Pourquoi une « valeur » carbone ?

Pourquoi une « valeur » carbone ?

 

Simon Létourneau, spécialiste de l’environnement, critique dans une tribune au « Monde » la notion de « valeur carbone », qui transforme en abstraction la réalité matérielle des émissions de CO₂.

 

Une critique très justifiée depuis que les écolos marxistes  et les économistes néolibéraux se sont entendus pour en quelque sorte marchandiser un facteur central de la qualité de l’environnement. Ces mêmes économistes longtemps opposés à toute approche environnementale ont récupéré la thématique pour l’intégrer dans une logique de prix et de marché. Quant aux écolos marxistes c’est un moyen supplémentaire de s’attaquer au capitalisme. Monétiser le carbone est une approche très réductrice de l’enjeu que cela représente pour l’environnement NDLR

 

 

Crédit carbone, dépense carbone, taxe carbone… Impossible de ne pas constater que le champ lexical de la finance envahit progressivement la littérature écologique. Cette démocratisation d’un vocabulaire a priori technique est en apparence bienvenue, mais elle a de quoi questionner.

En effet, user et abuser de tels vocables autour d’un sujet qui doit impérativement devenir bien plus précieux que l’immatérialité induite par la référence à l’argent ne nous éloigne-t-il finalement pas de l’enjeu concret souligné récemment par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ?

Ainsi, le carbone se taxe, se dépense, se crédite, se compense. A l’instar de sa grande – et vieille – sœur, la monnaie. Ce choix de vocabulaire et de méthode est finalement peu étonnant, si l’on considère que les citoyens, les entreprises et les Etats peuvent et doivent se responsabiliser sur ce sujet, et conférer enfin une échelle de valeur environnementale à chacun de leurs gestes ou décisions.

On peut a priori s’en réjouir, mais il faut, je crois, aller encore plus loin et prendre de la hauteur. Sans aller (encore) jusqu’à imaginer un monde où nous serions en partie rémunérés en « unités carbone », pourquoi ne pas faire figurer cette valeur carbone de manière très explicite sur chacun des biens ou services que nous consommons ?

Il a fallu quelques années de pédagogie et de lobbying pour imposer aux acteurs de l’alimentaire de la transparence sur les valeurs nutritives ; combien en faudra-t-il pour convaincre les marques d’informer leurs consommateurs sur l’empreinte environnementale générée par leur achat ?

Car, demain, la valeur carbone devra impérativement conditionner nos prises de décision, individuelles et collectives, et bénéficier d’un arbitrage au moins équivalent à celui du prix. Autant nous y préparer dès à présent. Là où le parallèle entre valeur carbone et valeur monétaire est faillible en revanche, c’est que nous misons une fois de plus sur une approche capitaliste d’un enjeu qui ne l’est pourtant absolument pas.

Un changement radical de paradigme

Car soyons réalistes : la monnaie est une (belle ?) histoire que l’on se raconte pour fonder, organiser et réguler nos sociétés modernes capitalistes, mais sa valeur demeure en réalité un concept flou. Que vaut-elle en effet dès lors qu’il est possible de créer semble-t-il indéfiniment de la dette publique… mais aussi de l’annuler ?

A contrario, le dioxyde de carbone (CO₂) est un élément tangible, mesurable, dont nous ne pourrons jamais annuler les effets. Le lier ainsi, voire le conditionner, aux éléments budgétaires et financiers paraît donc à cet égard un oxymore, une simplification qu’il est crucial d’éviter.

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