Taïwan: non, il ne faut pas renoncer !
Taïwan est un symbole des principes proclamés par les Etats-Unis et leurs alliés face aux autocraties russe ou chinoise, analyse la chercheuse Valérie Niquet dans une tribune au « Monde ». Elle rappelle que céder aux injonctions de tels régimes constitue un risque majeur pour les équilibres stratégiques.
Acte justifié ou provocation ? Ambiguïté ou confusion ? La visite de Nancy Pelosi à Taïwan a soulevé de nombreuses questions qui touchent autant au positionnement des Etats-Unis avant cette visite qu’à celui de la République populaire de Chine (RPC). En se rendant à Taïwan, classée parmi les toutes premières démocraties en Asie, dont le modèle de démocratisation surtout, depuis la fin des années 1980, est une vraie réussite, après les années de dictature du Kouomintang, la présidente américaine de la Chambre des représentants met en pratique ses principes et ceux constamment proclamés par les Etats-Unis et leurs alliés contre l’offensive des autocraties russe ou chinoise, en Ukraine ou à Hongkong. Nancy Pelosi a par ailleurs constamment réaffirmé que la position des Etats-Unis sur l’unicité de la Chine n’avait pas changé.
Dans ce contexte, reprendre le discours chinois, qui assimile cette visite à une provocation inacceptable, renoncer peut-être demain à d’autres visites à Taïwan pour ne pas prendre le risque d’offenser les dirigeants chinois, remettre en question un mouvement général bienvenu qui a vu, depuis plusieurs mois, des délégations parlementaires de haut niveau se rendre à Taïwan, des Etats-Unis, mais aussi du Japon, d’Europe ou de France serait une erreur. Ce renoncement ne pourrait être qu’un encouragement à la Chine à accroître encore ses pressions, contre Taïwan mais aussi contre tout ce qui s’oppose aux prétentions hégémoniques de Pékin en Asie, en mer de Chine méridionale ou face au Japon autour des îles Senkaku. Comme l’histoire nous l’a appris, céder aux injonctions des régimes les plus agressifs constitue un risque majeur pour- les équilibres stratégiques globaux. On ne peut pas d’un côté dénoncer l’invasion russe de la Crimée, du Donbass puis de l’Ukraine, et condamner de l’autre toute visite à Taïwan comme une provocation inacceptable pour un régime chinois qui n’a par ailleurs jamais contrôlé l’île.
Pourtant, du côté américain, les hésitations de la Maison Blanche, des déclarations malheureuses de Joe Biden sur l’opposition du secrétariat d’Etat à la défense à cette visite – comme l’avait été sa hâte à déclarer que les Etats-Unis n’enverraient aucun militaire en Ukraine – ont pu encourager les dirigeants chinois à accentuer leurs pressions devant cette digue qui semblait lâcher. De même, ils s’interrogent peut-être sur l’ambiguïté stratégique américaine en cas d’agression contre Taïwan quand, après les déclarations de Joe Biden sur une aide militaire en cas d’attaque chinoise, l’administration, de la Maison Blanche au Pentagone en passant par le secrétariat d’Etat, réitère avec force que les Etats-Unis ne soutiennent pas l’indépendance de l’île.
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