Un gouvernement sans vision et sans souffle ( Le Monde)
La nouvelle équipe dirigée par Elisabeth Borne comporte 41 membres, dont une majorité d’hommes, souvent issus de la droite, aux postes les plus importants. Centré sur les alliés connus d’Emmanuel Macron, ce gouvernement semble manquer de vision à l’aube d’une législature qui s’annonce compliquée. (éditorial Le Monde)
Tout était baroque dans l’annonce du deuxième gouvernement Borne, qui s’apprête à essuyer sa première motion de censure, mercredi 6 juillet, à l’issue de la déclaration de politique générale de la première ministre. Des noms ont été divulgués bien avant la publication du communiqué final ; le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, s’est senti libre d’annoncer sa propre reconduction à Bercy sur une radio ; le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, n’était, en revanche, pas présent sur le perron de l’Elysée, lundi 4 juillet, pour égrener la liste des nommés comme il est de coutume. L’exécutif aurait voulu banaliser la portée de ce remaniement, il ne s’y serait pas pris autrement.
La vision d’ensemble laisse de fait perplexe. La nouvelle équipe choisie pour manœuvrer par gros temps comporte quarante et un membres. Elle est à la fois pléthorique et dénuée de toute prise politique d’envergure. La parité n’y est approximativement respectée que si on inclut les dix secrétariats d’Etat, qui ont été presque exclusivement attribués à des femmes. Aux postes plus importants de ministre ou de ministre délégué, les hommes sont en position de force. Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui occupait jusqu’à présent la cinquième place dans l’ordre protocolaire, se trouve relégué à la dixième. Ce ne sont peut-être que des symboles, mais ils en disent long sur le manque de vision et de souffle que dégage le nouveau gouvernement.
Le changement d’équipe visait d’abord à faire sortir trois ministres battues aux élections législatives – Amélie de Montchalin, Brigitte Bourguignon, Justine Benin – et à remplacer aux outre-mer Yaël Braun-Pivet, élue présidente de l’Assemblée nationale. Il avait aussi pour but de réduire au maximum les sources d’ennuis, alors que le gouvernement, privé de majorité absolue, se trouve en situation de grande vulnérabilité. Le cas de Damien Abad, ancien président du groupe Les Républicains (LR) à l’Assemblée nationale, faisait partie des problèmes à régler. Depuis son entrée au gouvernement, le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées était accusé par plusieurs femmes de viol et tentative de viol, une enquête ayant été ouverte par la justice la semaine dernière. L’Elysée invoquait la présomption d’innocence pour le défendre, mais la première ministre a eu gain de cause. Elle ne pouvait s’offrir le luxe d’un feuilleton à répétition, à rebours d’une cause qu’elle entend défendre.
Parmi les ministres maintenus, ceux de droite confortent leur position. Chez les entrants, les macronistes se taillent la part du lion, qu’il s’agisse de fidèles de la première heure, comme Clément Beaune, nommé aux transports, de convertis venus de la gauche, comme Olivier Klein (ville et logement), ou d’élus anciennement de droite, comme Caroline Cayeux (collectivités territoriales). Les alliés ne sont pas négligés : Edouard Philippe compte désormais deux fidèles au gouvernement, François Bayrou, quatre. Le reste des nominations vise à poursuivre l’ouverture à la société civile tout en faisant primer l’expérience politique aux postes sensibles de porte-parole du gouvernement (Olivier Véran) et de ministre chargé des relations avec le Parlement (Franck Riester).
Repliée sur son pré carré, trop isolée pour oser réclamer un vote de confiance à l’Assemblée nationale, la nouvelle équipe n’a désormais qu’un mot à la bouche, l’« action », pour tenter de contenir le jeu très politique des oppositions. Rarement, sous la Ve République, un gouvernement n’est apparu aussi désarmé à l’aube d’une nouvelle législature.
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