La vraie dimension géographique de l’Afrique
Le continent africain est bien plus vaste que ne le laissent paraître les cartes standards du monde, qui s’appuient sur une méthode de projection biaisée, explique l’économiste Rabah Arezki, ancien chef économiste et vice-président de la Banque africaine de développement, dans une tribune au « Monde ». Les conséquences de ce prisme déformé sont innombrables, notamment dans le domaine de l’agriculture.
La carte du monde la plus couramment utilisée est basée sur la méthode de projection développée en 1569 par le cartographe européen Geert de Kremer, connu sous le nom de Gérard Mercator. Les longitudes y sont représentées par des lignes verticales parallèles espacées à l’identique, les latitudes par des lignes horizontales parallèles éloignées quant à elles de façon croissante à mesure que la distance avec l’équateur augmente.
Cette méthode a tendance à grossir les zones des latitudes supérieures et inférieures. De ce fait, les cartes du monde que nous avons l’habitude d’utiliser déforment considérablement la superficie de l’Afrique, en la rendant bien plus petite qu’elle n’est en réalité. Au contraire, la Russie, le Groenland et le Canada semblent énormes.
Une telle projection a des implications importantes pour l’Afrique. Sur le plan historique, les chercheurs soutiennent que la projection standard constitue un outil politique ayant contribué à la ruée vers l’Afrique – également connue sous le nom de partition de l’Afrique –, qui vit les puissances d’Europe occidentale coloniser le continent à la fin du XIXe siècle.
Si la représentation de Mercator contribuait en effet à donner l’impression d’un petit territoire facilement colonisable, cette perception déformée persiste de nos jours. Pourtant, que ce soit d’un point de vue économique, politique ou démographique – et même cartographique –, l’Afrique est incontournable.
Une des conséquences de cette méconnaissance de la taille réelle de l’Afrique est que ses terres agricoles et son sous-sol restent relativement inexplorés, même si cela a tendance à changer depuis ces dernières décennies. La « ruée vers les terres », ce regain d’intérêt pour les investissements fonciers à grande échelle, s’est opérée à partir de la flambée des prix alimentaires en 2011. Reste à savoir si ce phénomène servira les intérêts du continent.
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