La BCE risque de casser la croissance

La BCE risque de casser la croissance

par Emmanuel Sales  président de la Financière de la Cité ( dans l’Opinion)

Il n’a pas fallu attendre longtemps pour que le resserrement monétaire commence à produire ses effets. Les taux d’intérêt remontent, les crédits hypothécaires sont plus chers, les primes de crédit avec l’Italie et l’Espagne frisent des niveaux critiques. Dix ans après la crise de la zone euro, l’Europe avait-elle besoin d’une nouvelle crise auto-infligée ? L’inflation en zone euro est due à la guerre en Ukraine et aux tensions sur les chaînes de production.

Cette « mauvaise inflation » n’a rien à voir avec une « bonne inflation » tirée par la croissance et la hausse des salaires : en zone euro, à la différence des Etats-Unis, l’activité est fragile et nous ne sommes pas en situation de plein-emploi. L’Europe pénalise ainsi sa demande interne et ses investissements au moment même où elle cherche à affirmer sa « souveraineté » face aux grands empires.

Cet engrenage navrant, où des personnalités estimables nous entraînent de bonne foi, s’explique pour trois raisons :la reprise en main de la BCE par l’Allemagne, l’alignement classique de Paris sur Berlin concernant la gestion de l’euro et le poids du conservatisme monétaire.

Comme l’a remarqué récemment l’économiste Nicolas Goetzmann, la décision de la BCE marque d’abord un retournement des équilibres politiques au sein de l’institution. Pendant l’ère Draghi et son « whatever it takes », le directoire avait pris l’ascendant sur les banques centrales nationales. Avec la nomination d’un profil politique comme Christine Lagarde, les Allemands ont souhaité retrouver un fonctionnement « collégial » de la BCE, reflétant l’équilibre effectif des pouvoirs au sein de l’institution où les pays, à la différence de ce qui se passe à la Fed, ont le dessus sur les membres du board. La majorité a ainsi changé de camp.

Classiquement, la France vote dans le sens de l’Allemagne, comme un vieil époux espérant un retour de flamme d’une épouse aigrie

Projet politique. En deuxième lieu, l’euro est un projet politique et non économique. L’union monétaire a été conçue pour éviter que l’Allemagne ne suive un chemin solitaire. Classiquement, la France vote dans le sens de l’Allemagne, comme un vieil époux espérant un retour de flamme d’une épouse aigrie. Cela n’a pas empêché l’Allemagne de privilégier ses intérêts propres au cours des dix dernières années. Mais à Paris, les élites françaises regardent depuis longtemps « la grave Allemagne » avec les yeux de Madame de Staël

Enfin, pour le meilleur et pour le pire,les mânes de Rueffcontinuent d’inspirer la culture monétaire française. Si les manipulations monétaires n’ont jamais fait peur à Berlin, la France, à la différence des Anglo-saxons, s’est toujours refusée à faire de la monnaie une simple variable d’ajustement. Nous avons été les derniers à quitter l’étalon-or dans les années 1930, et avant l’avènement de l’euro, chaque dévaluation était vécue comme une forme de dégradation morale. Cet inconscient monétaire continue d’agir sur le pays.

Pour l’Europe, cela ne promet rien de bon. Il y a dix ans, les politiques de déflation interne imposées à la Grèce et à l’Italie ont permis à la Chine de racheter le Pirée et de prendre pied dans les ports italiens. Que va exiger l’Allemagne cette fois-ci ? Les Iles Eoliennes ? Un grand musée d’art italien à Berlin ? Face au regain des grands empires, l’Europe devrait renforcer ses investissements et son marché intérieur. En cassant délibérément la dynamique de croissance post-Covid, la BCE et ses mandants prennent une responsabilité historique.

Emmanuel Sales est président de la Financière de la Cité.

0 Réponses à “La BCE risque de casser la croissance”


  • Aucun commentaire

Laisser un Commentaire




L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol