Covid: Un plan urgence face à la nouvelle vague
La pandémie relative à la Covid enregistre une évolution non contrôlée de l’ordre désormais 150 000 nouveau cas par jour. Pour ne pas affoler l’opinion publique, la question est pour l’instant relativement mise sous le boisseau par le pouvoir. Or les vacances vont faciliter encore un plus grand brassage des populations de sorte que la rentrée risque d’être catastrophique.
. Selon le ministre de la Santé François Braun, le pic épidémique de la septième vague, « incertain », pourrait être atteint « à l’horizon de deux à trois semaines ». Pour l’instant, la première ministre Elisabeth Borne préconise le port du masque dans les « espaces fermés où il y a beaucoup de monde », sans en faire une « obligation » nationale. ( papier de l’Opinion)
Une minute sur une heure trente. C’est le temps qu’Elisabeth Borne a consacré mercredi 6 juillet à la reprise épidémique de Covid-19 dans sa très attendue déclaration de politique générale. Ce week-end, ni la Première ministre ni aucun des membres de son gouvernement présents aux Rencontres économiques d’Aix-en-Provence n’en ont touché un mot.
Ce saisissant contraste entre l’intérêt de la nouvelle équipe au pouvoir pour le retour de la Covid, portée par les vents très contagieux du variant BA.5, et l’inquiétude des Français dont la vie est à nouveau percutée par le virus n’augure rien de bon. Avec plus de 150 000 nouvelles contaminations par jour et un pic épidémique à venir, la tension monte. La réponse politique sera-t-elle à la hauteur des enjeux sanitaires ? L’Opinion a identifié cinq sources de dysfonctionnement.
1. Clarifier la stratégie nationale
Inciter sans risquer de brusquer les Français et, surtout, l’opposition. La semaine dernière, les députés ont entamé pour la onzième fois en deux ans et demi de pandémie la lecture d’un projet de loi relatif à la crise sanitaire. Ce nouveau texte, adopté par la commission des lois avant une première lecture cette semaine dans l’Hémicycle, permet de proroger les dispositifs de collecte de données de santé (sur les tests et les vaccinations) et de déployer si besoin un pass sanitaire aux frontières de l’Hexagone en remplacement du pass vaccinal, dont la disparition est programmée pour le 31 juillet.
Prônant le retour des « bons réflexes » et une action « proportionnée », le ministre de la Santé François Braun a joué les équilibristes pour son baptême du feu politique. « L’adaptation, c’est la règle mais vivre avec le virus, ce n’est pas considérer que le virus est immobile », a-t-il lancé aux députés remontés contre le manque de « clarté » de l’exécutif sur la stratégie nationale de lutte contre la Covid.
La suppression du conseil scientifique à la fin du mois (remplacé par un futur comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires dont on ne sait encore rien) et le manque de communication du ministère de la Santé, qui a changé de tête trois fois en sept semaines, nourrissent les critiques.
Faute de boussole, les Français ne savent plus s’ils doivent se vacciner et quand, la dernière décision en la matière (ouverture de la deuxième dose de rappel aux plus de 60 ans) datant du 7 avril, sous l’ère d’un gouvernement et d’un variant différents. Sur les 8 millions de personnes éligibles à la piqûre, combien sont au courant ?
2. Asseoir l’autorité du nouveau ministre de la Santé
« Excusez-moi, je débute ». François Braun est un homme poli. Après Olivier Véran, spécialiste ès Covid, et Brigitte Bourguignon, spécialiste ès Parlement, le nouveau ministre de la Santé doit imprimer sa marque s’il veut prouver que son champ de compétences dépasse les murs des urgences, sa spécialité médicale.
Pour l’instant, celui qui se définit comme un « fantassin de la première ligne » (il était jusque-là chef des urgences de l’hôpital de Metz) met en avant son expérience du terrain et compte sur sa ministre déléguée, Agnès Firmin-Le Bodo, pour l’aider à maîtriser les règles du jeu politique.
