Environnement et santé au travail

Environnement et  santé au travail

 

L’historienne Judith Rainhorn pointe, dans une tribune au « Monde », le lieu de travail comme environnement toxique et les facteurs d’invisibilité de cette toxicité dans le système économique contemporain, depuis l’ère industrielle.

La souffrance au travail a une histoire. Rappelons-nous le vieux Maheu du Germinal de Zola (1885), qui déclarait avoir « assez de charbon dans la carcasse pour [se] chauffer tout l’hiver ». Au détour d’une archive, on rencontre, depuis l’aube de l’ère industrielle, des chapeliers saoulés par les vapeurs de mercure dans les fabriques de feutres, des ouvrières en allumettes dont la mâchoire se nécrose sous l’effet du phosphore, des ouvriers cérusiers fabriquant le fameux « blanc de plomb » destiné aux peintures en bâtiment, des mineurs dont les poumons s’encrassent de silice ou, plus près de nous, des ouvriers du bâtiment intoxiqués par les fibres d’amiante : cette litanie des corps souffrants traduit un environnement de travail dangereux pour celles et ceux qui le fréquentent.

Depuis l’aube du XIXe siècle, l’industrialisation a exacerbé des risques préexistants et, dans le même temps, introduit des risques nouveaux, liés à l’entrée dans l’âge des machines et à l’usage de plus en plus massif de produits chimiques nocifs dans les procédés de travail. Cependant, l’environnement de travail pollué et dégradé souffre d’une opacité historique majeure. Pour qu’il soit visible, encore faut-il que le fatalisme fasse place à l’impatience et à la colère contre l’intolérable : tomber malade ou mourir de son travail ou, comme on l’a plus récemment formulé, « perdre sa vie à la gagner ».

Au XIXe siècle, le mouvement hygiéniste évoquait l’environnement toxique du travail, tout en le noyant dans les multiples causes de la misère ouvrière : salaires insuffisants, logement indigne, alimentation carencée, suivi médical inexistant, etc. La négligence et les « mœurs ouvrières » sont aussi érigées en coupables : vers 1900, quand le savoir médical atteste que le plomb est un abortif puissant, certains déplorent l’atmosphère polluée des ateliers d’imprimerie, qui entraîne des fausses couches à répétition chez les femmes typographes, tandis que d’autres accusent les ouvrières anglaises de s’embaucher aux fabriques chimiques de Newcastle pour se débarrasser à bon compte d’une grossesse indésirable…

Savantes ou populaires, les mobilisations qui demandent l’abolition légale des produits toxiques dans l’espace de travail provoquent la croisade des entrepreneurs mis en cause. Ils élaborent un argumentaire collectif de défense maniant l’approximation, voire le mensonge scientifique, et construisant l’ignorance publique à propos de la toxicité de leur poison : qu’on se rappelle la croisade du Comité permanent amiante, né en 1982, pour promouvoir la recherche scientifique encourageant l’usage de l’amiante dans l’économie française, alors que sa toxicité était avérée.

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