L’agrobusiness et l’Etat responsables de la pollution bretonne

 L’agrobusiness et  l’Etat responsables de la pollution bretonne

 

Les doctorants Clémence Gadenne-Rosfelder et Léandre Mandard décrivent, dans une tribune au « Monde », l’enchaînement des décisions technoscientifiques qui ont fait de la Bretagne l’un des territoires les plus pollués de France.

 

Depuis quelques années, la tension monte autour des enjeux agricoles en Bretagne. De toutes parts, des collectifs militants fleurissent contre les pesticides, les marées vertes, les fermes-usines, les projets de méthanisation, les arasements abusifs de talus, tandis que des journalistes ont récemment dénoncé une certaine « loi du silence » entretenue par les élites politiques et économiques de la région. Celles-ci répondent que le modèle agricole breton, qui produit actuellement 56 % des porcs, 40 % des volailles de chair et de ponte et 20 % du lait français sur environ 6 % du territoire hexagonal, a soutenu le développement économique de cette région pauvre.

Mais l’histoire environnementale, attentive aux flux de matières et aux dégâts engendrés par ces « progrès », propose un autre récit : celui de l’ouverture sans précédent des cycles de l’azote et du carbone, de l’épuisement et de l’érosion des sols, de la pollution des eaux et de l’atmosphère, de la standardisation et de la saturation des milieux.

Cette histoire est d’abord celle de la construction d’une science agronomique où se croisent la recherche publique et les intérêts industriels. Elaborée au sein de l’Institut national de la recherche agronomique (créé en 1946) et d’instituts techniques spécialisés, cette rationalité intègre le recours systématique aux technosciences, en disqualifiant toute alternative. Elle est relayée jusqu’à la base par des cohortes d’ingénieurs et de conseillers agricoles, qui évoluent dans un environnement institutionnel complexe et fluide où se côtoient les représentants et les agents de l’Etat, des coopératives, des firmes privées et des organisations professionnelles.

On comprend mieux, dès lors, comment les jeunes agriculteurs modernistes de l’après-guerre se sont rapidement approprié cet évangile modernisateur : celui-ci leur fut présenté dès le départ, autorité scientifique à l’appui, comme un horizon indépassable. Les sciences humaines et sociales ne sont pas étrangères à cette évolution : le mouvement – particulièrement fort en Bretagne – d’ethnologisation et de muséification d’une civilisation paysanne perçue comme immobile, naturellement condamnée, a participé à la disqualification des savoirs et pratiques vernaculaires, comme l’ont montré Margot Lyautey, Léna Humbert et Christophe Bonneuil dans Histoire des modernisations agricoles au XXe siècle, (Presses universitaires de Rennes, 2021).

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