Après l’Ukraine,revoir complètement la politique étrangère française
Le projet de souveraineté européenne doit être repensé en fonction d’une menace russe qui va perdurer, analyse l’ancien diplomate, Michel Duclos, ancien diplomate et conseiller spécial à l’Institut Montaigne , dans une tribune au « Monde » . Une vision qui évidemment va à l’encontre du courant pro-russe d’une grande partie de la diplomatie française.
C’est de nouveau « par le fer et le sang », du fait de l’agression russe en Ukraine, que se modifie la carte politique de l’Europe. Les conséquences pour la France sont évidemment profondes, au point que des pans entiers de sa politique étrangère apparaissent désormais à reconstruire. Nous en donnerons trois illustrations.
D’abord en Europe même. Les Français souhaitaient une Europe plus souveraine pour la mettre en mesure de se protéger des turbulences du monde et lui permettre de jouer un rôle face au binôme sino-américain en gestation. Ils pensaient que le problème russe devait être traité par la fermeté, certes, mais aussi par un dialogue stratégique tenant compte des intérêts légitimes de Moscou.
Cette vision de la relation avec le Kremlin, peu partagée par nos partenaires, a été démentie par les événements. Depuis le 24 février, la France a d’ailleurs rejoint les autres Européens, parfois les a devancés, dans la politique de sanctions contre la Russie et d’aide militaire, économique et politique à l’Ukraine. Toutefois, la longue patience des autorités françaises à l’égard de Vladimir Poutine – jointe à des positions hétérodoxes sur l’OTAN – a entamé notre crédit auprès des Européens de l’Est et du Nord. Ceux-ci considèrent qu’ils avaient mieux compris le sens de l’histoire. La même décote s’applique à l’Allemagne. Le risque est qu’une majorité d’Européens estiment qu’il y ait lieu d’abandonner tout agenda d’autonomie de l’Union européenne (UE) pour mieux pérenniser la protection américaine.
Comment renverser cette tendance ? Sur le plan intellectuel, nos dirigeants doivent se convaincre que la Russie de Poutine sortira diminuée de sa folle entreprise mais encore plus agressive dans son approche de l’Europe. Elle conservera des capacités de déstabilisation considérables vis-à-vis de ses anciennes terres d’empire, mais aussi – par des pressions économiques et politiques – à l’égard de l’Europe de l’Ouest. Elle a démontré qu’elle n’éprouve aucune inhibition devant le recours à la force – appuyé sur son statut de puissance nucléaire.
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