Vers une réduction consommation énergétique des bâtiments tertiaires

 Vers une réduction consommation énergétique des bâtiments tertiaires

OPINION. À l’heure où l’État français vise une neutralité carbone à horizon 2050, le Dispositif Éco Efficacité Tertiaire (DEET), également appelé « décret tertiaire », n’est pas un énième coup d’épée dans l’eau. Par Alric Marc, fondateur d’Eficia ( dans la Tribune)

 

S’inscrivant dans le prolongement des rapports du GIEC et plus spécifiquement de la loi ELAN promulguée en 2018, cette nouvelle réglementation en vigueur depuis fin 2019 tend à réduire considérablement et progressivement la consommation énergétique des bâtiments tertiaires de l’Hexagone, responsables à eux seuls d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre. Elle s’adresse aussi bien aux propriétaires qu’aux locataires de bâtiments dont la surface d’exploitation est supérieure ou égale à 1 000 m2 et constitue de fait un véritable levier de massification de la rénovation énergétique du parc tertiaire, autant public que privé.

Et sa mise en œuvre va prochainement se concrétiser par une première étape le 30 septembre prochain, date à laquelle les entreprises devront impérativement avoir leurs données de consommation énergétique finale de 2020 et 2021 sur la plate-forme Operat de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).

Si de nombreuses mesures imposées par l’État peuvent rimer avec charge supplémentaire et complexité, ce n’est pas le cas du décret tertiaire. L’amende administrative de 1500 euros pour les personnes physiques (et 7500 euros pour les personnes morales) en cas de non-respect pourrait presque paraître facultative tant il est intéressant pour une organisation de suivre cette réglementation, sans que cela ne soit trop fastidieux.

En effet, après avoir déclaré les surfaces auxquelles elle est assujettie et choisi un seuil ou une année de référence liés aux objectifs demandés, le décret lui permet de faire un état des lieux de la construction et d’étudier toutes les solutions d’amélioration possibles pour calculer le retour sur investissement généré. Si celui-ci est inférieur à 6 ans, mais que l’entreprise décide de ne pas effectuer pas les travaux, elle est obligée de le justifier. Cependant, à dire vrai, aujourd’hui, les solutions sur le marché sont rentabilisées en 1 ou 2 ans, d’autant plus si elles sont cumulées. Ce décret constitue un facteur clé dans la levée de certains freins et va agir à plusieurs niveaux, y compris en faveur de l’éducation à la transition écologique de l’ensemble des collaborateurs. Il permet aux entreprises de découvrir des solutions performantes et de faire à termes des économies substantielles surtout en cette période où les montants des contrats de fourniture d’énergie vont potentiellement tripler.

En résumé, tout en offrant aux entreprises la possibilité d’être plus vertueuses via les différentes actions qu’elles doivent entreprendre (améliorer la performance énergétique des bâtiments ; installer des équipements performants et mettre en place des dispositifs de contrôle et gestion active de ces appareils ; faire évoluer le comportement des occupants), le décret tertiaire va permettre de limiter l’impact de l’inflation et accompagner la conduite du changement.

S’il n’existait pas, il faudrait l’inventer. Les entreprises n’ont d’ailleurs plus d’excuses, car de nombreuses aides financières sont proposées par les pouvoirs publics. Par exemple, l’ADEME peut financer 50% du coût d’une assistance à maîtrise d’ouvrage qui réalisera les études et interventions nécessaires au Contrat de performance énergétique (plafond : 100.000 euros). Il est également possible d’activer les Certificats d’économie d’énergie (CEE), accordés sous forme de primes et permettent de réduire le coût des travaux de 30 à 60%.

Toutefois, s’il s’applique déjà aux industriels et aux transports, force est de constater qu’il reste limité dans la mesure où il ne tient pas compte de certains critères fondamentaux, tels que les achats effectués à l’étranger qui engendrent une dette carbone considérable. Il mériterait d’être enrichi pour pouvoir répondre aux problématiques qui peuvent se poser à nous dans ce contexte de crise. Par exemple, pourquoi ne pas instaurer une taxe carbone proportionnelle aux émissions de carbone aux frontières ? Les entreprises pourraient ainsi quantifier dans le détail leur empreinte carbone. En y intégrant certaines données, sa portée impacterait l’ensemble de la chaîne de valeurs d’une organisation et deviendrait mondiale. Mais en dépit de cette analyse, le décret va avoir des effets à la fois en termes sociaux, économiques et environnementaux qui seront ressentis prochainement.

Avec le décret tertiaire, les enjeux sont de taille : réduire les consommations d’énergie d’au moins 40% d’ici à 2030, 50% d’ici à 2040 et 60% d’ici à 2050. Associé au décret BACS (« Building Automation & Control Systems ») qui oblige à installer des systèmes de régulation intelligents à échéance 2025 si la puissance nominale de chauffage du bâtiment est > 290 kW, le retour sur investissement pour une entreprise et ses effets bénéfiques à l’échelle micro comme macro n’en seront que plus rapides. Ces réglementations viennent renforcer l’idée qu’il est temps, plus que jamais, d’agir pour l’avenir, mais qu’il reste aussi beaucoup à faire.

 

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