.

Agir est urgent. Les gouvernements ont commencé à discuter d’un nouveau traité il y a près de vingt ans. Alors qu’ils discutaient, la crise des océans s’est aggravée. D’innombrables espèces et habitats ont été détruits et même perdus.

Covid France 25 août 2022 :+21.289 cas supplémentaires en 24h.

On enregistre mercredi 24 août 2022 :  +21.289 cas supplémentaires en 24h., 153.762 morts au total, +57 morts supplémentaires. Le nombre de décès en EHPAD et EMS fait état de 29.095 (+5) décès au total. Le nombre total de décès en milieu hospitalier est lui de 124.667 (+52 en 24h).

Le taux de reproductivité R est de 0,79 le taux d’incidence à 182,30 et la tension hospitalière à 16,9 %. Le taux de positivité est à 0,0 %.

La France compte actuellement 15.551 (-129) personnes hospitalisées et 853 (-18) malades en réanimation.

 

Bilan des régions:

  • Ile-de-France : 4.385 (-50) hospitalisées, 299 (-4) en réanimation et +14 décès en 24h
  • Grand Est : 1.210 (-8) hospitalisés, 71 (-7) en réanimation et +3 décès en 24h
  • Hauts de France : 1.267 (-5) hospitalisés, 65 (-4) en réanimation et +5 décès en 24h
  • Auvergne Rhône Alpes : 1.347 (0) hospitalisés, 62 (0) en réanimation et +5 décès en 24h
  • Provence-Alpes Côte d’Azur : 1.559 (-10) hospitalisé, 61 (-1) en réanimation et +7 décès en 24h
  • Bretagne: 482 (-17) hospitalisés, 28 (-6) en réanimation et +2 décès en 24h
  • Normandie : 911 (+17) hospitalisés, 32 (0) en réanimation et +1 décès en 24h
  • Nouvelle-Aquitaine : 1.171 (0) hospitalisés, 72 (+3) en réanimation et +5 décès en 24h
  • Pays de la Loire : 265 (-4) hospitalisés, 26 (+1) en réanimation et +2 décès en 24h
  • Occitanie: 1.162 (-41) hospitalisés, , 54 (-7) en réanimation et +5 décès en 24h
  • Centre-Val de Loire : 714 (-7) hospitalisés, 27 (+4) en réanimation et +1 décès en 24h
  • Bourgogne-Franche-Comté : 626 (-24) hospitalisés, 28 (+1) en réanimation et +1 décès en 24h

 

«Koh Lantess -Fresnes:Le rôle de la prison (Alain Bauer)

«Koh Lantess -Fresnes:Le rôle de la prison  (Alain Bauer)

 

Régulièrement, à l’occasion d’une évasion, d’une récidive ou d’un évènement qui émeut l’opinion, on trouve un moment pour reparler de la prison, le plus souvent sous forme d’invectives ou de déclaration lénifiantes. ( l‘Opinion)

Celles et ceux qui s’émouvaient de la « Honte pour la République » au regard des conditions de traitement des prisonniers (mais aussi des personnels de l’administration pénitentiaire, des avocats, des visiteurs et éducateurs de prison, des familles,…) ne sont pas les derniers à condamner les initiatives locales, parfois plus que maladroites, qui semblaient pourtant répondre au chœur des lamentations humanistes des mêmes commentateurs.

Depuis l’Ordalie, jugement de dieu, qui réglait dans l’instant une partie des questions de culpabilité, d’innocence et de traitement de la peine, en passant par la peine de mort, le pilori, les travaux forcés, le bagne (y compris pour enfants), la perpétuité réelle, les débats sur la dureté insuffisante de la peine n’ont jamais vraiment cessé.

Invention moderne, l’emprisonnement n’était le plus souvent, en matière criminelle, qu’un moment relativement bref de rétention avant jugement, mise en esclavage ou exécution. Le traitement de la folie et la répression politique permettant la quasi-totalité des enfermements de longue durée.

L’Etat central français a ensuite pris le dessus et inventé la prison « répressive » au XIIIe siècle, aidé par l’Eglise catholique qui permet la création du mode d’enquête inquisitorial dont une large partie a survécu dans la « Patrie des droits de l’Homme et du Citoyen ». Dès 1670, La Grande ordonnance criminelle de Louis XIV, revenant aux principes anciens, souligne que l’emprisonnement ne constitue pas une peine mais une mesure préventive en attendant un jugement ou un châtiment. Michel Foucault l’a largement rappelé dans son « Surveiller et Punir ».

Le système judiciaire, magistrats et surveillants, personnels d’éducation et de santé, tentent de naviguer à vue en tenant des opérations visant à faire baisser la pression dans un univers dégradé et surchauffé dans cette période caniculaire

Bentham, Beccaria, Howard ont dès le XVIIIe siècle interroge la société sur ce qu’elle voulait faire de sa prison. Faut-il juste transformer la vengeance individuelle en sanction collective ? Punir, rééduquer, réinsérer, resocialiser, empêcher la retirance et la récidive…

L’Etat a ensuite, un peu partout dans le monde, inventé un « paradoxe pénitentiaire » qui tente de traiter une contradiction majeure entre les fonctions de répression et de réhabilitation de la prison, mais aussi de réparation vis-à-vis de la société et des victimes. Ne sachant que privilégier, faute de consensus, face aux revirements naturels de l’opinion et des médias lors de chaque tragédie mettant en cause un repris de justice mis en cause dans un viol, un meurtre, un attentat, les institutions ont navigué au jugé, à la godille, sacrifiant les initiatives souvent nécessaires à une forme de paix civile en prison et tenant de masquer le fait qu’on ne peut tenir un lieu d’enfermement collectif sans une forme de négociation sociale entre les enfermés et les surveillants.

Peu à peu, on a supprimé les châtiments corporels et les pratiques les plus barbares et inventé des mesures dites alternatives (assignation à résidence, placement sous surveillance électronique – une sorte de prison domiciliaire élargie –, probation…). Incapables de trancher devant tant d’injonctions contradictoires, de revirement de postures et de positions, le système judiciaire, magistrats et surveillants, personnels d’éducation et de santé, tentent de naviguer à vue en tenant des opérations visant à faire baisser la pression dans un univers dégradé et surchauffé dans cette période caniculaire.

Le Koh Lantless de Fresnes, faisant référence à un « jeu » auprès duquel le bagne pourrait faire office de Club Med, mais a surtout péché par sa mise en scène extérieure et son choix visiblement discutable de certains participants. Qu’aurait donc été la réaction politique et publique si la canicule avait provoqué des émeutes dans les prisons ?

On peut comprendre l’émotion des victimes et de leurs proches qui ne voient la prison que comme une punition qui devrait remplacer tout juste la loi du Talion. La grande confusion dans la présentation du rôle de la Prison, pourtant défini par des parlementaires qui devraient plus souvent visiter les maisons d’arrêts et lire attentivement les recommandations de la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, ne facilite pas la capacité pour le peuple citoyen et souverain au nom duquel on juge en France, de savoir quelle prison il veut et pour quoi faire.

Il serait peut-être temps de lui demander.

