Une addiction à la détérioration de l’environnement ?
Thierry Ripoll, enseignant-chercheur en psychologie cognitive, auteur de « Pourquoi détruit-on la planète », interrogé récemment dans le Monde , répond aux accusations de réductionnisme que lui valent ses thèses sur le rôle de notre fonctionnement cérébral dans la crise climatique.
Nous savons que nous transgressons dangereusement les limites de la planète, qu’il nous faut réduire notre consommation individuelle et collective et que l’objectif de croissance infinie est absurde. Et pourtant, nous continuons « le business as usual », à quelques aménagements près qui n’ont qu’un faible effet sur la trajectoire globale de l’humanité. La question centrale est dès lors de comprendre les raisons de ce hiatus entre notre conscience et nos comportements.
En la matière, il y a deux types de réponses qui semblent s’opposer et qui donnent lieu à des polémiques stériles au moment où nous avons besoin de cohésion pour amorcer une révolution anthropologique de grande envergure, seule susceptible de rendre possible la vie sur Terre dans le futur.
Le premier type de réponse est de nature biologisante. Sans rentrer dans le détail, il s’agit d’expliquer notre comportement à la lumière de connaissances issues des neurosciences, mais aussi de la biologie évolutionniste. Bien sûr, il convient d’être prudent tant le cerveau demeure un organe complexe. Etablir une relation causale entre un processus neuronal et un comportement est un exercice plus difficile que ne le pense le public et que ne le relatent souvent les médias. Le danger du réductionnisme est clairement présent.
Cela dit, au-delà du rôle que l’on attribue à telle structure neuronale ou à tel neuromédiateur, le point central et incontestable est que notre cerveau, comme celui de tous les êtres vivants qui en sont dotés, est orienté vers la satisfaction de deux objectifs inhérents au vivant : survivre et transmettre ses gènes, la sensation de plaisir étant ce qui nous guide pour y parvenir. Evidemment, la survie d’une espèce est conditionnée par le fait d’atteindre ces objectifs et, quand ils sont atteints, l’espèce croît démographiquement autant que le permet l’écosystème dans lequel elle se développe. La croissance économique, à l’origine de la destruction de la planète, n’est qu’une forme sophistiquée de cette réalité fondamentale.
Le problème que nous rencontrons provient du fait que nos capacités cognitives nous ont permis de nous libérer, momentanément et provisoirement, des contraintes physiques de notre environnement. De cela résulte notre pouvoir de destruction. Si nous avons du mal à renoncer à la croissance, c’est donc, en partie, parce que la croissance constitue l’ultime objectif du vivant. Ce qui est vrai de l’espèce, l’est aussi de chaque individu et je décris, dans « Pourquoi détruit-on la planète ? », les processus psychologiques qui font de nous des consommateurs addicts, souvent mus par notre intérêt personnel, peu enclins à la préservation du bien public et participant activement à la croissance économique, et donc à la destruction de la planète. Il n’y a là rien de contestable. Mais il n’y a là qu’une partie de l’histoire qui ne devient complète qu’au travers du deuxième type de réponse que j’appellerai culturaliste.
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