Société-vérité et démocratie: Inconciliables ?
Un article de Marion Dupont évoque dans le journal Le Monde la faiblesse de la vérité en politique. L’article constate le discrédit de ce point de vue du monde politique y compris en France où 65 % des responsables sont supposés davantage corrompus qu’honnêtes .
Un article intéressant qui effectue un constat objectif mais qui passe à côté de la question fondamentale sur le contenu et les modalités d’une vraie démocratie. Or en l’état de l’état de démocratie, le mensonge et l’intérêt sont constitutifs de notre système. La démocratie est encore à l’ère néandertalienne avec notamment des processus d’émergence de futurs responsables qui favorisent les incompétents autant que les corrompus. Sans parler d’un fonctionnement démocratique complètement formel limité au cercle des clercs politiciens NDLR
L’adéquation entre une proposition et la réalité des faits, ce que nous appelons communément « la vérité », a connu de meilleurs jours, notamment sur la scène politique internationale. Il suffit, pour s’en persuader, de regarder autour de soi.
A l’est, quatre mois après le début de l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes, l’offensive informationnelle du régime de Vladimir Poutine est menée dans de nombreuses directions : contre-vérités grossières énoncées par le gouvernement, répression massive de toute expression de vérités autres que celle portée par le pouvoir, réécriture de l’histoire… Cet encadrement répressif et propagandiste de la sphère publique russe répond à une accélération de la stratégie, engagée de longue date par le régime, d’établissement d’une vérité d’Etat. Résultat de cette entreprise aux accents totalitaires – sans que cette analyse suffise (encore) à faire du poutinisme un totalitarisme : le lien entre le discours et la réalité se distend inexorablement.
Aux Etats-Unis, c’est un autre redécoupage politique des contours entre « mensonge » et « vérité » qui semble avoir lieu. Le départ de Trump de la présidence ne s’est pas accompagné, comme espéré, de la fin de l’ère des « vérités alternatives » inaugurée, en 2016, par l’ex-président et son équipe. Alors que la commission d’enquête sur l’assaut du 6 janvier 2021 contre le Capitole présente publiquement les résultats de son investigation, l’ancien chef de l’Etat persiste à la présenter comme « une tentative éhontée de détourner l’attention du public de la vérité » – la vérité résidant, selon lui, du côté du récit d’une élection « volée » par le Parti démocrate. Cette théorie du « grand mensonge » (« big lie »), récusée par le travail d’enquête d’innombrables journalistes et tribunaux saisis à la suite de l’élection, mais soutenue par la diffusion virale de fausses informations, poursuit son lent empoisonnement de la vie politique du pays : plus d’un tiers des électeurs américains y adhéreraient actuellement.
En Europe, et en France en particulier, un doute grandissant semble s’installer quant au devenir de la vérité dans les sociétés démocratiques. A en croire la 13e vague du « Baromètre de la confiance politique », étude menée par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) et publiée en janvier 2022, une vaste majorité (75 % des répondants) juge que les hommes politiques seraient « déconnectés de la réalité », et donc, par extension, aveugles aux réalités du terrain et incapables de mener des politiques qui bénéficieraient à d’autres qu’eux. D’autre part, 65 % des personnes interrogées affirment que les élus et dirigeants politiques français seraient davantage « corrompus » qu’honnêtes – ce qui peut être interprété comme la conviction que ces dirigeants entretiendraient un rapport volontairement ambivalent aux valeurs de sincérité, d’honnêteté et de vérité.
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