Alain Bauer, professeur de criminologie au Conservatoire national des arts et métiers, New York et Shanghai. Dernier ouvrage : Criminologie pour les nuls, First, 2021.

 

Aveugles: UN IMPLANT AVEC DES CELLULES DE PEAU DE COCHON

Aveugles: UN IMPLANT   AVEC DES CELLULES DE PEAU DE COCHON

D’après BFM des chercheurs affirment vouloir concevoir une solution abordable et facilement pour tous.

Des premiers résultats plus qu’encourageants. Une équipe de l’université de Linköping, en Suède, a annoncé dans Nature Biotechnology avoir réussi à rendre la vue à trois personnes non-voyantes. Cette avancée, dévoilée le 11 août dernier, a été rendue possible grâce à un implant conçu à partir de cellule de peau de cochon.

Ces cornées artificielles ont été installées sur vingt patients volontaires atteints d’un kératocône. Quatorze d’entre eux étaient devenus aveugles des suites de cette maladie évolutive. Si trois ont obtenu une vision complète grâce à l’implant, tous ont en partie retrouvé la vue.

Des solutions existent déjà pour les personnes qui souffrent de cette maladie, mais nécessitent des greffons humains, comme l’explique Sciences et Avenir. L’intérêt d’utiliser des cellules de peau de cochons est qu’il s’agit d’une matière première facile à trouver, et qui peut donc être accessible plus rapidement pour les plus de 12 millions de personnes qui seraient aveugles à cause d’un kératocône.

 

« KOH LANTESS »: l’hypocrisie générale !

« KOH LANTESS »: l’hypocrisie générale ! 

 

 

De toute évidence à l’occasion de la manifestation festive concernant la prison dE FRESNES, une grande partie de la population a sans doute découvert au moins en partie la réalité de la condition pénitentiaire.

 

Face à cette ignorance , beaucoup de politiques ont fait preuve d’une grande HYPOCRISIE. En effet contrairement à ce que peut penser une partie de la population, les activités culturelles ou sportives ne sont nullement interdites dans les prisons. Elles sont même recommandées  en tant  que facteurs de réinsertion. La réalité,  c’est qu’elles ne concernent  qu’une très petite partie de la population carcérale faute de moyens; quant à l’insertion professionnelle, elle est à peu près inexistante concernant des maisons d’arrêt comme Fresnes. Certes l’organisation d’une épreuve de karting n’a sans doute pas sa place dans la prison mais pour le reste il n’y a guère de différence entre un jeu type KOH LANTESS et les matchs de football habituel qui opposent  les détenus entre eux ou les détenus face aux surveillants. Et le communiqué du ministère de la justice témoigne de cette hypocrisie générale :

« Dès lors, si une autorisation de principe de la chancellerie a bien été donnée s’agissant de cette action et de sa médiatisation, c’est sans en connaître précisément les détails, notamment s’agissant de l’épreuve de karting et du bassin d’eau. Le garde des Sceaux ne pouvait pas davantage en être informé », ajoute les auteurs de l’enquête.

Croissance française : vers la récession

Croissance française : vers la récession

 

Jusque-là l’activité économique française avait relativement bien résisté comparée  à l’ensemble de l’Europe. Mais la seconde partie de l’année pourrait plonger la croissance vers la récession. En cause notamment une inflation qui ronge le pouvoir d’achat et la consommation notamment. Sans parler des autres incertitudes en particulier sur le plan géopolitique et de l’énergie. La croissance française a en effet plongé dans le rouge au mois d’août. L’indice PMI, celui des directeurs des achats, dévoilé ce mardi 23 août est passé en territoire négatif à 49,8 contre 51,7 en juillet. Il s’agit d’un plus bas depuis un an et demi. Pour rappel, l’activité est en repli quand l’indice est en deça de 50 points et en expansion quand il repasse au dessus. 

Les moteurs de l’industrie tricolore s’essoufflent. L’indice de l’industrie manufacturière s’est replié à 49 points en août contre 49,5 en juillet. Il s’agit d’un plus bas de 27 mois. Depuis le début de la pandémie en mars 2020, le Made in France est frappé de plein fouet par de multiples difficultés. Entre les pagailles dans les chaînes d’approvisionnement, le renchérissement des prix de l’énergie, les pénuries de composants et les fermetures de frontières, de nombreuses usines ont dû réduire la voilure, voire stopper leur production.

Toutes les industries dépendantes de l’étranger peinent toujours à se fournir en matières premières. En outre, les industriels doivent faire face aux conséquences désastreuses de l’inflation. En effet, la demande s’est effondrée ces derniers mois dans le secteur manufacturier. Ce recul de l’industrie pourrait avoir des répercussions en cascade dans de nombreux services.

Une partie des activités comptabilisées dans l’industrie auparavant sont désormais externalisées dans le tertiaire. Ainsi, même si le poids de l’industrie dans le PIB s’est fortement réduit, beaucoup de PME et TPE dépendent de l’activité industrielle. Enfin, même si la chute de l’euro face au dollar permet à l’industrie tricolore de gagner en compétitivité, cette dépréciation alimente les coûts de certaines importations libellées en dollar. Ce qui risque d’alimenter l’inflation importée de l’étranger.

Du côté des services, l’activité a ralenti au mois d’août à 51 points contre 53,2 points en juillet. Il s’agit d’un plus bas de 16 mois. Malgré cette inflexion, l’activité demeure en territoire positif dans les services. Le retour des touristes étranger après deux longues années de pandémie a permis de doper la demande sur le territoire et d’accélérer les exportations de services.

La chute de la demande domestique en 2022 pourrait cependant plomber la consommation de services d’ici la fin de l’année. Compte tenu du poids du tertiaire dans l’économie tricolore, la croissance pourrait ainsi marquer le pas à l’automne.

L’enquête suggère aussi qu’il y a peu d’espoir d’une amélioration à court terme: l’indice des nouvelles commandes dans la zone euro, dont dépend l’évolution future de l’activité, malgré une légère hausse à 47,7 après 47,6 le mois dernier, traduit une diminution des carnets de commandes pour le deuxième mois consécutif.

Le PMI « flash » des services, le secteur plus important, a reculé à 50,2 après 51,2, se rapprochant de la stagnation.

L’indice des prix facturés par les entreprises de services reste quant à lui très supérieur à sa moyenne de long terme même si sa hausse a un peu ralenti. Parallèlement, les prix payés ont légèrement diminué.

« Mais ils restent très élevés et avec la hausse des prix du gaz en Europe et le niveau toujours élevé des pressions à la hausse sur les prix, nous nous attendons à ce que l’inflation demeure élevée », explique Jack Allen-Reynolds, de Capital Economics.

« Au final, les enquête PMI sont cohérentes avec notre opinion selon laquelle la Banque centrale européenne va devoir poursuivre le resserrement monétaire même si l’économie tombe en récession », ajoute-t-il.

La BCE a déjà relevé les taux plus qu’attendu le mois dernier et elle devrait continuer d’augmenter le coût du crédit dans les mois à venir.

Economie, politique, société: les plus lus (24 août 2022 – 6h15)

Dette française : de 15 % à 113 % du PIB en 50 ans !

Dette française : de 15 % à 113 % du PIB en 50 ans  !

