Une assemblée représentative mais ingérable
Si la mise en cohérence entre le pays réel et la représentation nationale comporte un risque élevé de blocage, elle place chaque acteur devant ses responsabilités, explique, dans sa chronique, Françoise Fressoz, éditorialiste au « Monde ».
Il y a eu beaucoup de tours de passe-passe durant la longue campagne électorale qui s’est achevée dimanche 19 juin. On a d’abord vu un président de la République croire que tout lui était acquis parce qu’il avait réussi l’exploit de se faire réélire avec 58,55 % des suffrages exprimés le 24 avril. Puis a surgi des rangs de la gauche un prétendu premier ministre, Jean-Luc Mélenchon, qui, parce qu’il avait réussi à réaliser l’union autour de sa personne, allait devenir l’homme fort du nouveau quinquennat.
Pour tous ceux qui s’étaient complus dans cette double illusion, le réveil au soir du second tour des élections législatives a été particulièrement brutal. La France est à droite, très à droite, avec une seule formation qui peut revendiquer la dynamique : le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, qui progresse en voix et en sièges et devient avec 89 députés élus, le premier parti d’opposition.
Depuis le choc de 2002, tout avait été conçu en France pour faire barrage à l’extrême droite : le front républicain d’un côté, le durcissement des règles de qualification électorale de l’autre dans le cadre d’un scrutin majoritaire à deux tours peu favorable aux extrêmes.
C’est cette double barrière qui vient de voler en éclats au terme d’une campagne législative qui a vu la majorité présidentielle perdre son âme dans des consignes peu claires, sans rien obtenir en échange. Sur le terrain, l’anti-macronisme et l’anti-mélenchonisme se sont révélés des moteurs bien plus puissants que l’anti-lepénisme.
Pour la première fois, l’Assemblée nationale reflète assez fidèlement l’état très fragmenté du pays, comme si les électeurs les plus mobilisés étaient parvenus à tordre les règles de la Ve République pour imposer une représentation proportionnelle du pays. Les conséquences sur le mode de fonctionnement politique s’apparentent à un séisme. Le gouvernement est privé de majorité absolue, ce qui ne s’était jamais produit depuis l’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral décidées en 2000 et 2001.
Et, contrairement à 1988, il reste loin du compte pour en trouver une. Ce sont 43 voix qui lui font défaut pour être assuré de faire passer ses textes, ce qui l’oblige de facto à négocier en amont soit autour d’un contrat de gouvernement, s’il parvient à trouver un ou plusieurs alliés prêts à s’engager, soit au cas par cas, dans l’hypothèse contraire. On est aux antipodes du mode de fonctionnement très vertical qui avait caractérisé le premier quinquennat d’Emmanuel Macron comme celui de Nicolas Sarkozy.
0 Réponses à “Une assemblée représentative mais ingérable”