Crise environnementale : surtout un choix politique
La destruction de l’environnement relève avant tout de choix politiques, et n’a pas grand-chose à voir avec les afflux de dopamine dans le cortex des individus, dénonce dans sa chronique Stéphane Foucart, journaliste au « Monde ».
La crise environnementale ? Ce serait à cause de notre cerveau. Pas notre faute à nous, non. Celle de l’enchevêtrement de neurones que nous avons entre les oreilles. Le changement climatique, le saccage et la surexploitation des océans, l’industrialisation de l’agriculture et de l’élevage, l’effondrement de la biodiversité commune, la destruction des habitats naturels, la prolifération du plastique : tout cela serait déterminé par nos structures cérébrales profondes. A la faveur de quelques ouvrages publiés récemment, cette petite musique berce ces jours-ci la conversation publique.
Le coupable serait le striatum, niché sous le cortex, modelé par des centaines de milliers d’années d’évolution pour faire pétiller de plaisir notre cerveau à chaque comportement susceptible de garantir la survie et celle de l’espèce : manger, copuler, s’élever dans la hiérarchie sociale, glaner des informations nouvelles et surprenantes… Tout cela sans limite, jusqu’à l’excès. Jusqu’à la destruction de la biosphère et du climat. L’homme serait ainsi programmé pour se comporter en espèce invasive, pour n’être en somme, vis-à-vis de son environnement, guère autre chose qu’un parasite dans la charpente.
Il est indéniable que, ces dernières années, les travaux menés en psychologie cognitive et en neurosciences ont permis d’explorer – dans une certaine mesure – les ressorts cérébraux des choix individuels (encore que la portée et l’interprétation de certains de ces résultats soient fortement débattues). Mais faire de ces mécanismes une cause dominante du destin des sociétés revient simplement à nier à peu près toutes les connaissances accumulées par les sciences humaines et sociales.
La destruction de l’environnement ne découle pas d’une somme de décisions et d’arbitrages individuels sur le temps que l’on passera sous la douche, sur la quantité de viande que l’on mangera dans la semaine ou sur le nombre de déplacements en avion que l’on s’autorisera dans l’année. Elle relève avant tout de choix politiques qui contribuent à construire et faire fonctionner les structures économiques et sociales, et n’a pas grand-chose à voir avec les afflux de dopamine dans les cerveaux des individus.
Il est bien sûr probable que le système économique que nous avons bâti tire parti de notre fonctionnement cérébral pour générer toujours plus de croissance et détruire toujours plus vite l’environnement, mais qui est alors « responsable » : les individus (équipés de leur cerveau), ou plutôt les choix politiques qui induisent le fonctionnement de l’économie ?
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