La dette de la France n’a pas cessé de se dégrader depuis les années 1970. Réduire le déficit de l’État est une préoccupation majeure depuis 1974. Pour la rentrée du gouvernement, voilà une comparaison entre la situation économique des années 1970 et celle d’aujourd’hui. Par Gabriel Gaspard, Chef d’entreprise à la retraite, spécialiste en économie financière.( la Tribune )

 

Il y a cinquante ans. Après Charles de Gaulle, Georges Pompidou, son ancien Premier ministre, devient le Président de la France entre 1969 et 1974. Lui succède Valéry Giscard d’Estaing de 1974 à 1981, son ancien ministre de l’Économie et des Finances. La monnaie à cette époque était le nouveau Franc. Le 15 août 1971, Richard Nixon (président des États-Unis d’Amérique de 1969 à 1974) suspend la convertibilité du dollar en or pour augmenter l’offre de monnaie et fait du dollar la principale monnaie de réserve.

Depuis cette date, il n’y a plus de lien entre le Franc et l’or. En 1972, le Franc fait partie des six devises du « serpent » monétaire, un système de taux de change mis en place par les six membres-fondateurs de la Communauté économique européenne. En 1973 est votée la loi « Pompidou-Giscard ». Elle précise que le Trésor ne peut s’endetter que de manière limitée auprès de la Banque de France :

« on a eu une loi stupéfiante [...]. On a obligé l’État à aller se financer sur le marché financier privé à 4 ou 5%, et, du coup, notre dette est maintenant à 90% du produit national brut. »

Michel Rocard (Premier ministre de 1993 à 1994), Mediapolis, Europe 1, 22 décembre 2012. In fine, même si en réalité, ce n’est qu’en 1993 que la loi sur l’indépendance totale de la Banque de France a été votée, elle ne finançait plus que 3% de la dette de la France. Il y a cinquante ans, les partenaires sociaux jouaient un rôle prépondérant dans la gestion de la Sécurité sociale. Les syndicats et le patronat géraient l’assurance-chômage. Pour la retraite, la réforme Boulin en 1971 vise à relever sensiblement le niveau des pensions et en 1972 la retraite complémentaire devient obligatoire.

Aujourd’hui, la France est dans la zone euro, sa monnaie est l’euro depuis 1 janvier 1999. Depuis l’arrivée de François Hollande à la présidence de la République en 2012 et « Mon adversaire, c’est le monde de la finance« , la France essaye toujours de réduire son déficit et sa dette extérieure malgré l’obligation de la France de respecter les critères de Maastricht. Les deux principaux critères prévoient qu’un pays membre doit avoir un déficit inférieur à 3% du Produit Intérieur Brut (PIB), et une dette inférieure à 60% du PIB. Ces critères ont été suspendus jusqu’à fin 2023. La France est présidée par Emmanuel Macron depuis 2017. Avant d’être président, il occupait la place de ministre de l’Économie et des Finances sous le mandat Hollande. La Banque de France est une des 17 banques composant le système UEM (Union économique et monétaire). La Banque centrale européenne (BCE) est la principale institution monétaire de l’Union européenne. Son objectif principal consiste à maintenir la stabilité des prix, en d’autres termes à sauvegarder la valeur de l’euro (article 127 TFUE).

Mais voilà : l’inflation en zone euro est à 8,9% en juillet 2022 loin des 2% et l’euro est en parité avec le dollar ; pour la Sécurité sociale, les compétences du Parlement en matière de finances sociales croissent et la présence de l’État, datant de 1996 avec la révision constitutionnelle et le vote de la loi de financement de la Sécurité sociale LFSS (ordonnance Premier ministre Jupé en 1997) se renforce ; la réforme de l’assurance-chômage est toujours en cours depuis 2019 : un calcul de l’allocation moins favorable, dégressivité pour les hauts revenus, bonus-malus et allongement de la durée de travail pour en bénéficier ; pour la retraite, après l’échec de la tentative de la réforme par points en 2019, plusieurs projets sont en débats. Après la réforme du Premier ministre Mauroy en 1982 et le passage de l’âge de la retraite de 65 à 60 ans, la proposition du gouvernement en 2022 est de reculer l’âge de la retraite à 65 ans. Le but est de réduire la participation de l’État dans le financement (impôts et taxes affecté + CSG).

Après la fin des Trente Glorieuse, la France a eu son premier choc pétrolier entre 1973 et 1979. La crise pétrolière de 1973 commence par une crise géopolitique lors de la Guerre du Kippour. En 1979, le deuxième choc pétrolier démarre avec la révolution iranienne et la guerre entre l’Iran et l’Irak qui éclate en septembre 1980. Ces événements signent l’arrêt des exportations iraniennes et le maintien des prix élevés sur le pétrole sur le long terme. Le déclencheur de la crise de l’énergie de 2020-2022 est le résultat de la récession liée à la pandémie et le déclenchement de la guerre en Ukraine. La réponse de la France : faire de l’énergie nucléaire comme Pompidou dans les années 1970.

La France avait-elle plus de « pognon de dingue » au début de 1970 qu’en 2018 ? Quelle est la place de la France dans le monde aujourd’hui et il y a cinquante ans ?(1)

  • Solde budgétaire de la France en % du PIB (en France le solde budgétaire de l’État est la différence entre le niveau des recettes et le niveau des dépenses constaté dans le budget de l’État). Avec G. Pompidou, 1969-1974, le solde public était de +0,1%. Avec François Hollande, 2012-2017, il passe à -3,5% et les économistes estiment à -5,5% le solde public entre 2017 et 2022 pour Emmanuel Macron.
  • La dette publique (la dette publique est l’ensemble des engagements financiers pris sous formes d’emprunts). À quelques exceptions, la dette publique a inexorablement progressé en France depuis le milieu des années 1970. Elle passe de 15% du PIB en 1974 à 112,9% en 2021. Une telle évolution ne saurait surprendre dans la mesure où 1974 a constitué le dernier exercice au cours duquel les administrations publiques ont affiché un excédent budgétaire.
  • Poids des prélèvements obligatoires (les prélèvements obligatoires (PO) sont l’ensemble des impôts et cotisations sociales prélevés par les administrations publiques et les institutions européennes). En 1970 les PO étaient à 33,6%, en 1975 ils passent à 35,1%, puis en 2021 à 44,3%. Il y a eu deux reculs des PO en 1992 à 40,7% et 2009 à 41,2%.
  • Solde commercial de la France (le solde commercial se calcule par la différence des exportations et des importations au cours d’une année). En 1971 les exportations de la France étaient de 17,6 milliards d’euros avec des importations de 16,7 milliards d’où un solde positif de 0,9 milliard d’euros. C’est à partir de 2004 que la France perd des parts de marché. En 2009 le solde est négatif à -45,4 milliards et passe à -84,8 milliards en 2021.
  • Chômage (moyenne par décennie depuis 1970 à 2021). De 1971 à 1980 : 3,6%, de 1981 à 1990 : 8,1%, de 1991 à 2000 : 9,8%, de 2001 à 2010 : 8,5%, de 2011 à 2017 : 9,9% et fin 2021 : 7,4%.
  • Inflation. L’inflation de 1970 à 1980 est passée de 5,2% à 13,6%. C’était l’ennemi numéro un et faisait comme aujourd’hui les gros titres de la presse. L’inflation fin 2022 dépassera peut-être les 6%. Cette nouvelle inflation est marquée par le choc de l’énergie comme après 1973. L’avenir nous dira s’il y a un parallèle entre les turbulences du présent et les deux chocs pétroliers des années 1970.
  • Croissance. En 1970 le PIB de la France était de 140 917 milliards d’euros, fin 2021 il est à 2 500 870 milliards. Soit par habitant 2 422 euros en 1970 et 36 520 euros en 2021, le taux d’enrichissement de la population est de 1 500% en cinquante ans. La France chute et arrive à la 28 éme place des pays au plus gros PIB par habitant.
  • Place de la France dans l’économie mondiale. Il y a un demi-siècle le PIB français représentait 4,4% du PIB mondial. Aujourd’hui il passe à 2,5%.
  • Un demi-siècle d’inégalités. Dans les années 1980, la part du 1% des plus riches dans le revenu global se remet à progresser pour retrouver son niveau d’avant-guerre. Cette part atteindra 13,6% à la veille de la crise de 2008. D’après les dernières données de source fiscale de World Inequality Database, la part du 1% des plus riches est aujourd’hui à 9,8% du revenu global, le même niveau que celui de 2009. En France aujourd’hui les riches sont plus riches mais moins nombreux.

