Crise alimentaire : alerte
la crise alimentaire risque de s’aggraver. C’est la crainte de Mathias Cormann, le secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement (OCDE). « Sans la paix en Ukraine, les problèmes de sécurité alimentaire qui se posent dans le monde ne cesseront de s’aggraver […] », a-t-il indiqué lors de la publication, mercredi, du rapport de l’organisation sur les perspectives agricoles des dix prochaines années. ( papier de la Tribune, extrait)
La Russie et l’Ukraine comptent en effet parmi les plus importants producteurs et exportateurs de cultures arables au monde (blé, orge, maïs, graines de tournesol et de colza). Mais, la guerre bouleverse cette architecture.
En Ukraine, les semis des cultures de printemps 2022, en voie d’achèvement, affichent des niveaux qui devraient être inférieurs d’environ 20 % par rapport à l’an dernier, en particulier pour les graines de tournesol, le maïs et l’orge de printemps. Dans l’ensemble, une récolte plus faible est attendue.
L’OCDE avance des réductions de plus de 30 % par rapport à la récolte de 2021. La production dépassera néanmoins les besoins nationaux. Reste que les exportations seront difficiles. La voie maritime est exclue pour le moment. Et les autres canaux d’exportation ‒ routes, rails et ports fluviaux ‒ n’ont pas la capacité de traiter les mêmes quantités. Résultat : les exportations actuelles ne peuvent atteindre que 20 % des quantités d’exportation normales.
Côté russe, la récolte de blé de 2021 a été inférieure à la moyenne en raison de conditions météo défavorables pendant la période de croissance. Et Moscou restreint ses exportations de blé.
Dès lors, différents scénarios sont envisagés par l’OCDE. Selon ses calculs, la perte complète de la capacité d’exportation de l’Ukraine entraînerait une augmentation de 19 % du prix mondial du blé. Dans un scénario extrême où la Russie et l’Ukraine exporteraient conjointement 36 millions de tonnes de blé en moins, les prix du blé augmenteraient de plus d’un tiers à ce qu’ils auraient été sans le conflit.
Dans une analyse distincte, l’OCDE avance une augmentation de la sous-alimentation d’environ 1 % à l’échelle mondiale en 2022-2023, soit l’équivalent de 8 à 13 millions de personnes selon l’ampleur de la réduction des exportations russes et ukrainiennes. Dans le pire des cas, le directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Qu Dongyu, a prévenu que « 19 millions de personnes supplémentaires pourraient se trouver en état de sous-alimentation chronique en 2023 ».
Le pire est que ce conflit en Ukraine intervient dans un contexte mondial déjà fragilisé. La population mondiale devrait en effet passer de 7,8 milliards de personnes en 2021 à 8,6 milliards en 2031. L’Afrique subsaharienne, l’Inde et le Proche-Orient et l’Afrique du Nord seraient responsables des deux tiers de cette progression. De ce fait, la consommation alimentaire mondiale devrait augmenter de 1,4 % par an au cours de la prochaine décennie.
Sur la même période, la production agricole mondiale devrait augmenter de 1,1 % par an, le surcroît de production devant être principalement réalisé dans les pays en développement et les pays pauvres. Avec la guerre en Ukraine, une hausse prolongée des prix de l’énergie et des intrants agricoles – tels que les engrais – augmenterait les coûts de production et limiterait la croissance de la productivité et de la production dans les années à venir, craint l’organisation.
Or, pour elle, la productivité agricole moyenne devra augmenter de 28 % au cours de la prochaine décennie pour que la communauté internationale atteigne l’un des objectifs de développement durable qu’elle s’est fixé, à savoir l’éradication de la faim dans le monde. C’est plus du triple de l’augmentation de la productivité enregistrée au cours de la dernière décennie. Le pari est loin d’être gagné. Surtout si la guerre s’éternise comme la plupart des experts militaires le prédisent.
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