Après incendie, Une autre politique de régénération des forêts
Replanter des arbres, surtout d’une même espèce ou faiblement diversifiés, n’est pas toujours le choix le plus avisé, explique dans une tribune au « Monde » Sylvain Angerand, ingénieur forestier et coordinateur de l’association Canopée, qui appelle à une remise à plat de la filière bois.
Avec plus de 60 000 hectares de forêts partis en fumée, cet été a marqué le retour des grands incendies en France. Un risque qui ne va faire que croître avec les changements climatiques et qui devrait nous inciter à repenser en profondeur notre politique forestière. Pourtant, l’annonce d’un grand chantier national de reboisement pourrait produire l’effet inverse et affaiblir encore davantage nos forêts en cédant au lobbying d’une partie de la filière.
L’empressement à vouloir planter des arbres est, avant tout, une stratégie de communication destinée à rassurer l’opinion publique en donnant l’illusion d’une maîtrise de la situation et d’un retour rapide à la normale. Mais c’est aussi l’aveu d’une profonde incompréhension de la part de la puissance publique des enjeux forestiers, car planter des arbres n’est pas toujours le choix le plus avisé. Surtout après un incendie, il est le plus souvent préférable de laisser la forêt se régénérer naturellement. Une option plus efficace et moins coûteuse dans de nombreuses situations.
De plus, les plantations d’arbres sont encore trop souvent monospécifiques ou très faiblement diversifiées, ce qui est pourtant indispensable pour renforcer la résistance et la résilience des peuplements face à de nombreux aléas comme les sécheresses, les tempêtes, les maladies ou encore les incendies. Même sur des sols très pauvres comme dans les Landes, où il est difficile de se passer du pin maritime, il est toujours possible d’introduire, en mélange, des feuillus comme le chêne-liège ou le chêne tauzin pour renforcer les peuplements.
L’intérêt du mélange est solidement étayé scientifiquement et, pourtant, il peine à s’imposer comme une condition aux aides publiques ou comme une règle à respecter dans les plans de gestion. Après la tempête de 2009 dans les Landes, la quasi-totalité du massif appartenant à des propriétaires privés a été replantée en monoculture avec l’aide de l’argent public.
Le constat est similaire pour les aides plus récentes du plan de relance qui, faute d’écoconditions suffisantes, ont été détournées par une partie des acteurs pour planter des monocultures, parfois en remplacement de forêts en bonne santé mais jugées peu rentables économiquement (rapport « Planté ! Le bilan caché du plan de relance forestier », Canopée, mars 2022).
Ces dérives ne sont pas le fruit du hasard, mais le résultat de l’abandon des pouvoirs publics à construire une politique forestière intégrant l’ensemble des enjeux. Tiraillée entre quatre ministères, la forêt ne bénéficie pas d’un portage politique fort capable de défendre et de trancher en faveur de l’intérêt général. Elle est laissée au seul jeu d’influence des acteurs, la règle au sein de la filière étant de ne surtout pas pointer du doigt les dérives de certains.
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