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(1) Insee, Banque Mondiale, FMI, Country Economy, France-inflation, vie-publique, public-Sénat, etc.

Retour au 90 km/h… et au bon sens local !

Retour au 90 km/h… et au bon sens local  !

 

La question de la fin de la limitation des vitesses à 80 km/h sur les routes départementales refait surface en France : pour quel résultat ? Par Fabrice Hamelin, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)

 

Il est clair qu’une vision centralise imposant la même vitesse sur des infrastructures très différentes n’a guère de sens aussi bien pour le réseau départemental que pour les autres routes. Une régulation fine des vitesses adaptées au caractère des infrastructures reste encore à imaginer(.NDLR)

 

Avec les grands chassés-croisés de l’été, la sécurité routière retrouve une actualité médiatique. Après la discussion rouverte en juillet sur la sanction des petits excès de vitesse inférieurs à 5 km/h, le mois d’août réintroduit la question de la fin de la limitation des vitesses à 80 km/h sur les routes départementales.

De nouveaux départements rétablissent en effet une limite de vitesse à 90 km/h sur leurs routes, à l’exemple du Puy-de-Dôme, de l’Ardèche ou bientôt de l’Yonne.

L’assouplissement de la règle s’opère dans le cadre de la Loi d’Orientation des Mobilités du 26 décembre 2019, qui permet de déroger à l’abaissement à 80 km/h décidé il y a quatre ans. L’autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation peut fixer, pour les sections de routes hors agglomération relevant de sa compétence, une vitesse maximale autorisée supérieure de 10 km/h à celle prévue par le Code de la route. Le Président du conseil départemental, le maire ou le Président de l’établissement public de coopération intercommunale peuvent le faire sur la base d’une étude d’accidentalité et après avis de la commission départementale de la sécurité routière.

En juin 2019, au lendemain du renoncement du Premier ministre, Edouard Philippe, quarante-huit Présidents de département se disent favorables au retour à 90 km/h. Mais, début 2020, 17 départements ont effectivement rétabli le 90 km/h sur certaines de leurs routes. Moins de 15.000 km de routes sur 400.000 sont alors repassées à 90 km/h. Parmi ceux qui renoncent, figurent quelques hérauts du combat mené contre l’abaissement des vitesses autorisés. Le Tarn, qui avait voté le retour à 90 km/h sur 600 km de voies dès juin 2019, recule. Dans la Nièvre, le cahier des charges et les règles de sécurisation routière sont jugées trop coûteuses. D’autres présidents invoquent explicitement des motifs de sécurité routière, à l’exemple de la Loire-Atlantique.

Bien entendu, la crise Covid et le confinement ont créé une nouvelle conjoncture. Des départements, qui s’apprêtaient à relever les limitations de vitesse, diffèrent la mise en œuvre. Fin juin 2021, la possibilité de relèvement a été utilisée dans 37 départements et, mi-2022, dans quarante-cinq. Il s’agit de la moitié des départements métropolitains pour 50.000 km de voiries.

D’un département à l’autre, les situations sont contrastées. Plusieurs de ceux qui ont saisi l’opportunité offerte l’on fait sur l’ensemble du réseau départemental (Corrèze, Cantal, Ardèche bientôt), d’autres sur les axes les plus structurants (Charente et Haute-Marne). Mais, globalement, le kilométrage de voies repassées à 90 km/h reste faible. Il se situe le plus souvent entre 5 et 20 % de l’ensemble du réseau départemental.

Ce sont néanmoins les voies qui accueillent le plus de trafic et qui relient les communes les plus importantes des départements. En Haute-Marne, 476 kms repassés à 90 km/h accueillent plus de 85 % du trafic.

Les « stratégies » et le calendrier diffèrent, mais n’était-ce pas ce que les élus des territoires demandaient dès le début de la controverse ? Dans la presse quotidienne, ces logiques du « cas par cas » sont justifiée par le « bon sens », « la responsabilité » des élus, les « demandes des usagers » etc.

Pendant plusieurs mois, la « responsabilité » juridique du décideur semble freiner le retour au 90 km/h. Sa responsabilité pénale pourrait être engagée, en cas d’accident sur une route passée de 80 à 90 km/h.

Mais ce sont surtout les « conditions techniques », établies dans les recommandations des experts du CNSR, dès juillet 2019, qui rendent la dérogation compliquée. Les tronçons de relèvement de la vitesse doivent faire au moins dix kilomètres de long, être dépourvus d’arrêts de transport en commun, de croisements ou de fréquentation par les engins agricoles…

Dans les justifications du retour à 90 km/h, l’objectif de sécurité routière semble secondaire. Les élus départementaux et leurs représentants au Parlement ont fini par imposer l’idée du « parisianisme » de la mesure, vu dans l’allongement des temps de trajet, la perte de compétitivité économique et d’attractivité de leurs territoires. Ils ont rappelé l’absence de solutions de substitution à la voiture et dénoncé les promesses non tenues de l’État, auquel ils attribuent la dégradation des infrastructures routières.

Ils insistent sur les spécificités de leurs territoires et particulièrement en zones rurales. Enfin, leurs messages au gouvernement ont peu changé depuis le début de la contestation : « les départements ne sont pas que des poseurs de goudron », « nous connaissons nos routes », « ce n’est pas un combat politique mais un combat pour la ruralité » !

