La menace d’une crise financière

La menace d’une crise financière

 

La remontée des taux d’intérêt – et la fuite de capitaux qui en découle – associée à la sous-estimation par le système financier des risques climatique, « cyber » et géopolitique fait peser de graves menaces sur l’économie mondiale, alerte, dans une tribune au « Monde », l’économiste Hélène Rey.

Au moment où presque toutes les banques centrales retirent des liquidités de l’économie pour combattre l’inflation, la crainte de crises financières ressurgit avec force. Dans un environnement où les Etats et les secteurs privés sont très endettés et où les prix des actifs sont souvent surévalués, le retournement du cycle financier global est à craindre. Car, plus le resserrement des politiques monétaires est important, plus la création de crédit ralentit, et plus les flux de capitaux se tarissent et les primes de risque augmentent, parfois de façon excessive. La Réserve fédérale américaine joue un rôle particulièrement important pour le cycle financier mondial et donne le ton sur les marchés financiers internationaux : lorsqu’elle coupe les liquidités, l’aversion au risque augmente et la valeur des actifs risqués (bitcoin, actions, etc.) chute.

La situation actuelle rappelle dans une certaine mesure la période précédant la crise de la dette de l’Amérique latine des années 1980, soulignait Richard Portes, professeur à la London Business School et fondateur du Centre for Economic Policy Research (CEPR), lors du premier symposium du CEPR à Paris, le 2 juin, où ce réseau européen de 1 600 chercheurs vient d’installer son siège, auparavant situé à Londres. La montée des taux et l’augmentation des primes de risque pourraient déstabiliser les pays émergents en raison des fuites de capitaux et des crises de change. On peut ajouter que les restructurations de dette qui seront probablement nécessaires seront bien plus difficiles à gérer dans un monde où le multilatéralisme est moribond et où la Chine est un créditeur important mais n’est pas membre du Club de Paris, l’institution réunissant les créanciers publics où se négocient lesdites restructurations.

Au-delà des pays émergents, certaines économies avancées seront aussi sous pression : les risques de fragmentation de la zone euro apparaissent à nouveau avec le retrait de liquidités par la Banque centrale européenne (BCE). Il est important que des écarts de taux entre pays de la zone existent, car ils reflètent des risques de crédit hétérogènes, mais la BCE ne peut les laisser diverger car cela signalerait un risque d’éclatement de la zone euro.

A ces risques traditionnels de premier ordre se greffe une série de facteurs d’apparition de nouvelles crises. Quand les perceptions des acteurs financiers sur l’activité économique future deviennent plus pessimistes, les actifs préalablement étiquetés comme sûrs et utilisés comme garantie auprès des débiteurs deviennent soudainement douteux, rappelait dans ce même symposium du CEPR Stephen Cecchetti, ancien conseiller économique de la Banque des règlements internationaux (BRI). Leurs prix peuvent alors chuter et entraîner avec eux une partie du système financier.

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