Poutine a tué son économie pour servir son impérialisme
En vingt-deux ans de pouvoir sans partage, le maître du Kremlin a sacrifié le bien-être des Russes à ses chimères de grandeur impériale. Et il n’a jamais créé les conditions d’une économie de marché stable et propice aux affaires. ( papier de Jean-Michel Bezat dans le Monde)
McDonald’s est de retour à Moscou, sous un autre nom et avec un nouveau propriétaire, l’homme d’affaires russe Alexandre Govor. Rebaptisée Vkousno i tochka (« délicieux, point ») et dotée d’un nouveau logo, la chaîne de fast-food va peu à peu rouvrir les 850 restaurants franchisés de l’ex-enseigne américaine. On peut voir dans cette reprise la capacité de rebond de la Russie depuis le départ des entreprises occidentales après l’invasion de l’Ukraine. Ou, plus sûrement, l’isolement croissant du pays, encore illustré par l’absence de grandes sociétés et de dirigeants occidentaux au Forum économique de Saint-Pétersbourg, qui s’est achevé le 18 juin.
Lancé en février 1990, le premier McDo avait symbolisé l’ouverture au capitalisme d’une URSS moribonde. Un retour en arrière ? La Russie n’est pas dans l’état où elle était à la fin de l’ère soviétique, ni après dix ans de présidence chaotique de Boris Elstine. Vladimir Poutine l’a fait entrer dans l’économie mondiale, sans atteindre le degré d’intégration de la Chine. Son industrie s’est un peu diversifiée dans l’agroalimentaire et les technologies. Depuis les sanctions occidentales décrétées après l’annexion de la Crimée en 2014, elle a développé sa production céréalière pour devenir la première exportatrice mondiale de blé – source de revenus autant que levier politique, à l’instar du pétrole, du gaz et de l’armement.
Nostalgique de la puissance politico-militaire de l’Union soviétique, le président russe n’a aucun regret pour son économie planifiée. « Nous n’allons pas avoir une économie fermée », assurait-il, le 9 juin, devant de jeunes entrepreneurs réunis en marge de la commémoration du 350e anniversaire du tsar « européen », Pierre le Grand. Et il peut se féliciter que l’économie résiste encore, quatre mois après le début d’un train de sanctions sans précédent pour une grande économie.
Le rouble tient bon grâce à la stricte politique des taux d’intérêt de la gouverneure de la Banque centrale, Elvira Nabioullina, et à une gestion rigoureuse des comptes publics, qui permet de constituer des réserves de devises. La balance commerciale est excédentaire et la flambée du baril d’or noir, même vendu avec une décote de 20 à 30 dollars (sur 120 dollars, soit environ 114 euros), assure d’importantes recettes fiscales. Gazprom, et donc l’Etat actionnaire, n’a jamais tiré autant de profits du gaz.
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