La dimension politique du combat mené est explicite. Les grands élus des territoires demandent au gouvernement de respecter les prérogatives des exécutifs départementaux. La décentralisation fait que 98 % du linéaire routier relève des collectivités territoriales et que ce réseau accueille plus de 75 % des kilomètres parcourus. Pour certains, le combat est devenu plus personnel. Ils y ont investi leur crédibilité politique et leur légitimité de porte-parole des habitants. C’est le cas en Côte d’Or, en Haute-Marne ou en Seine-et-Marne. Le retour à 90 km/h reste un choix politique « conservateur ». Début 2021, 29 des 32 départements qui ont choisi le retour à 90 km/h ont une majorité de droite et de centre droit. En août 2022, 33 départements disposent d’une majorité de droite. Le choix n’est-il pas aussi partisan ?

La prise de parole des élus n’a pas fait disparaître l’expertise, dont le rôle a été central dans la décision gouvernementale d’abaisser les vitesses. Dès juillet 2019, à la demande du gouvernement, le comité des experts du CNSR a donné des recommandations techniques pour aider les exécutifs départementaux à prendre leur décision. Sans surprise, les élus les plus engagés les dénoncent comme trop contraignantes et inadaptées aux réalités locales. Les recommandations des experts leur offrent une occasion supplémentaire de dénoncer la « duplicité » du gouvernement d’Édouard Philippe.

L’expertise intervient aussi directement dans les départements, du fait du rôle dévolu à la commission départementale de sécurité routière. Son avis est requis, mais il reste consultatif et les départements n’ont pas l’obligation de s’y conformer. En Haute-Marne, par exemple, la commission s’est déclarée opposée au retour au 90 km/h sur 14 des 15 routes proposées par l’exécutif départemental. Cela n’a en rien empêché le changement des panneaux.

Si l’intention gouvernementale est de faire émerger une décision fondée sur des données accidentologiques fiables, des élus y voient aussi une opportunité pour mettre tous les acteurs du département autour de la table. Cette étape sert à la consultation des partenaires de la sécurité routière tant réclamée au gouvernement. Elle permet même à des départements d’envisager de se doter de leurs propres outils de suivi de l’accidentalité, comme en témoignent des propositions de création d’observatoires départementaux de sécurité routière.

Bref, la démarche offre l’opportunité de remettre en cause le monopole d’expertise que détient l’appareil d’État et de mieux associer les collectivités territoriales et les acteurs privés à la formulation de la politique de sécurité routière.

Enfin, en juillet 2020, le CEREMA a rendu publique l’évaluation commandée en 2018 par le Edouard Philippe, alors Premier ministre. Dans son rapport, l’organisme d’État rappelle que la méthode d’évaluation a été décidée en concertation avec les « experts indépendants du CNSR » et soumise à l’avis d’« experts indépendants de divers pays ». L’évaluation s’avère d’ailleurs plutôt complète. Elle porte sur les vitesses pratiquées, l’accidentalité, l’acceptabilité et les effets économiques de la mesure. Cette évaluation « multi-angles » entend documenter scientifiquement la « clause de revoyure » octroyée par le gouvernement. Au regard de ce travail, tous les indicateurs semblent au vert pour le 80 km/h.

Les angles d’analyse choisis rendent cependant ces résultats politiquement peu utiles : la mobilisation contre le 80 km/h est ignorée, les résultats accidentologiques paraissent frustrants et le gain économique pour la société peu compréhensible pour les usagers et les élus. Psychologues, économètres et ingénieurs ne tiennent pas compte de l’action collective. La présentation des résultats intervient dans un contexte défavorable et à une période où les jeux sont faits. La question du 80 km/h intéresse moins et pas selon les angles choisis par les évaluateurs et le commanditaire.

Le temps a apaisé les controverses et séparé les combattants. Les arènes publiques se resserrent autour de l’espace médiatique et le système d’acteurs se réduit aux seuls groupes de pressions concernés et aux autorités publiques. La coalition des opposants au 80 km/h ne mobilise plus guère au-delà des lobbies pro-vitesse, des sites et des journalistes spécialisés. Dans l’autre camp, la coalition s’est fracturée.

 

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Par Fabrice Hamelin, Enseignant-Chercheur en science politique, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

L’enjeu de l’innovation en Europe

L’enjeu de l’innovation en Europe

L’innovation est essentielle pour mener à bien la double transition écologique et numérique et pour assurer l’autonomie stratégique ouverte de l’UE. Par Mariya Gabriel, commissaire à l’innovation, à la recherche, à la culture, à l’éducation et à la jeunesse ( la Tribune)

 

Le nouveau programme européen d’innovation, adopté par la Commission européenne en juillet, vise à libérer le potentiel d’innovation de l’Europe et à lui permettre de jouer un rôle de premier plan sur la scène mondiale de l’innovation, afin qu’elle devienne un endroit où l’innovation « deep tech » crée des solutions de pointe sur l’ensemble du continent.

C’est le résultat d’une coopération étroite avec nos parties intéressées, des innovateurs, qui sont désireux et capables de mener la nouvelle vague de l’innovation: «l’innovation deep tech». Ils disent au monde que l’Europe possède les avantages concurrentiels nécessaires pour devenir le moteur mondial des innovations deep tech et des start-ups, afin que la prochaine génération de chercheurs, de fondateurs et d’innovateurs puisse créer et développer ses activités en Europe.

Le nouveau programme d’innovation européen souligne notre détermination à rechercher des solutions aux défis sociétaux et économiques les plus pressants grâce à l’innovation deep tech. Son impact économique, commercial et social se fera sentir partout, car les entreprises de haute technologie visent à apporter des solutions concrètes à nos défis les plus complexes.

Les entreprises de haute technologie couronnées de succès font appel à une combinaison de talents pour relever un défi (notamment des scientifiques, des ingénieurs et des entrepreneurs). Elles sont au cœur d’un écosystème d’innovation complexe qui englobe les gouvernements, les établissements universitaires, le capital-risque et les grandes entreprises. En 2020, l’équipe de BioNTech et Pfizer a mis sur le marché le premier vaccin contre la COVID-19 en moins d’un an, démontrant ainsi la force de cet écosystème. Même si ces entreprises ont accompli des réalisations remarquables à un rythme sans précédent, elles ont bénéficié des efforts de nombreuses autres entreprises dans l’écosystème.

Comme le montre le fait que 97 % des entreprises deep tech contribuent à la réalisation d’au moins un des objectifs de développement durable des Nations unies, elles se concentrent sur des défis majeurs et fondamentaux. C’est pourquoi on les appelle des innovations «profondes». En général, elles produisent des biens physiques plutôt que des logiciels. Dans les faits, 83 % des jeunes entreprises de la deep tech développent des biens physiques. Elles transforment l’équation de l’innovation en passant des bits aux bits et atomes, en faisant entrer les données et la puissance de calcul dans le monde physique.

L’initiative appelée «Nouveau programme européen d’innovation» représente une avancée significative dans l’écosystème de l’innovation de l’Europe. Le plan permet à l’UE d’agir de manière décisive grâce à cinq initiatives phares prévoyant de nouvelles actions concrètes.

La première initiative phare vise à attirer les investisseurs institutionnels privés afin de créer des marchés financiers et de capitaux bien développés en élargissant l’action européenne de levier pour le capital-risque en faveur des entreprises en expansion «ESCALAR», pour European Scale-Up Action for Risk Capital, en proposant une législation relative à la cotation en Bourse et en mettant en œuvre des mesures spécifiques pour soutenir les femmes investisseurs.

