Planification écologique : du pipeau !
La nouvelle planification écologique annoncée par le gouvernement reste dans le flou, regrettent, dans une tribune au « Monde », l’économiste Cédric Durand et le sociologue Razmig Keucheyan. Ils rappellent que des mesures venues d’en haut ne suffiront pas à assurer le succès de la bifurcation écologique.
Après des décennies de fantasmes néolibéraux sur les vertus autorégulatrices de l’économie de marché, le retour en grâce du plan s’apparente à un retour du refoulé. On n’échappe pas à notre destin économique collectif et à la nécessité de le gouverner ensemble. L’instabilité financière endémique, la crise écologique, les soulèvements populaires et les commotions guerrières réinstaurent la primauté du politique sur l’économique. Planifier, donc, c’est regarder ensemble dans la même direction. Mais regarder comment ? L’institution de la nouvelle planification écologique par le gouvernement Borne reste dans le flou. Plus inquiétant, les principes mêmes qui la fondent ne sont pas explicités. Alors que la planification écologique est directement rattachée à la première ministre, en soi un geste fort, on attend toujours un discours qui en préciserait l’esprit et une architecture institutionnelle lui donnant consistance.
Les premiers éléments dont on dispose laissent présager un émiettement peu lisible et difficilement pilotable des compétences. Ainsi, le secrétaire général en charge de ce dossier à Matignon se voit confier une mission aux contours vagues et peu engageants : « coordonner l’élaboration des stratégies nationales » en matière d’écologie. En somme, on cherche toujours les raisons de croire que la planification écologique n’est pas, de la part du pouvoir macronien, un simple élément de langage électoraliste visant à mordre sur les plates-bandes mélenchonistes.
Une instance pour le temps long
Le premier fondement de la planification est d’être démocratique. Dans son récent rapport sur le sujet, France Stratégie met bien en avant cette préoccupation : s’il s’agit de transformer la structure énergétique sur laquelle repose notre société et, plus largement, notre relation à la nature, il faut pouvoir s’appuyer sur une légitimité en acier trempé. Une légitimité bien plus solide que celle que procurent de courtes victoires électorales. Pour l’obtenir, la participation populaire, l’ancrage territorial, l’implication des branches économiques et du monde associatif, l’éclairage des communautés scientifiques sont indispensables. Elles doivent être organisées en une instance spécifiquement conçue pour le temps long. Elle peut être rattachée à Matignon, puisqu’une forme de centralisation politique permettant la hiérarchisation des objectifs est souhaitable. Mais ses liens avec le Parlement, où sont plus largement représentés les divers secteurs et sensibilités qui traversent la société, doivent être permanents.
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