« Qu’est-ce que lire ? »
Paul Mathias décrypte l’art de parcourir un texte, sur quelque support que ce soit, dans un volume de la série « Qu’est-ce que lire ? », des éditions Vrin. Chronique dans le » Monde »
« Qu’est-ce que lire ? », de Paul Mathias, Vrin, « Chemins philosophiques », 130 p., 9 €.
Ne nous laissons pas abuser par la présentation quelque peu scolaire de l’excellente série « Qu’est-ce que ? », chez Vrin, où un exposé sur une question ou une notion est prolongé par des commentaires de textes. La riche réflexion sur l’acte de lire menée ici par Paul Mathias, inspecteur général, ancien président du jury de l’agrégation de philosophie et auteur d’ouvrages remarqués sur Plotin, Montaigne et la philosophie de l’Internet, captive autant par son originalité que par la clarté pédagogique de son propos.
Car le philosophe s’est attaché à enraciner son analyse dans l’expérience même du lecteur afin de proposer une « phénoménologie » de la lecture, c’est-à-dire une description fine de ce qui se passe et se manifeste quand on se livre à l’effort de laisser courir son regard sur une page maculée de signes noirs.
Tout d’abord, un paradoxe. Nous percevons sous la forme apparente d’un flux de sens, dont nous allons jusqu’à oublier parfois qu’il se présente à nous matérialisé sur une feuille écrite, la réalité d’un déchiffrage de lettres, de mots, de propositions et de phrases. Cela montre que ni le décryptage neurologique du « lire » ni la succession des changements de supports de lecture à travers les âges ne suffisent à rendre compte du phénomène. Certes, les mutations techniques du livre, du rouleau antique, que l’on déploie, au codex, avec ses feuilles que l’on tourne, le recul relatif de l’oralité avec le passage à la lecture silencieuse, tel qu’il est décrit dans des pages célèbres des Confessions, de saint Augustin, et l’irruption récente de l’écran ont une évidente influence sur notre pratique de lecteur. Mais celle-ci ne s’y réduit pas.
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