Le deuxième effort phare est centré sur le soutien à l’innovation deep tech au moyen d’espaces d’expérimentation et de marchés publics, à savoir des installations d’expérimentation dans des universités qui pourraient être utilisées en collaboration avec des start-ups deep tech. Les cadres réglementaires proposés pour les «bacs à sable» aideront l’UE à suivre l’évolution rapide de la technologie, ce qui permettra d’évaluer les percées deep tech puis de les commercialiser dans l’UE.

La troisième initiative phare vise à accélérer et à renforcer l’innovation dans un véritable écosystème d’innovation paneuropéen couvrant l’ensemble de l’UE, ainsi qu’à combler le fossé en matière d’innovation. Il permettra d’établir et de relier des «vallées régionales de l’innovation deep tech» réunissant jusqu’à 100 régions, de faire d’Innospace – un guichet unique pour tous les acteurs de l’écosystème européen d’innovation, de doubler le nombre de vallées de l’hydrogène dans l’Union européenne et de lancer l’action «Scaleup 100» destinée à aider les 100 start-ups deep tech les plus prometteuses à devenir des licornes (c’est-à-dire des entreprises innovantes dont la valorisation dépasse 1 milliard d’euros).

Le quatrième programme phare assure le développement et la circulation des talents essentiels dans le domaine des technologiques profondes, au sein de l’UE et vers celle-ci. Il permettra de former 1 000 000 d’experts en haute technologie dans des domaines tels que les nouveaux matériaux, les batteries, la biologie synthétique, l’aérospatiale et les technologies quantiques. Il soutiendra l’entrepreneuriat féminin et attirera les talents mondiaux grâce à un outil innovant de mise en correspondance. En outre, de nouveaux mécanismes, tels que le réseau européen des établissements d’enseignement supérieur innovants, qui vient d’être dévoilé lors du sommet sur l’éducation et l’innovation, seront utilisés pour établir des liens étroits entre l’éducation et l’innovation.

La dernière initiative phare porte sur la production et l’utilisation d’ensembles de données complets et comparables et d’un répertoire de données commun susceptible d’éclairer les politiques à l’échelle de l’UE à tous les niveaux. L’initiative commencera par l’élaboration de définitions européennes précisant les notions de start-up, de scale-up et d’innovation deep tech.

Nous souhaitons une coopération étroite entre la Commission et les États membres afin que l’innovation européenne joue un rôle de premier plan pour relever les défis mondiaux d’aujourd’hui et de demain. Ce programme est un appel à l’action, nous sommes déterminés à le concrétiser.

Nous encourageons les États membres et les régions à s’appuyer sur nos propositions et à collaborer avec la Commission et les parties intéressées pour mobiliser des investissements, garantir des conditions-cadres favorables et mettre en œuvre les réformes nécessaires. Nous invitons également les universités, qui sont au carrefour de la recherche et de l’innovation, à jouer un rôle actif dans la mise en œuvre des actions, notamment par la promotion des compétences horizontales et entrepreneuriales.

De notre côté, nous continuerons à faire participer plus activement les innovateurs, les entrepreneurs et les citoyens aux discussions, à leur donner les moyens d’agir, à promouvoir les idées et à réagir de manière plus attentive aux demandes de la société. Il est essentiel que chaque région d’Europe en bénéficie.

Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons atteindre les objectifs du nouveau programme européen d’innovation, à savoir la création d’un écosystème d’innovation véritablement paneuropéen dans lequel personne ne sera laissé pour compte, en unissant nos efforts pour utiliser les talents, les atouts intellectuels et les capacités industrielles uniques de l’Europe.

Guerre en Ukraine :Le rôle stratégique de l’open source intelligence

Guerre en Ukraine :Le rôle stratégique de  l’open source intelligence

 

La guerre en Ukraine rappelle l’utilité stratégique de l’OSINT – Open Source Intelligence –, qui vise à exploiter les innombrables informations disponibles et à démêler le vrai du faux. Par Christine Dugoin-Clément, IAE Paris – Sorbonne Business School.

 

Avec l’invasion russe en Ukraine, l’OSINT connaît son heure de gloire. En effet, si l’open source intelligence - à savoir l’exploitation de sources d’information accessibles à tous (journaux, sites web, conférences…) à des fins de renseignement – est largement utilisée pour contrecarrer la diffusion de fake news et la désinformation, elle est aussi d’un grand secours tactique, voire stratégique, pour glaner des informations à caractère militaire.

Dans ce contexte, il paraît important de rappeler ce qu’est l’OSINT, ainsi que la façon dont elle est employée et les enjeux organisationnels et de gouvernance qui y sont liés.

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les partisans de Kiev ont largement recours à l’OSINT pour vérifier des informations diffusées sur Internet, particulièrement sur les réseaux sociaux, et, le cas échéant, démasquer les fausses nouvelles.

L’origine de l’OSINT remonte à la Seconde Guerre mondiale. C’est à cette époque que le président des États-Unis Franklin D. Roosevelt crée le Foreign Broadcast Monitoring Service (FBMS), qui a pour mission d’écouter, de transcrire et d’analyser les programmes de propagande conçus et diffusés par l’Axe. Développé à la suite de l’attaque de Pearl Harbor, ce programme deviendra le Foreign Broadcast Intelligence Service, appelé à être placé sous l’autorité de la CIA. En 1939, parallèlement à la structure américaine, les Britanniques chargent la British Broadcasting Corporation (BBC) de déployer un service destiné à scruter la presse écrite et les émissions radio pour produire des « Digest of Foreign Broadcasts », qui deviendront les « Summary of World Broadcasts » (SWB) puis le BBC Monitoring.

La guerre froide accentue ces pratiques d’observation des informations ouvertes, faisant rapidement de ces dernières un élément majeur du renseignement, voire sa principale source d’information, y compris sur les capacités et les intentions politiques adverses. Leur exploitation permet également d’identifier et d’anticiper les menaces et de lancer les premières alertes.

Pour autant, le terme d’OSINT n’apparaît réellement que dans les années 1980 à l’occasion de la réforme des services de renseignement américains, devenue nécessaire pour s’adapter aux nouveaux besoins d’information, notamment en matière tactique sur le champ de bataille. La loi sur la réorganisation du renseignement aboutit en 1992. Elle sera suivie en 1994 par la création, au sein de la CIA, du Community Open Source Program et du Community Open Source Program Office (COSPO).

Les attentats du 11 Septembre sont un « game changer » pour l’OSINT. En effet, c’est à la suite de la réforme de 2004 portant sur le renseignement et la prévention du terrorisme, l’Intelligence Reform and Terrorism Prevention Act qu’est créé, en 2005, le Centre Open Source (OSC) chargé de filtrer, transcrire, traduire, interpréter et archiver les actualités et les informations de tous types de médias.

Si l’OSINT est née de la nécessité de capter des informations à des fins militaires, le secteur privé n’a pas tardé à s’emparer de ces techniques, notamment dans la sphère de l’intelligence économique. Cette discipline a connu de nombreuses mutations au fil de son évolution : dans les premiers temps, il s’agissait d’accéder à des contenus recelant des informations parfois délicates à obtenir, mais l’explosion des nouvelles technologies a orienté davantage l’OSINT vers l’identification des informations pertinentes parmi la multitude de celles disponibles. C’est ainsi que se sont développés les outils et méthodes à même de trier ces informations et, particulièrement, de discerner celles susceptibles d’être trompeuses ou falsifiées.

