Inflation :Un phénomène qu’on n’a pas vu venir
L’économiste Jean-Marc Siroën revient, dans une tribune au « Monde », sur les raisons qui ont conduit la majeure partie des banquiers centraux et ministres de l’économie à ne pas vouloir voir venir l’inflation, qui s’est imposée comme un phénomène planétaire.
La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a déclaré, le 1er juin, sur CNN : « Je me suis trompée à l’époque sur la trajectoire que prendrait l’inflation. » Si on se reporte au début de la pandémie, l’erreur de la majorité des économistes et des banquiers centraux a été bien plus grave qu’une erreur de trajectoire. Le risque d’inflation a d’abord été nié, puis, une fois la hausse des prix avérée, elle a été relativisée.
Comme elle ne concernait que certains produits, il ne s’agissait pas vraiment d’inflation mais simplement d’un ajustement des prix relatifs. Puis l’inflation finit par être reconnue mais du bout des lèvres, sans affolement. Elle ne serait que limitée, à peine au-dessus des 2 % c’est-à-dire justement la cible des banques centrales. Elle serait d’ailleurs transitoire, juste le temps de résorber le choc. Le fait est pourtant qu’elle bat aujourd’hui des records, qu’une boucle prix-salaires se met en place et que personne n’ose plus en prédire la fin.
Pourtant, dès le début de la pandémie, le risque d’inflation était évident tellement les données étaient, pour une fois, excessivement simples. Les confinements allaient provoquer une chute de la production plus importante que celle de la demande et il n’est nullement nécessaire d’être docteur en économie pour comprendre qu’il s’agit là de ce que les experts appellent un écart inflationniste.
Une définition imparfaite de l’inflation
Certes, dans un premier temps, les confinements ont conduit à un autorationnement qui masquait le déséquilibre entre l’offre et la demande mais au prix d’une accumulation explosive d’épargne forcée par les contraintes sanitaires. Lorsque celle-ci sortirait, comme elle sort après les guerres, la demande exploserait avant même que la production ait retrouvé ses pleines capacités.
Cette erreur a plusieurs origines. La première est la définition même de l’inflation retenue par les banquiers centraux et les économistes : la hausse de l’indice des prix à la consommation. Comme depuis trente ans, il était à peu près stable, souvent même en dessous de la hausse annuelle des sacro-saints 2 %, l’inflation pouvait être considérée comme enterrée. Elle ne renaîtrait jamais de ses cendres.
Si une inquiétude persistait, elle concernait la déflation, pire encore pour l’économie que l’inflation vaincue depuis les années 1980. Pourtant, les biens de consommation ne sont pas les seuls à afficher des prix. Quid des actifs (actions, immobilier…) ? Eux, ils n’ont pas oublié l’inflation. Mais comme ils avaient le bon goût d’absorber l’excès de liquidités dû à une épargne surabondante et aux largesses des banques centrales, on n’allait pas en faire un drame !
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