Politique–Campagne Législatives 2022 : une caricature ?
Entamée sur de lourds non-dits, la campagne des élections législatives qui prend fin vendredi 17 juin menace de se terminer dans la caricature. Chaque jour, le ton monte un peu plus entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon, comme si l’on était encore dans le prolongement du match présidentiel, alors qu’il s’agit d’élire 572 députés (cinq l’ayant déjà été au premier tour) pour un travail primordial d’élaboration de la loi et de contrôle de l’exécutif. L’excessive présidentialisation du régime se lit à travers l’impossibilité d’exister pour les autres acteurs, à commencer par la première ministre, Elisabeth Borne, qui échoue à imprimer sa marque en ce début de quinquennat.( papier du Monde)
La feinte dont use depuis des mois le camp présidentiel face au retournement de la conjoncture et à l’impopularité de son projet de retraite à 65 ans est en passe de se retourner contre lui. En en disant le moins possible, le président de la République espérait anesthésier le débat et éviter la cristallisation d’un camp contre lui. En parvenant à réaliser l’union des gauches derrière sa personne, l’« insoumis », qui n’était arrivé qu’en troisième position lors du premier tour de la présidentielle, a déjoué le piège. Il s’est mis en situation de pouvoir priver le président de la République d’une majorité, dimanche 19 juin, si un nombre suffisant d’abstentionnistes le rallient.
Depuis, l’Elysée peine à reprendre la main, alternant silence et déclarations dramatiques, comme celle prononcée sur le tarmac de l’aéroport d’Orly, mardi 14 juin. Avant de s’envoler pour la Roumanie, le président de la République a solennellement exhorté les Français à donner « une majorité solide au pays », en soulignant le risque d’ajouter « un désordre français au désordre du monde ».
Il est normal qu’un chef d’Etat fraîchement réélu demande à son peuple de lui donner les moyens de présider. Mais la dramatisation excessive du ton, alors que la campagne s’est déroulée sous anesthésie, comme à distance du chaos du monde, a surpris. Si la France vit, comme le dit Emmanuel Macron, « un moment historique », il eût été nécessaire que les citoyens y soient associés de près.
Faute de l’avoir fait, le chef de l’Etat en est réduit à pratiquer ce qu’il a longtemps dénoncé : la politique politicienne. Pour tenter de réveiller les électeurs du centre et de la droite, il s’emploie à rejeter Jean-Luc Mélenchon dans le camp de ceux qui menacent la République. Ce faisant, il renvoie dos à dos l’extrême droite et une partie de la gauche, rompt avec la logique du front républicain qui prévalait depuis 2002, suscite le malaise au sein même de ses troupes, pour un résultat aléatoire. A gauche, la dynamique repose sur la fierté d’avoir retrouvé le chemin de l’union, si bien que, à ce stade, les sorties de route de son porte-drapeau comptent relativement peu, de même que l’incohérence programmatique de la coalition qu’il a fait naître.
Se trouvent ainsi réunies les conditions d’une fin de campagne à côté des vrais sujets : plus l’environnement international s’obscurcit, plus les effets du réchauffement climatique deviennent tangibles, plus la France se rétrécit dans des querelles qui n’ont pas lieu d’être. Le camp de la Nupes y prend toute sa part. Depuis dimanche, son propos n’est pas de tenter de crédibiliser un coûteux projet de rupture qui promet la retraite à 60 ans ou le smic à 1 500 euros net, mais de révéler de prétendues hausses d’impôts cachées du projet Macron. La ficelle a beau être grosse, elle est complaisamment relayée, achevant de donner à cette campagne le caractère qu’elle ne devrait pas avoir : celui de ne pas être sérieuse, en des temps d’une extrême gravité.
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