Si l’OSINT a gagné ses lettres de noblesse en Ukraine en permettant de valider ou d’invalider certains contenus, notamment diffusés sur les réseaux sociaux depuis février 2022, il faut remonter plus loin dans le temps pour mesurer sa réelle montée en puissance.

En effet, dès la révolution du Maïdan en 2014, les séparatistes pro-russes duu Donbass et leurs soutiens diffusent un grand nombre de contenus dont la rhétorique, soutenue par Moscou, cherche à discréditer le nouveau gouvernement de Kiev. L’ampleur fut telle que les Occidentaux ont rapidement parlé de guerre hybride (même si le terme continue de faire l’objet de débats) pour décrire la mobilisation de l’information. On parle également d’« information warfare » – c’est-à-dire l’art de la guerre de l’information – qui sert en temps de conflits autant qu’en temps de paix.

Rapidement, des structures issues de la société civile sont mises en place afin de discréditer les fausses nouvelles dont le nombre explose sur la toile. Au-delà de ces initiatives, beaucoup d’internautes commencent à vérifier les contenus qui leur parviennent et à se familiariser avec des outils de base pour, par exemple, identifier ou géo-localiser une image, afin de voir si elle est réellement représentative du sujet qu’elle est censée illustrer.

Certaines communautés se spécialisent ainsi sur des domaines plus ou moins précis. À titre d’exemple, InformNapalm se consacre aux contenus touchant aux sujets militaires et, en ne se limitant pas seulement à l’Ukraine, a constitué une base de données qui recense notamment les pilotes russes actifs sur le théâtre syrien. C’est une force de l’OSINT : elle transcende les frontières physiques et permet ainsi le développement de communautés transnationales.

Ce savoir-faire, acquis par nécessité depuis 2014, s’est renforcé au fil du temps, notamment à la faveur des vagues de désinformation liées à la pandémie de Covid-19. Ces réseaux ont permis aux Ukrainiens et à leurs soutiens d’être immédiatement très opérationnels au début de la guerre. En outre, le besoin croissant des journalistes de vérifier leurs sources a aussi participé à développer le recours à l’OSINT qui, disposant d’une multitude d’outils souvent disponibles en Open Source, facilite la pratique de fact checking.

Ainsi, de nombreuses publications explicitent désormais comment, en utilisant des moyens d’OSINT, elles ont validé ou invalidé tel ou tel contenu.

On le voit, l’une des forces de l’OSINT consiste à s’appuyer sur une société civile parfaitement légitime à s’autosaisir en fonction de ses centres d’intérêt. Cette dynamique a permis la création de réseaux efficaces et transnationaux.

Cependant, si les États peuvent eux aussi déployer des compétences d’OSINT, un enjeu majeur demeure : coordonner les besoins et les capacités. En effet, les États pourraient avoir avantage à se saisir des réseaux efficaces de l’OSINT, particulièrement dans un contexte de conflit. Cependant, outre le risque relatif à l’infiltration de ces réseaux, la capacité de recenser les besoins de l’État et de mettre ces derniers en relation avec la communauté susceptible d’y répondre représente une difficulté majeure.

D’un point de vue organisationnel, à moyen et long terme, cela pose également la question de la structuration de la ressource OSINT pour les gouvernements. Dans le cas de l’Ukraine, le gouvernement est encore jeune, l’indépendance remontant à août 1991. En outre, contraint depuis 2014 de faire face à un conflit puis, depuis février 2022 à à une invasion massive, la problématique peut être difficile à résoudre. De fait, il s’agit de trouver un équilibre entre l’urgence de la gestion quotidienne du conflit et la mise en place d’une organisation dont la finalité serait de manager l’OSINT au regard de la centralisation des besoins, de leur transmission ou du renforcement d’un vivier de compétences.

Pour essayer de répondre à cette problématique, un projet d’audit des besoins, préalable à l’élaboration d’un cadre organisationnel et juridique, a été mis en place. Piloté par l’Institute for Information Security - une ONG créée en 2015 et centrée sur les enjeux relatifs à la sécurité de l’information tant pour l’État que pour la société et les individus -, le projet « Strengthening the Institutional Capacity of Public Actors to Counteract Disinformation » (Renforcement de la capacité institutionnelle des acteurs publics à lutter contre la désinformation) a débuté en avril 2022 alors que le conflit faisait déjà rage. Il doit aboutir en mars 2023. Son objectif est d’améliorer la capacité institutionnelle des autorités publiques et des institutions de la société civile ukrainienne pour identifier et combattre la désinformation.

Parallèlement, un projet de Centre d’excellence de l’OSINT est mis en route, notamment porté par Dmitro Zolotoukhine, vice-ministre ukrainien de la politique d’information de 2017 à 2019, et mené en partenariat avec l’Université Mohyla de Kiev et avec le secteur privé, notamment ukrainien. Son objet est de construire un pont entre les différentes strates de la société pour constituer un lieu de recherche et de développement. Cette démarche s’inscrit clairement dans le droit fil de celle qui a présidé à la création des Centres d’excellence pilotés par l’OTAN – qui, à Tallinn, portent sur la cyberdéfense, à Riga sur la communication stratégique et à Vilnius sur la sécurité énergétique - ou encore dans celle du Centre d’excellence européen pour la lutte contre les menaces hybrides d’Helsinki.

Reste à savoir si les Occidentaux qui soutiennent l’Ukraine soutiendront également ce projet alors même que ce pays est aujourd’hui un point phare de l’OSINT et que l’UE, qui prend très au sérieux les risques liés à la désinformation, tout particulièrement depuis la pandémie, vient de renforcer son arsenal contre ces menées hostiles, notamment au travers de son code de bonnes pratiques paru en 2022.

Finalement, même si beaucoup de nos concitoyens associent l’OSINT à l’Ukraine et à l’invasion russe, la cantonner à la guerre en cours serait excessivement restrictif. Là encore, le conflit ukrainien est en passe de servir de révélateur d’enjeux qui dépassent largement les frontières physiques du pays.

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Par Christine Dugoin-Clément, Analyste en géopolitique, membre associé au Laboratoire de Recherche IAE Paris – Sorbonne Business School, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chaire « normes et risques », IAE Paris – Sorbonne Business School.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

L’arnaque de Twitter !

L’arnaque de Twitter !

Twitter aurait privilégié la progression du nombre d’utilisateurs au lieu de la lutte contre les comptes de spams, selon le document d’un lanceur d’alerte. Il ne s’agit pas d’une véritable surprise quand on sait que les revenus de ce réseau dit social (et ceux  des concurrents) sont fondés  sur les recettes de la publicité qui dépendent du volume d’utilisateurs).

Twitter a induit les régulateurs américains en erreur concernant sa capacité à se défendre contre les pirates informatiques et les comptes de spam, selon une plainte déposée par ce lanceur d’alerte.

