Carburant :Une taxe pour remplacer une taxe ?
Deux experts en prospective urbaine Vincent Le Rouzic et Alphonse Coulot préconisent, dans une tribune au « Monde », la création d’une cotisation sociale de transition prélevée sur les carburants carbonés, pour remplacer une partie de l’actuelle taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), ainsi que d’un « compte transition mobilité » pour chaque foyer.
En fait, il s’agirait d’une taxe pour remplacer une autre taxe. Pas vraiment une innovation notamment si l’on en juge par les effets presque neutres du très haut niveau actuel de fiscalité sur le carburant. La lutte contre les émissions de carbone dans les transports réclame sans une approche autrement plus globale et plus complexe NDLR
Il y a près de soixante ans, la France était pionnière de la fiscalité écologique. Aujourd’hui, elle peine pourtant à instaurer un mode de taxation des émissions de carbone. En instaurant une redevance sur l’eau, en 1964, la France luttait contre le risque de consommation excessive de cette ressource. Pourtant, depuis l’échec de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) en 2001, les projets de fiscalité carbone peinent à s’instaurer durablement.
Dans sa définition, la taxe carbone qui a vu le jour en 2014 a une prise directe sur les transports, puisqu’elle est intégrée à la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), elle-même responsable de 60 % du prix de l’essence.
Mais, depuis l’épisode sans précédent des « gilets jaunes », l’idée même de hausse de la composante carbone crispe tous les bords politiques, au point d’être quasiment absente de l’élection présidentielle 2022.
Pourtant, en appliquant une tarification aux émissions de carbone, la mesure se veut un accélérateur d’une transition énergétique dont la nécessité ne fait plus débat. Las, le dispositif est encore trop imparfait : manque de transparence dans l’allocation de ses recettes, coût social trop important.
A cela s’ajoute un enjeu, que le débat public et les gouvernements qui se succèdent n’abordent pas : la contraction des recettes de cette fiscalité carbone. La TICPE représente aujourd’hui près de 5 % du budget général de l’Etat (soit 13,6 milliards en 2019). Or la fiscalité carbone est vouée à décroître, voire à s’éteindre complètement, à mesure que la part des énergies fossiles diminue dans les transports.
Ce paradoxe trahit une position impossible à tenir pour l’Etat, qui doit financer massivement les étapes nécessaires de la décarbonation de son écosystème, alors qu’il se voit inexorablement privé de recettes dont il dépend pourtant.
De plus, la fiscalité carbone actuelle privilégie encore trop la contrainte à la coopération, puisqu’elle impose une forte hausse des prix sur un bien non substituable et ne redistribue pas de façon transparente ses recettes. De là une perception de la fiscalité carbone comme une pénalité supplémentaire plutôt que comme la contrepartie d’un accompagnement à la transition.
Enfin, le versement du produit de cette fiscalité au budget général de l’Etat ne permet pas d’en faire la pédagogie et nuit à son acceptabilité. Ce défaut de transparence et le faible bénéfice visible que retire la population de cette taxe constituent les principaux ferments de l’opposition qu’elle suscite.
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