Sur le gril de la commission des lois, le médecin n’a haussé le ton qu’une fois, appelant les députés LFI à « arrêter les délires » sur la prétendue volonté de l’exécutif de fermer les services d’urgences la nuit. Vendredi sur France Inter, pour sa première radio nationale, François Braun a retrouvé son calme et sa casquette d’urgentiste pédagogue. Comparée aux envolées d’Olivier Véran, cette sobriété de langage suffira-t-elle pour convaincre ?
3. Eviter le chaos à la rentrée des classes
Une troisième rentrée sous Covid couplée à une pénurie de professeurs ? Du pain béni pour l’opposition, tant l’école reste le maillon faible de la politique sanitaire du gouvernement. LR a d’ores et déjà réclamé un bilan de la gestion sanitaire dans les établissements scolaires, fustigeant des protocoles « très changeants, profondément chaotiques et de dernière minute ».
Le ministre de l’Education nationale Pap Ndiaye a eu beau annoncer jeudi dernier sur France Inter la présentation cette semaine aux partenaires sociaux du futur dispositif sanitaire, les professionnels de terrain, désabusés, n’y croient plus. « Nous savons tous que nous n’aurons aucune nouvelle avant la fin août, où nous devrons être à l’affût du moindre protocole deux jours avant l’arrivée des élèves », déplore, comme d’autres, Laurence Colin, secrétaire générale adjointe du Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale.
L’installation de purificateurs d’air dans les salles de classe est l’autre point noir. En déplacement à Marseille, Emmanuel Macron a promis à la mi-avril « un effort massif de purification de l’air dans les écoles » « avant la fin de cette année ». Un effet d’annonce pour l’instant peu suivi de faits.
4. Trouver une voie de passage au Parlement
Face aux négociations ardues que ne manquera pas de mener l’opposition, l’exécutif, qui ne peut compter que sur une majorité relative à l’Assemblée nationale, va devoir faire preuve de finesse s’il souhaite trouver une voie de passage sur les textes sanitaires.
Le premier compromis trouvé en commission sur le pass sanitaire aux frontières, dont l’application a été ramenée à janvier 2023 (plutôt que mars), illustre cette « méthode raisonnable» de « co-construction » de la loi telle que plaidée par la droite.
Mais la majorité va surtout devoir composer avec les provocations des extrêmes. « Dès la première heure de débat, nous avons assisté aux excès de LFI et du RN qui se sont retrouvés sur une alliance d’intérêt anti-vaccination, déplore Sacha Houlié, président (Renaissance) de la commission des lois. Cette position populiste risque de refaire surface sur l’Europe, sur le financement de la Sécurité sociale et sur les retraites. »
5. Conjurer un nouvel embrasement Outre-mer
Fin 2021, la contestation du pass sanitaire et l’obligation vaccinale des soignants ont dégénéré en crise sociale majeure en Guadeloupe. Six mois plus tard, tandis que le conseil scientifique fait des Antilles un « point de vigilance » et que le CHU de Pointe-à-Pitre est en alerte depuis vendredi, la question des Outre-mer divise profondément le Parlement.
L’instauration d’un pass aux frontières, exposant de nature davantage la Corse et l’Outre-mer aux contraintes sanitaires et réglementaires qui vont avec, est synonyme pour les députés locaux de « discrimination ». La droite pointe quant à elle un risque de « stigmatisation ».
Rappelant que le pass sanitaire a permis d’éviter 4 000 décès et 32 000 hospitalisations au second semestre 2021 (selon un rapport du Conseil d’analyse économique), François Braun a assuré vouloir « protéger » la population sans volonté de réprouver les fauteurs de troubles de l’hiver 2021.
Le ministre est en revanche resté ferme sur la réintégration des 12 000 soignants non-vaccinés, dont beaucoup sont ultramarins. Au regard du bénéfice-risque et malgré le manque de soignants chroniques dans les hôpitaux antillais, ce n’est « pas d’actualité ». Une position que l’exécutif aura du mal à tenir si la vague continue d’enfler.
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