Planification écologique : c’est pour quand ?
Il faut souhaiter que les situations d’urgence vécues depuis le début de l’été accélèrent une prise de conscience qui résiste au passage des saisons. La salutaire planification écologique annoncée par le gouvernement attend toujours d’entrer dans les faits. Or, le temps presse Estime un papier du Monde.
Le dérèglement climatique a quitté cet été les rapports austères pour s’imposer plus que jamais dans la vie de millions de Français. Ces derniers sont soumis tour à tour à des canicules impitoyables et à des phénomènes orageux particulièrement violents, comme celui qui vient de frapper la Corse. L’heure est malheureusement aux superlatifs, avec des sécheresses sans précédent qui n’épargnent plus aucune région, accompagnées d’incendies dévastateurs. Habituée à porter secours, la France a été contrainte d’appeler cette fois-ci à l’aide ses partenaires européens pour les juguler. Le tribut versé par la faune et la flore à ces catastrophes promet d’être élevé.
L’eau, une ressource longtemps considérée comme abondante, devient un sujet grandissant de tensions entre ses utilisateurs, confrontés à la généralisation de restrictions dans une bonne partie des départements. Tensions qui sont allées jusqu’au vol, en Ardèche, dans un réservoir consacré à la lutte contre les incendies, une triste première. Elaborée à une époque probablement révolue, la gestion française de la ressource hydrique menace d’être inadaptée à une ère de pénuries.
Il est sans doute trop tôt pour évoquer une accélération du réchauffement du climat par rapport aux trajectoires de long terme, déjà sombres, du groupe d’experts des Nations unies consacré à son évolution, le GIEC. Le météorologue et climatologue Robert Vautard, qui en est membre, se garde de trancher dans nos colonnes, mais estime néanmoins que les modèles sur lesquels les scientifiques s’appuient localement « donnent une vision un peu trop optimiste pour le futur ». Ce constat ne peut qu’alimenter l’anxiété liée au dérèglement climatique.
Il faut souhaiter que cet été de catastrophes accélère une prise de conscience qui résiste au passage des saisons. Par le passé, d’autres épisodes de sécheresse ont été suivis sur l’instant des discours volontaristes qui se sont étiolés l’automne suivant, ou bien lorsqu’une année plus proche de ce qui était la norme leur a succédé.
Face aux situations d’urgence vécues depuis le début de l’été, la majorité des réponses a privilégié l’adaptation : renforcement des moyens de lutte contre les incendies, meilleur usage des ressources hydriques, y compris celui des eaux usées, rupture avec une activité sylvicole favorisant la monoculture qui fragilise les forêts face au feu.
Rien de significatif, en revanche, n’a été dit de la lutte indispensable et structurelle que la situation exige contre le réchauffement. Négligée pendant la campagne présidentielle, marquée par le résultat décevant du parti censé incarner les préoccupations environnementales, elle a été brièvement remise en haut de la pile dans l’entre-deux-tours par le président sortant, Emmanuel Macron. Avant d’être à nouveau reléguée sur l’échelle des priorités au début d’une session parlementaire dominée sur tous les bancs, de la gauche à l’extrême droite, par la question du pouvoir d’achat, y compris aux dépens de l’environnement, à l’unisson de l’opinion publique.
La salutaire planification écologique annoncée par le gouvernement attend toujours un début de traduction dans les faits. Le temps presse pourtant, pour une crise qui ignore les frontières et qui requiert donc une réponse multilatérale. Pour prôner sans aucun doute et à bon droit l’exemplarité lors de la COP27, la conférence sur le changement climatique prévue en novembre à Charm El-Cheikh, en Egypte, la France se doit au préalable de se montrer elle-même exemplaire.
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