L’ancien chef de la sécurité du réseau social, Peiter Zatko, a indiqué dans sa plainte que Twitter avait affirmé à tort avoir un plan solide en matière de sécurité.

La plainte a été déposée le mois dernier auprès de l’organisme américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers, du département de la Justice, ainsi qu’auprès de la FTC (Federal Trade Commission).

Twitter aurait privilégié la progression du nombre d’utilisateurs au lieu de la lutte contre les comptes de spams, selon le document.

Ces accusations interviennent alors que Twitter a intenté un procès contre Elon Musk pour violation du contrat de rachat du réseau social pour 44 milliards de dollars (44 milliards d’euros).

Le patron de Tesla a mis fin début juillet à l’accord de rachat de Twitter, accusant le groupe d’avoir manqué à ses obligations contractuelles en fournissant notamment des données erronées ou incomplètes sur le nombre de faux comptes, des accusations rejetées par le réseau social.

 

Après l’Ukraine,revoir complètement la politique étrangère française

Après l’Ukraine,revoir complètement la politique étrangère française 

 

Le projet de souveraineté européenne doit être repensé en fonction d’une menace russe qui va perdurer, analyse l’ancien diplomate, Michel Duclos, ancien diplomate et conseiller spécial à l’Institut Montaigne dans une tribune au « Monde » Une vision qui évidemment va à l’encontre du courant pro-russe d’une grande partie de la diplomatie française.

C’est de nouveau « par le fer et le sang », du fait de l’agression russe en Ukraine, que se modifie la carte politique de l’Europe. Les conséquences pour la France sont évidemment profondes, au point que des pans entiers de sa politique étrangère apparaissent désormais à reconstruire. Nous en donnerons trois illustrations.

D’abord en Europe même. Les Français souhaitaient une Europe plus souveraine pour la mettre en mesure de se protéger des turbulences du monde et lui permettre de jouer un rôle face au binôme sino-américain en gestation. Ils pensaient que le problème russe devait être traité par la fermeté, certes, mais aussi par un dialogue stratégique tenant compte des intérêts légitimes de Moscou.

Cette vision de la relation avec le Kremlin, peu partagée par nos partenaires, a été démentie par les événements. Depuis le 24 février, la France a d’ailleurs rejoint les autres Européens, parfois les a devancés, dans la politique de sanctions contre la Russie et d’aide militaire, économique et politique à l’Ukraine. Toutefois, la longue patience des autorités françaises à l’égard de Vladimir Poutine – jointe à des positions hétérodoxes sur l’OTAN – a entamé notre crédit auprès des Européens de l’Est et du Nord. Ceux-ci considèrent qu’ils avaient mieux compris le sens de l’histoire. La même décote s’applique à l’Allemagne. Le risque est qu’une majorité d’Européens estiment qu’il y ait lieu d’abandonner tout agenda d’autonomie de l’Union européenne (UE) pour mieux pérenniser la protection américaine.

Comment renverser cette tendance ? Sur le plan intellectuel, nos dirigeants doivent se convaincre que la Russie de Poutine sortira diminuée de sa folle entreprise mais encore plus agressive dans son approche de l’Europe. Elle conservera des capacités de déstabilisation considérables vis-à-vis de ses anciennes terres d’empire, mais aussi – par des pressions économiques et politiques – à l’égard de l’Europe de l’Ouest. Elle a démontré qu’elle n’éprouve aucune inhibition devant le recours à la force – appuyé sur son statut de puissance nucléaire.

En déclin, le Royaume-Uni paye la facture du Brexit

En déclin, le Royaume-Uni paye la facture du Brexit

 

 

Un papier du Monde souligne les conséquences des choix néolibéraux hasardeux du Royaume-Uni qui paye aussi la facture du Brexit.

 

Faute d’amortisseurs sociaux, les chocs économiques sont souvent ressentis plus violemment par la population au Royaume-Uni qu’ailleurs sur le continent européen. La tempête économique et sociale qui se lève outre-Manche confirme ce constat. Avec un taux d’inflation annuel supérieur à 10 % et un pic prévu à 13 % dès octobre, les Britanniques endurent les pires hausses de prix des pays du G7. Le coût des denrées alimentaires s’envole tandis que celui de l’énergie, faute de bouclier tarifaire, aura quasiment triplé en un an.

Conjuguée à une croissance en berne, cette hausse vertigineuse des prix produit la pire situation économique enregistrée depuis les années 1970. Si l’on ajoute les dégâts du Brexit et du Covid-19, le Royaume-Uni menace de régresser en « un marché émergent », analyse la banque danoise Saxo. Sortant de leur réserve, les dirigeants du Service national de santé (NHS) mettent, de leur côté, en garde contre le risque d’« une crise humanitaire » liée à l’appauvrissement de la population.

Dans ce contexte, la multiplication des grèves destinées à obtenir des augmentations de salaire n’a rien d’étonnant. Après les cheminots et les employés du métro londonien, les 1 900 membres du syndicat Unite employés dans le port de Felixstowe (est de l’Angleterre), qui traite 40 % du commerce britannique par conteneurs, ont commencé, dimanche 21 août, une grève de huit jours pour réclamer « une augmentation de salaire correcte » et non les 7 % proposés par la direction. A ces mouvements s’ajoutent des mouvements de la société civile, comme « Don’t Pay UK », qui menace d’une grève du paiement des factures d’énergie.

La situation politique ne fait que renforcer l’impression d’un pays en roue libre. Moins de deux mois après avoir été évincé de la tête du Parti conservateur, le longtemps vibrionnant premier ministre Boris Johnson ne fait qu’expédier les affaires courantes. La charge de désigner son successeur, dont le nom sera connu le 5 septembre, incombe bizarrement aux 200 000 adhérents des tories, qui, plutôt âgés, fortunés et très conservateurs, ne représentent nullement la population. Les deux candidats qui se disputent leurs suffrages – la ministre des affaires étrangères, Liz Truss, favorite des sondages, et l’ancien chancelier de l’Echiquier Rishi Sunak – rivalisent de promesses de baisses d’impôts et de révérence envers Margaret Thatcher, icône de l’ultralibéralisme des années 1980.

En promettant des coupes claires dans les budgets sociaux, en assénant, comme Mme Truss, que les Britanniques devraient « bosser plus », sans proposer de solution aux faiblesses de l’économie britannique – formation et infrastructures déficientes faute d’investissements publics suffisants –, ils ne font que souffler sur les braises d’un mécontentement auquel l’opposition travailliste peine à proposer un débouché politique crédible.

La prééminence donnée à l’idéologie sur le pragmatisme – vertu prétendument britannique –, qui a déjà abouti à la catastrophe du Brexit, risque de prolonger, voire d’aggraver la situation déjà dégradée laissée par M. Johnson, dont les mensonges ont amplifié le divorce entre opinion et monde politique. La crise économique et l’instabilité pourraient accroître la tentation d’actionner les rhétoriques antieuropéenne et nationaliste. Au moment où les menaces s’accumulent partout en Europe, mettant en lumière la nécessité de renforcer les solidarités, la crise au Royaume-Uni sonne comme un avertissement pour tous ses voisins.

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